Un principe de neutralité
La réunion était ouverte à tous, cependant, le débat a surtout réuni des animateurs de la voie d'eau et beaucoup d'intervenants concernés par l'irrigation de la Camargue, « dans un contexte de changement climatique où les étiages vont être plus longs, plus fréquents ».
« Arles correspond à une extension des prérogatives ». L'extension du périmètre de 80 km de fleuve et de 3 000 ha en concession a pour objectif d'homogénéiser la gestion du Rhône, sécuriser l'ensemble du linéaire navigable et valoriser le domaine public fluvial intégré au périmètre de la concession. Le projet de prolongation propose d'intégrer dans le périmètre de la concession du Rhône plusieurs tronçons et ouvrages du domaine public fluvial. Et face aux premières inquiétudes énoncées lors des échanges, Christophe Deblanc a assuré que « l'extension ne changera rien aux redevances existantes perçues par VNF ».
Le contenu du projet de prolongation de la concession du Rhône a été détaillé afin de montrer les enjeux des débats. L'Etat souhaite prolonger de 18 années la concession confiée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) s'additionnant au terme actuel prévu au 31 décembre 2023, ce qui conduirait à une prolongation jusqu'en 2041, de manière à assurer une durée moyenne d'exploitation de 75 ans pour chacun des 18 ouvrages.
La concession du Rhône est un modèle unique en France - redistributif, doté d'un schéma directeur- qui avait été confiée, initialement, dès 1934 à la CNR. Le modèle a un triple objet : la production d'hydroélectricité (3 000 MW de puissance avec 19 centrales), la navigation (330 km de voie navigable à grand gabarit) et l'irrigation (près de 170 prises d'eau agricoles sur le fleuve) et autres usages agricoles, ainsi qu'un schéma directeur de planification et de programmation des investissements du concessionnaire sur le Rhône. Le projet de prolongation de la concession du Rhône prévoit de modifier et renforcer ce schéma directeur. Deux autres champs d'intervention ont été ajoutés : la préservation de l'environnement et l'aménagement des territoires du Rhône. Le gestionnaire, donc la CNR, est obligée de garantir la bonne exploitation de la concession en tant qu'aménageur de la vallée et partenaire des acteurs locaux, et est contrôlée par l'Etat.
« La CNR est soumise à des aléas exogènes. Il y a une extrême variabilité dans l'exercice de ses missions ». Le projet de prolongation est élaboré de façon à ne pas constituer une aide d'Etat interdite par le traité fondateur de l'Union Européenne. Le concessionnaire ne doit pas bénéficier d'un avantage économique. « La grande idée : pas d'enrichissement de la CNR ni d'appauvrissement pour assurer ce principe de neutralité ». Aussi, dans le cadre de son programme d'investissement qui aura un coût, passant à 160 M€ par période de 5 ans contre 140 M€, sera appliquée une redevance variable en fonction des prix de l'électricité. « Les modalités de calcul de la redevance seront désormais variables en raison des variations climatiques et du prix du marché sur le marché de gros de l'électricité ».
En dehors des investissements additionnels que le concessionnaire sera tenu de réaliser avant des dates fixées, à travers un programme d'études et de travaux d'un montant estimé à 500 M€, en plus des investissements de maintenance dans les installations actuelles de la concession et les investissements du schéma directeur, la CNR dispose d'un cadre pour définir d'autres projets, par exemple, des terminaux, la restauration des espaces naturels, le développement touristique telle la piste cyclable Via Rhôna. Cela s'inscrit dans la ligne directrice proposée qui est le développement durable avec ses 5 volets d'actions. Le premier volet concerne « l’augmentation de puissance sur de l'existant » sur la production d'électricité hydraulique et les autres usages énergétiques.
Le deuxième volet concerne la navigation et le transport fluvial : « L’objectif est de poursuivre l'aménagement du Rhône pour l'hydroélectricité et la navigation dans le contexte du changement climatique ». Le montant global est évalué à 500 M€ dont un des projets est la fiabilisation des infrastructures de navigation avec le doublement des portes aval des écluses de Bollène et de Châteauneuf-du-Rhône.
Y a-t-il une politique incitative pour favoriser la voie d’eau ?
Il y a aussi le développement des zones portuaires, l'amélioration de la qualité du service de navigation en aval de Lyon.
L'ensemble des acteurs le long du Rhône se pose la question du modèle portuaire du Rhône : est-ce qu'on continue ? Est-ce qu'on regroupe certains ports ? Y at-il une vision large de l'axe Rhône-Saône dans sa globalité ?
« Le projet de prolongation de la concession du Rhône est un sujet stratégique pour la chambre de commerce et d’industrie du pays d'Arles », a assuré Stéphane Paglia, président de cette CCI. Celui-ci a toutefois interrogé, dans le projet de prolongation de la concession du Rhône à la CNR, qu’en est-il « de l'avenir du port fluvial d'Arles ?».
Benoit Ponchon, directeur de ce port, est lui aussi intervenu pour savoir : « Est-ce qu’il y aura une politique incitative pour favoriser la voie d'eau ? Qu'en sera-t-il de la commercialisation du foncier ? ».
Le dispositif du schéma directeur apporte la garantie de moyens pour apporter de nouveaux investissements à ce plan quinquennal tel que le soutien de la batellerie, des aides qui contribueront aux moyens des trafics pour que l'axe Rhône soit bien connecté à la façade maritime. Axe Méditerranée-Rhône Saône, un plan de performance logistique connecté pour prendre appui avec le grand port de Marseille.
Un autre volet d'action, l'environnement, a été abordé par Marie-Pierre Callet vice-présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône en questionnant sur « la problématique des poids lourds qui passent par nos petits villages et qui sont devenus une source d'insécurité et de santé publique. Le Rhône, c'est la solution à développer. Il faut profiter de notre fleuve Rhône qui peut nous apporter plus de sérénité dans notre mobilité ». Et elle a demandé : « Comment pourrait-on mieux développer le trafic fluvial ? ».
En conclusion des débats, Jacques Achambaud a souligné : « Le fleuve suscite de la passion. Il correspond aux attachements que les gens ont à ce fleuve ».
Le garant va remettre son rapport de bilan à la CNDP le 31 juillet 2019, document qui sera ensuite disponible en ligne sur le site de la concertation : https://www.prolongation-rhone.fr. Le maître d’ouvrage, soit le ministère de la transition écologique et solidaire, doit rendre son avis en septembre 2019. Si la réponse est positive, les étapes suivantes se dérouleront -saisine de l’Autorité environnementale, étude environnementale, enquête publique- pour aboutir à un avenant au contrat de concession acté par un décret en conseil d’Etat, vers la fin 2020.