« En même temps »
La crise sanitaire et la crise économique qui en découle portent des effets étonnants et inattendus, voire paradoxaux, note Yann Alix, délégué général de la fondation Sefacil, qui souligne que la valeur globale des échanges a diminué de 27 % au deuxième semestre 2020, soit la plus grave crise économique de l’histoire récente. « Mais, en même temps, souligne-t-il, les lignes régulières de transport de conteneurs ont connu une profitabilité importante, alors que le nombre de conteneurs transportés était en berne. La manutention portuaire a connu une chute de 40 % en Europe, et, en même temps, les lignes ferroviaires Asie-Europe ont connu la congestion, avec 5 000 trains-blocs pour faire face au blanck sailing et à des transit times maritimes dégradés. La baisse de circulation des avions et des voitures et l’industrie mondiale en berne ont amené la consommation et les prix du pétrole au plus bas, et, en même temps, les taux d’affrètement des tankers montaient, ces navires étant utilisés comme stockage spéculatif temporaire ».
Yann Alix rappelle les gains de parts de marché du port de Tanger Med, ou encore les records de trafic des ports de Los Angeles ou Shanghai, qui a manutentionné 4 MEVP en un mois. Et de s’interroger sur le retour des ports français sur leurs niveaux d’activité d’avant la crise, qui dépend directement de la reprise économique du pays. « Chargeurs et logisticiens concentrent leurs flux sur les ports les plus fiables. Or le déficit de confiance des ports français s’est creusé en 2019 ; le travail de reconquête sera difficile », prévoit-il.
« Le plus important, c’est la fiabilité sociale »
Une analyse partagée par Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, qui souligne que les ports français n’ont pas été un obstacle à l’activité économique pendant le premier confinement, puisqu’ils ont continué à fonctionner. « Mais ils ont perdu des parts de marché, le déficit de confiance qui s’était accumulé depuis des années s’étant encore accentué dans les mois précédant le confinement », déplore-t-elle.
Pour inverser le mouvement, Anne-Marie Idrac compte sur la charte portuaire, signée le 7 octobre 2020 par les organisations professionnelles du transport et de la logistique, qui s’engagent à passer prioritairement par les ports français. « Le plus important, c’est la fiabilité sociale, explique-t-elle. Nous avons signé cette charte car on a ressenti une volonté d’engagement des différents acteurs. Le deuxième élément, c’est la prévisibilité du coût de passage portuaire. Enfin, les ports doivent être entrepreneurs, en organisant les relations avec ceux qui, dans l’hinterland, alimentent les ports. Ils doivent aussi être aménageurs, en levant les freins administratifs. Le signal politique est là, dont nous attendons la mise en œuvre. »
Une stratégie nationale portuaire « longue à maturer »
Ce signal politique favorable, c’est la stratégie nationale portuaire, dont la finalisation est attendue d’ici la fin de l’année, comme le confirme Nicolas Trift, sous-directeur des ports et du transport fluvial à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. « La stratégie nationale portuaire a été longue à maturer : cela fait un an qu’on y travaille, avec plus de 200 acteurs dont les régions, indique-t-il. Contrairement à la précédente stratégie nationale de relance portuaire de 2013, nous avons en effet voulu co-construire avec les autorités portuaires régionales. Cette nouvelle stratégie se veut offensive, pour une reconquête dans un contexte difficile. Notre ambition est de faire passer la part de marché des ports français de 60 % à 80 % ».
« Au-delà du plan de relance »
Cette stratégie de reconquête portuaire va profiter du plan de relance, qui prévoit d’affecter 200 M€ supplémentaire à la transition énergétique dans les ports maritimes : branchements électriques à quai, soutien au report modal, amélioration énergétique des ports eux-mêmes. Les ports bénéficieront aussi, indirectement, d’autres volets du plan de relance qui concernent le ferroviaire, le fluvial ou encore l’hydrogène.
Les éléments en faveur de l’hydrogène, par exemple, peuvent être favorables aux ports souhaitant installer un électrolyseur, souligne Stéphane Reiche, du Grand port maritime de Marseille, qui précise : « Au-delà du plan de relance, il y a aussi des opportunités de cofinancement à saisir pour les ports, par exemple dans le cadre du Green Deal européen. La zone industrielle portuaire de Fos peut bénéficier du Fonds de transition juste. Et le port de Marseille va répondre à l’appel à projets européen H2020 sur l’aspect Green Port ».
Deux autres webinaires complètent ces Assises du Port du futur en ligne : l’un le 18 novembre 2020 sur la recherche portuaire française, l’autre le 19 novembre sur l’innovation portuaire avec la présentation par Haropa de deux projets innovants sur le bassin de la Seine. Ces trois webinaires sont animés par la journaliste spécialisée Nathalie Bureau du Colombier, qui collabore à NPI.