« L’écologie a été la grande perdante de la crise de 2008. Depuis, l’époque a changé. L’opposition est dépassée entre l’écologie et l’économie. La transition écologique est une chance pour le pays, la ré-industrialisation, la croissance et les emplois. Elle est un levier de compétitivité, une occasion de faire émerger des champions nationaux. Nous allons garder le cap de la transition écologique, poursuivre et accentuer. Certes, certains calendriers devront être ajustés mais il n’est pas question de revenir sur le principe ni sur l’ambition des réformes adoptées. Ce serait une erreur et même une faute par rapport aux entrepreneurs déjà engagés dans la transition », a déclaré dans son propos introductif Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, lors d’une audition commune avec Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, devant les commissions du Développement durable et des Affaires économiques de l’Assemblée nationale le 30 avril 2020.
Elle a indiqué que les aides d’État aux entreprises stratégiques, par exemple Air France qui bénéficie désormais d’un prêt de 7 milliards d’euros, allaient être accompagnées d’engagements écologiques qui seront discutés entreprise par entreprise en fonction du secteur d’activité. Le prêt à Air France est conditionné à la réalisation d’objectifs de décarbonation et de réduction des émissions de CO2.
Importance de l’hydrogène
L’ambition de transition énergétique nécessite une collaboration avec les partenaires européens : « Le plan de relance européen doit intégrer le dérèglement climatique. » Concernant l’hydrogène, « c’est un vecteur énergétique important, nous avons besoin de définir des modalités de soutien adaptées pour des projets de grande ampleur comme pour ceux de territoire », a dit la ministre. Plus de 150 dossiers ont été reçus dans le cadre de l’AMI lancé par l’Ademe en janvier 2020.
À propos de la SNCF : « L’entreprise a perdu plus d’un milliard d’euros lors des grèves de décembre 2019 et janvier 2020 et perd depuis mi-mars des milliards. Il faudra revoir sa trajectoire en maintenant les investissements et en étant particulièrement attentif au soutien du fret ferroviaire qui est un atout indispensable aussi pour le maintien des industries dans les territoires. »
Des faillites et des destructions d’emplois à venir
Pour Bruno Le Maire : « Il n’y a pas grand sens aujourd’hui à séparer les questions économiques et environnementales. Nous connaissons un choc économique violent, les prévisions de -5,8% sont une alerte pour reprendre l’activité. Le plus dur est devant nous. Dans un premier temps, nous avons amorti le choc avec différentes mesures, PGE, chômage partiel, etc. Le deuxième temps commence le 11 mai 2020. Il sera difficile car les questions sur la solvabilité des entreprises vont commencer à se poser pour le règlement des prêts, les reports ou annulations de charges diverses. Nous verrons des faillites et des destructions d’emplois. Le troisième temps viendra, et nous devons y réfléchir dès maintenant, autour d’une question : quelle économie voulons-nous pour la France, quel modèle économique. Notre modèle de développement économique peut être durable. Nous n’avons pas besoin d’un moratoire sur la transition écologique mais d’une accélération. Notre économie doit être la première décarbonée en Union européenne. »
Pour le ministre, l’un des outils est d’associer les soutiens aux entreprises, par exemple à Air France, à des conditions de performances écologiques et de transition écologique, inscrits dans des contrats. Cela passera notamment par la suppression de lignes aériennes intérieures, davantage d’intermodalité avec le ferroviaire et les transports régionaux.
Un autre volet d’un modèle économique durable concerne la relocalisation d’activité, « ce qui ne signifie pas la fin de la mondialisation » mais certaines activités stratégiques « qu’on a laissées partir à tort » doivent être réimplantées en France. Deux conditions sont nécessaires pour y parvenir : rester compétitif et investir dans les nouvelles technologies pour être à la pointe des innovations. Un troisième point porte sur « la lutte contre les inégalités ». Un quatrième pilier est la coordination avec l’Union européenne dans le cadre du Green Deal (pacte vert) « plus que jamais d’actualité. Il faudra convaincre les États membres de mettre en œuvre les mesures de cette politique le plus vite possible ».
4 conditions pour bâtir une économie décarbonée
Pour Bruno Lemaire, l’objectif pour l’après Covid-19 est donc de bâtir une économie décarbonée et il détaille quatre conditions pour y parvenir. La première sera d’accompagner les salariés et les jeunes en matière de qualifications et de formations. La deuxième sera d’y consacrer « des moyens d’investissements importants » dans un contexte où, notamment, le prix du baril de pétrole peut inciter à continuer à favoriser les énergies fossiles ; une coopération européenne est ici nécessaire. La troisième condition est un soutien à la demande, par exemple, pour le secteur automobile, le choix de véhicules respectueux de l’environnement doit être fait, avec une mention favorable pour l’électricité. La création de filières industrielles innovantes sur les batteries, l’hydrogène, etc. constitue une quatrième condition à la réussite de la mise en place d’une économie décarbonée dont la marque du succès sera de parvenir à « conjuguer emplois et transition écologique ».
Bruno Lemaire a soutenu la mise en place d’une « taxe carbone aux frontières de l’Union européenne ». Prenant l’exemple de l’acier, selon lui : « Si l’on veut une industrie décarbonée, résister à la concurrence de la Chine, il faut une compensation carbone aux frontières de l’Union européenne. Sinon, tout le monde va continuer à s’approvisionner en Chine là où c’est moins cher. » De même, les garanties à l’export doivent davantage intégrer des contraintes environnementales.