Aux Pays-Bas, la navigation intérieure a transporté près de 360 millions de tonnes de marchandises en 2018. Un tel résultat ne serait pas possible si les Néerlandais n’avaient pas développé un réseau fiable capable d’absorber de tels volumes. Mais entretenir un tel réseau tout en continuant à le développer est une affaire très coûteuse.
Entretenir ce réseau, dont des maillons essentiels datent de plusieurs décennies, et le développer en l’adaptant à l’évolution de la navigation intérieure constitue aussi pour les Néerlandais un enjeu de toute première importance. Mais le défi a cessé de se résumer à l’aspect purement technique de la construction d’œuvres d’art et d’infrastructures. Écologie, climat, mobilité, transition énergétique et innovation technologique, fluidité d’un trafic croissant, réduction des nuisances… sont autant de paramètres que Rijkswaterstaat doit désormais intégrer dans sa démarche de gestionnaire de réseau, à l’heure où les budgets nécessaires ne sont pas toujours au rendez-vous.
Des procédures longues
Les Pays-Bas ne lésinent pourtant pas sur les moyens. Le rapport annuel du ministère de l’Infrastructure et de l’Eau fait état, pour 2018, de dépenses totalisant 845,6 millions d’euros sur le réseau principal de voies navigables. De cette somme, 334,5 millions d’euros sont allés à des opérations d’entretien ou de remplacement, tandis que 159,2 millions d’euros ont été consacrés à des constructions nouvelles de tous types. Le programme multiannuel dans lequel s’inscrivent ces montants poursuit sur cette lancée pour les années à venir.
Tout cet argent ne suffit toutefois pas à faire face à tous les besoins. En début d’année, la Cour des comptes néerlandaise a pointé du doigt 414 millions d’euros « d’entretien différé » sur le réseau fluvial. Cela se traduisait par des pannes et accidents plus fréquents, plus coûteux que si on avait procédé à un entretien préventif, et plus dommageables à la navigation intérieure, dans la mesure où l’interruption ou le ralentissement du trafic qui peut en découler n’a pas pu être planifié.
BLN-Schuttevaer a récemment sonné l’alarme à propos de la situation sur le corridor de la Meuse. « On semble de plus en plus souvent accepter que certains ouvrages d’art ne fonctionnent qu’à 50 % de leur capacité prévue », a déclaré cette organisation. De plus, un problème de pollution freine les dragages nécessaires pour permettre la navigation à la classe Vb. BLN-Schuttevaer ajoutait que cela joue contre la volonté de report modal.
La Haye a promis de renforcer ses efforts infrastructurels, mais l’argent libéré reste parfois coincé dans des procédures plus longues que prévu. Une partie des crédits pour 2018 a dû être reportée sur 2019.
Trop ou pas assez d’eau
D’autres postes gagnent en importance. Le climat s’invite de plus en plus souvent à la table d’un banquet budgétaire insuffisamment garni. La montée attendue du niveau des océans ne peut que susciter l’inquiétude dans un pays dont 60 % de la superficie serait régulièrement inondée s’il n’était pas protégé par ses dunes et digues. La partie « inondable » abrite 9 millions d’habitants sur une population qui en compte un total de 17 millions et produit 70 % du produit national brut.
Se garder de la montée des eaux est un des aspects, il faut aussi se prémunir contre les effets d’un manque d’eau provoqué par le jeu des plus fortes fluctuations climatiques. Comme le souligne Rijkswaterstaat, il faut aujourd’hui trouver le point d’équilibre entre l’écoulement et la rétention de l’eau.
La sécheresse prolongée en 2018 a mis en lumière la vulnérabilité de l’axe rhénan à ce genre de phénomènes. Aux Pays-Bas, la difficulté majeure s’est manifestée sur le Waal, le principal bras du Rhin pour la navigation intérieure. La ministre compétente, Cora van Nieuwenhuizen, a dégagé une enveloppe de 7,7 millions d’euros pour améliorer la navigabilité du Waal à hauteur du seuil de Nimègue.
69 projets listés
Rijkswaterstaat énumère sur son site Internet 69 projets actuels « liés à l’eau » en cours ou prévus. La liste donne une idée des différents fronts sur lequel le gestionnaire néerlandais des voies navigables doit livrer bataille. Elle couvre en effet un spectre très large de dossiers, où l’écologie, la gestion de l’eau et la prévention des inondations mais aussi l’automatisation et la commande à distance des ouvrages, la lutte contre l’érosion des côtes et la rénovation ou l’entretien de ponts cotoient des dragages d’entretien et des projets plus purement infrastructurels, tant maritimes (comme l’écluse d’IJmuiden ou l’approfondissement du Nieuwe Waterweg à Rotterdam) que fluviaux.
Cela signifie aussi que les projets cités ne vont pas, loin s’en faut, uniquement vers des investissements dans la voie d’eau comme vecteur de transport. Parmi ces derniers figurent notamment la construction de nouvelles écluses sur le canal Wilhelmina (mise en service prévue en 2023), la poursuite de l’élargissement des Twentekanalen (qui devrait être achevé la même année et où la seconde écluse à Eefde sera opérationnelle en 2020) et de celui du canal Juliana (à l’horizon 2023).
Un grand projet a été mené à bien tout récemment : sur l’axe entre Rotterdam et Amsterdam, le complexe d’écluse de Nieuwegein, près d’Utrecht, a été doté d’un troisième sas et le canal du Lek a été élargi. Les travaux avaient démarré en 2016 et se poursuivent avec la rénovation des deux écluses datant de 1938 et l’approfondissement du canal. Le coût total du chantier s’élève à 220 millions d’euros.
Le Hoofdvaarwegennet en cinq chiffres
Selon les données de Rijkswaterstaat, le réseau des voies navigables principales (Hoofdvaarwegennet) aux Pays-Bas, ce sont :
• 3 437 km de canaux, fleuves et rivières
• 3 646 km d’accès et corridors maritimes
• 91 complexes d’écluses
• 128 sas
• 333 ponts