Grâce à l’effet du réseau Seine-Escaut, Multirégio pourra dès 2021 avec des amplitudes horaires plus importantes utiliser davantage le canal du Nord dont les écluses sont télécommandées, faciliter les échanges sur les bassins de la Seine et du réseau Dunkerque-Escaut, puis de façon encore plus massive à partir de 2028, date d’ouverture prévue du canal Seine-Nord Europe. Au cœur du réseau Seine-Escaut Multirégio contribuera au développement d’une logistique multimodale plus intégrée et d’un réseau de ports intérieurs au bénéfice des quatre régions du Nord de la France sur plus de 1 100 km de voies navigables à grand gabarit pour élargir l’hinterland des grands ports maritimes du Havre, de Rouen et de Dunkerque.
La réalisation du Grand Paris Express, c’est 42 Mt de déblais à évacuer et 3 Mt de voussoirs à transporter. Un partenariat entre VNF et la Société du Grand Paris d’octobre 2018 doit favoriser l’utilisation de la voie d’eau pour les déblais et l’approvisionnement en matériaux : Multirégio peut participer à cette démarche axée sur le renforcement et l’industrialisation de la logistique urbaine, notamment pour l’économie circulaire et la grande distribution.
Deux modèles de cale
Le concept Multirégio propose deux modèles de cale avec deux dimensions un automoteur de 45 m par 5,80 m pour le gabarit intermédiaire, de 38,5 m par 5,05 m pour le Freycinet. Il est aussi prévu un bateau ponté auto-déchargeant pour la version gabarit intermédiaire (45 mx5,80 m).
« Le mode d’exploitation à postes H24 et le fonctionnement de ces unités en convoi multi-usage de 90 mx5,80 m sur le canal du Nord et de 90 mx11,60 m sur le réseau au grand gabarit (Vb, Va) sont les demandes principales des industriels avec, à terme, un convoi autonome par platooning », continue Nicolas Bour. La démarche d’exploitation multi-lots, mutualisée entre les industriels, la simplification du bateau sur le même principe que le projet Watertruck, conduisent à un allègement de la masse à vide permettant un emport plus important à tirant d’eau égal. Ce sont les principales pistes d’innovation de cette solution. Le mode d’exploitation à postes H24 ne nécessite plus de logement à bord et permettra une approche intégrée des postes de travail avec les opérations portuaires et routières. La livraison des premières unités est prévue pour 2021.
« Multirégio est une urgence pour le fluvial pour plusieurs raisons, explique Nicolas Bour de VNF. La flotte opérationnelle de bateaux Freycinet et Campinois de 250 à 650 t représentait 12 000 unités en France en 1910, 1 000 unités en 2000, et moins de 300 en 2018, alors que ce réseau est quasiment identique aujourd’hui par rapport à celui de 1910 quand la France était la première puissance fluviale européenne ». De même la très forte réduction du transport pour compte propre en 35 ans (divisée par 2 entre 1980 à 2015) a très fortement réduit la construction de nouvelles unités fluviales durant les dernières décennies. « Et pourtant, il existe des demandes d’unités de 200 à 500 t, de solutions multi-lots sur le grand gabarit, de mutualisation inter- et intra-filière ». Ces demandes ont été largement exprimées entre 2013 et 2016 par près de 450 acteurs économiques qui ont participés à l’étude financée par la Commission européenne sur les solutions fluviales et ferroviaires le long du corridor multimodal européen mer du Nord-Méditerranée sur les 3 bassins Seine-Escaut, Rhin-Moselle et Rhône-Saône.
Une problématique similaire identifiée depuis 2012 en Flandre a conduit au projet Watertruck+, qui prévoit des barges et pousseurs formant des convois, pénétrant le réseau fluvial capillaire et favorisant le report modal, ainsi qu’aux barges Zulu pour de la distribution urbaine (voir notre article).
Des contrats et protocoles signés en 2019
Les filières de la construction, de l’agro-industrie, du bois, de la chimie, du recyclage mais aussi les chantiers, les ports intérieurs et maritimes peuvent être intéressés par la solution Multirégio. Ce sont des industries souvent installées au bord de la voie d’eau, connectées aux villes et aux ports. Elles doivent faire face à des problématiques de compétitivité, de congestion du mode routier, le tout dans un contexte de décarbonation des transports et de logique d’économie circulaire.
Un important travail auprès des filières a conduit le 13 février 2019 à la signature d’un contrat avec le comité stratégique de filière des industries de la construction (CSF IPC). Pour celui-ci, Multirégio est une solution qui améliore la compétitivité (moindre coût de transport) de ces industries, permet de développer des projets d’économie circulaire, d’accompagner les projets du grand Bassin parisien. Il permet de réduire les effets de la congestion du transport en zone urbaine où il peut favoriser aussi le développement des ports intérieurs.
Une autre avancée a été la signature d’un protocole inter-filières le 6 mai 2019 entre VNF, l’association des industries de produits de construction (AIMCC), Intercéréales, le groupement industriel des constructions et activités navales (GICAN) pour remettre un dossier de financement auprès de BPI France début 2020.
« Avec le protocole, plusieurs acteurs de ces filières se sont engagés en vue de créer une société de location de barges de gabarit intermédiaire, et de développer des offres multimodales sur le périmètre du réseau Seine-Escaut notamment au sein du grand bassin parisien », a précisé Intercéréales. Cette organisation indique que deux axes de travail seront conduits d’ici novembre 2019. Le premier avec un architecte naval et un bureau d’étude portuaire pour finaliser, d’une part, le dossier de consultation des barges et, d’autre part, les besoins d’adaptation portuaire sur le réseau Seine-Escaut et le lancement de solutions multimodales intégrées. Le deuxième avec un conseiller économique et financier pour définir le modèle économique et les solutions de financement de l’offre Multiregio, notamment en s’appuyant sur les enjeux d’innovation de cette solution.