La Flandre a mis en place en 1998 un programme de partenariat public-privé pour la construction de points de chargement et de déchargement le long de ses voies navigables, en dehors des ports maritimes. Le but visé était de stimuler le transport de marchandises par la navigation intérieure en offrant aux entreprises une alternative au poid lourd.
Ce « programme des murs de quai » en français, kaaimurenprogramma en néerlandais, prévoit que le secteur public, par le biais du gestionnaire des voies navigables (De Vlaamse Waterweg, depuis la fusion de Waterwegen & Zeekanaal et De Scheepvaart), peut couvrir jusqu’à hauteur de 80 % les coûts d’étude et de construction de l’infrastructure de base. La part publique dans le coût total du projet ne peut pas dépasser les 50 %. Si le quai est construit sur un site soumis au jeu des marées comme l’Escaut maritime, le gestionnaire assume cependant le surcoût qui en découle.
Le partenaire privé prend en charge au moins 20 % des frais de base, ainsi que les investissements pour l’équipement des quais en question. L’infrastructure reste propriété publique, ce qui a fait dire à certains que c’est le secteur privé qui subventionne le secteur public. En outre, les entreprises concernées s’engagent à réaliser via le nouveau quai, pendant une période de dix ans, un volume de transbordement fixé par le contrat de concession. Ce dernier peut inclure l’accès à l’installation pour d’autres chargeurs, dont les volumes sont pris en compte. Enfin, ce trafic doit se traduire – en fonction d’une clé de calcul basée sur les tonnages traités - par un rendement de 6 % sur l’investissement consenti par les pouvoirs publics. Des pénalités sont prévues dans l’hypothèse où les objectifs avancés ne seraient pas atteints, mais des reports de volumes excédentaires d’une année à l’autre permettent d’absorber des fluctuations plus conjoncturelles.
Un franc succès
Le programme qui avait reçu le feu vert de l’Union européenne mais n’a jamais fait l’objet d’un subventionnement européen a connu – et connaît toujours – un franc succès. Il est devenu un des piliers de la politique des pouvoirs publics flamands en faveur de la multimodalité en général et de la voie navigable en particulier.
Depuis 1998, plus de 200 dossiers ont été introduits et approuvés, pour des installations qui se répartissent sur l’ensemble du réseau fluvial flamand et portent sur des trafics aussi divers que les vracs secs ou liquides, les conteneurs, les palettes, les déchets, les colis lourds, etc. Les axes de navigation tant principaux que secondaires en ont profité. Il faut noter qu’une modification du programme est intervenue en 2018 avec la décision d’exclure les opérateurs de terminaux à proprement parler et d’en réserver l’application aux entreprises agissant pour compte propre et qui n’exploitent donc pas le quai de façon commerciale pour compte de tiers.
Tous les dossiers introduits et approuvés n’ont pas (encore) aboutis, mais quelque 120 nouveaux murs de quai – près de six par an en moyenne - ont été mis en service depuis 1998 et sont opérationnels aujourd’hui. A cela s’ajoutent une trentaine de projets en cours d’exécution, à l’étude ou en préparation. Le cap des cent projets réalisés avait été franchi en 2015. A cette date, le régime de partenariat public-privé avait conduit à la construction de douze kilomètres de murs de quais le long des voies navigables flamandes.
Certains groupes ont équipé plusieurs de leurs sites d’un nouveau quai. Il arrive que des dossiers soient suspendus ou que des projets soient finalement annulés. Depuis le début du programme, ce dernier cas de figure s’est produit une trentaine de fois. Les raisons peuvent en être diverses, indique Dominique Van Hecke, directeur général de De Vlaamse Waterweg : « Il faut près de deux ans pour mener à bien un dossier. Des cessations d’activité, des fusions, une réévaluation des conditions, des évolutions de marché… peuvent inciter le partenaire privé à suspendre temporairement le projet ou à y renoncer de façon définitive. Mais le rythme auquel nous recevons de nouvelles demandes reste relativement constant – sept par an sur les quatre dernières années - et nous ne voyons aucune raison de mettre un terme au programme ».
Jusqu’en 2018, la Flandre avait déjà investi près de 87 millions d’euros dans ces nouveaux murs de quai. En partant du principe que cette somme ne peut pas couvrir une part plus grande que 50 % de l’investissement total, l’effort financier fourni par les partenaires privés doit se situer au moins à la même hauteur. Pour 2019, l’investissement prévu par De Vlaamse Waterweg était de 9,4 millions d’euros. Pour 2020, il porte sur 11,3 millions d’euros.
L’engagement sur dix ans auquel ont souscrit les partenaires privés en termes de trafic se situe globalement à près de 140 millions de tonnes. « La fourchette varie entre 66 000 tonnes et 1 million de tonnes par an ».
Le quai servant évidemment durant une période plus longue, le retour sur investissement est nettement supérieur dans la pratique. Le volume transbordé via les nouvelles installations se monterait, d’après De Vlaamse Waterweg, au chiffre très impressionnant de… 403 millions de tonnes sur les vingt années qui séparent 1998 de 2018. Plus de 20 millions de trajets par poids lourd – en comptant 20 tonnes en moyenne par camion – auraient ainsi été évités, avec tous les coûts externes et les nuisances qu’ils provoquent.
Des effets de long terme
Le directeur général de De Vlaamse Waterweg reconnaît que même si le poids des nouveaux murs de quai dans le total des chargements et déchargements sur le réseau flamand est très conséquent, ce résultat doit être compris comme un calcul en partie théorique, dans la mesure où, par exemple, un conteneur transbordé dans le cadre d’un projet relevant du programme se voit attribuer un poids moyen relativement élevé. De plus, ces trafics ne représentent pas nécessairement toujours – à la base – des flux nouveaux pour la navigation intérieure, même si un nouveau mur de quai permet généralement de les développer.
« L’essentiel n’est pas là. Ces chiffres démontrent surtout qu’une telle infrastructure est, pour les flux en question, un point d’ancrage dont les effets se font sentir bien au-delà de la période de dix ans de trafic garanti et sont nettement plus importants. L’investissement dans un mur de quai constitue de la part des entreprises impliquées un engagement très fort en faveur du transport par la voie d’eau et un choix réfléchi pour un mode de transport durable, dont elles veulent faire un usage plus intensif dans leur logistique. Notre partenariat public-privé a fait la preuve qu’il représente pour elles une valeur ajoutée appréciable, qu’il leur apporte une solution à la mesure spécifique de leurs besoins et qu’il favorise le transfert modal de la route vers la voie d’eau », conclut Dominique Van Hecke.