Rail Freight Forward : le rail veut devenir la locomotive du verdissement des transports

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Rail Freight Forward a présenté ses ambitions et son plan d’action le 20 février 2019 à l’occasion de l’arrivée du « train de Noé » à Bruxelles. La nouvelle coalition d’opérateurs ferroviaires européens veut quasiment doubler d’ici 2030 la part modale du rail dans le transport de marchandises. Pour y parvenir, ils comptent sur des mesures et des investissements ciblés de l’Europe et des États membres.

En Europe, le transport de marchandises produit aujourd’hui 275 millions de tonnes d’émission de CO2 par an, ce qui correspond à 10 % du total. Cette situation s’explique par la domination du transport routier de marchandises (TRM), dont la part modale est de 75 %, a assuré Geert Pauwels, pdg de l’opérateur ferroviaire belge Lineas lors de l’arrivée du « train de Noé » à Bruxelles le 20 février 2019 (voir pages suivantes). Le TRM a une plus forte empreinte écologique en comparaison aux autres modes, un impact élevé sur la mobilité (120 heures perdues par chauffeur de poids lourds par an) et sur la qualité de l’air, avec son incidence sur la santé des Européens (45 000 morts prématurées). Si le transport doit croître de 30 % d’ici 2030 et si l’Europe veut atteindre dans le même temps les objectifs climatiques qu’elle s’est fixés, il est urgent d’opérer une transition, a-t-il souligné. « Sans mesures drastiques, les émissions de CO2 du transport augmenteront de 25 %, la pollution de l’air augmentera en proportion et nous serons tous bloqués en permanence dans les embouteillages ».

À ses yeux, l’alternative est toute trouvée: le rail, « qui consomme six fois moins d’énergie, crée neuf fois moins d’émissions de CO2, cause huit fois moins de pollution atmosphérique », est prêt à prendre en charge une part beaucoup plus importante des volumes à transporter. Cela permettra de « réduire considérablement l’empreinte carbone du secteur des transports ».

La coalition Rail Freight Forward, qui rassemble des entreprises européennes de fret ferroviaire, place haut la barre en affichant l’ambition de faire passer la part modale du transport ferroviaire de fret de 18 % à 30 % d’ici 2030.

Un plan d’action « 30 by 2030 »

« Un tel chiffre n’a rien d’utopique. L’exemple de pays comme la Suisse, l’Autriche ou les États-Unis le prouve », a déclaré Clemens Först, pdg de Rail Cargo Group. Cela éviterait notamment l’arrivée d’un million de camions supplémentaires sur les routes européennes, 80 millions de tonnes de CO2 additionnelles et 10 000 morts prématurées en plus.

Pour atteindre cet objectif, les opérateurs ferroviaires membres du groupement ont élaboré un plan d’action baptisé « 30 by 2030 ». Il a été présenté à Bruxelles dans le cadre du musée du rail Train World. L’arrivée du « train de Noé » est venue ponctuer la volonté du secteur de devenir la locomotive du verdissement des transports.

Le plan se déploie en trois volets principaux :

- Les opérateurs ferroviaires doivent offrir des services qui savent convaincre les chargeurs et les transporteurs en améliorant leur productivité, leur fiabilité et leur compétitivité, en augmentant la facilité d’utilisation du rail et en stimulant l’interaction avec les autres modes et l’innovation.

- Traverser l’Europe avec un train doit devenir aussi facile qu’avec un camion. « À l’heure actuelle, la différence est énorme », a déclaré Clemens Först. Pour y parvenir, il faudra agir sur différents tableaux : accès au réseau, planification des transports, flexibilité opérationnelle, intégration de l’infrastructure…

- Il faut mettre à égalité de chances les différents modes en créant ce « level playing field » tant attendu par le rail. Cela passe inévitablement, aux yeux du secteur, par une internalisation des coûts externes, que le transport ferroviaire dit être le seul à assumer de façon presque totale.

Clemens Först a aussi appelé de ses vœux un changement radical de mentalité – le fameux « mental shift » – tant chez les opérateurs eux-mêmes que chez les gestionnaires de l’infrastructure et chez les décisionnaires politiques. « Nous devons arrêter de nous contenter de la manière dont les choses se font aujourd’hui. Il faut traiter le fret de la même manière que les voyageurs. Et cesser de se poser la question de savoir s’il y a un avenir pour le rail, et se demander s’il existe un avenir sans le rail ».

Concernant les deux derniers points du plan d’action, Sylvie Charles, directrice de SNCF Logistics Rail & Intermodal, a estimé que le secteur ferroviaire ne souffrait pas d’un excès de réglementation européenne, mais d’un « manque d’Europe » et qu’il existe un besoin urgent d’harmonisation et de standardisation au niveau communautaire.

L’exemple belge

Parlant au nom du Forum belge des entreprises de fret ferroviaire, qui a mis sur la table son propre « mémorandum pour une politique ciblant le transport de marchandises par le rail », Paul Hegge, directeur des affaires publiques et de la responsabilité sociale chez Lineas, a clairement fait apparaître quelles pouvaient être les attentes de ces opérateurs au niveau national, la Belgique pouvant sans doute servir d’exemple à d’autres pays.

Paul Hegge a formulé des propositions précises, adressées tant au gouvernement qu’à Infrabel, le gestionnaire du réseau ferroviaire belge :

- Investir dans le réseau pour rendre possible d’aligner des trains d’une longueur totale de 740 mètres (contre 600 m aujourd’hui), ce qui se traduirait par un gain de productivité de 25 % et une baisse appréciable des coûts.

- Accélérer la mise en œuvre du système ECTS (qui doit aider à la numérisation) et aider les opérateurs à financer l’important investissement requis dans ce contexte.

- Optimiser la circulation des trains par une meilleure planification et une gestion en temps réel du trafic, en prenant comme modèle ce qui se fait, par exemple, aux Pays-Bas pour garantir la fluidité du passage des trains de marchandises.

- Abaisser le seuil d’accès au rail en compensant les transporteurs routiers pour les coûts additionnels de manutention et en réduisant le prix du premier et dernier kilomètre.

- Rendre le train plus compétitif en diminuant de moitié le tarif appliqué pour les sillons (comme l’ont fait l’Allemagne et les Pays-Bas).

Un représentant de l’Union wallonne des entreprises a ajouté deux points à cette liste : maintenir le réseau structurel et donc les embranchements aux sites industriels susceptibles d’utiliser le rail, prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder le trafic diffus. Selon lui, Infrabel doit passer d’une logique de réduction des coûts à une logique de transfert modal.

Le ministre fédéral belge de la Mobilité, François Bellot, n’a que modérément apprécié que la politique du gouvernement n’ait pas suscité quelques remarques plus positives. Il a énuméré les efforts budgétaires et infrastructurels faits pour développer le réseau comme « cent kilomètres de voies en plus, du jamais vu depuis les années 1980 » et les mesures pour inciter chargeurs et transporteurs à utiliser le rail. Il a aussi regretté que l’État fédéral belge – qui reste compétent pour le rail – peine parfois à convaincre les régions – qui utilisent par exemple le revenu de la taxe kilométrique pour financer des chantiers routiers - d’œuvrer davantage ensemble dans le dossier du rail.

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