« Notre volonté de développer le transport fluvial de conteneurs sur l’Île-de-France est partagée »

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L’Île-de-France compte sept terminaux à conteneurs : celui de Gennevilliers, exploité par la société Paris Terminal, et ceux de Limay, Longueil-Sainte-Marie, Paris-La-Bourdonnais, Bonneuil-sur-Marne et Évry, exploités par Terminaux de Seine. Entretien avec Alain O’Jeanson, directeur général de Paris Terminal et de Terminaux de Seine.

NPI : Comment évolue le niveau d’activité de vos terminaux ?

Alain O’Jeanson : Les crues sur la Seine en début d’année nous ont fait traverser de très forte perturbation. Mais certains indicateurs sont très positifs : sur l’ensemble des Terminaux de Seine et de Paris Terminal, nous enregistrons 40 à 42 escales chaque semaine, alors que nous en réalisions entre 30 et 35 en 2017. Cela est dû aux changements intervenus dans l’organisation de la desserte de Longueil-Sainte-Marie par Logi Ports Shuttle. Précédemment, cela se faisait en direct depuis Le Havre, avec une escale par semaine. Désormais, Logi Ports Shuttle dessert Longueil deux fois par semaines depuis Gennevilliers, en s’appuyant sur ses nombreux services reliant Gennevilliers au Havre. La seconde raison de cette augmentation du nombre d’escales, c’est l’arrivée de Bolloré Logistics dans le transport de conteneurs, avec le lancement d’une ligne entre Le Havre, Gennevilliers et Bonneuil-sur-Marne.

NPI : Quel regard portez-vous sur la conjoncture du transport fluvial de conteneurs ?

Alain O’Jeanson : Notre volonté de développer le transport fluvial de conteneurs sur l’Île-de-France est partagée et nous percevons des signaux très positifs. Bolloré, par exemple, ne faisait pas partie du monde fluvial, et son arrivée sur la Seine montre que les mentalités évoluent. Si les logisticiens s’intéressent au fluvial, ce n’est pas par hasard, ni uniquement dans une logique de communication : il s’agit d’une vraie prise de conscience de la nécessité d’intégrer d’autres modes que la route dans leurs chaînes logistique. Cette stratégie répond aussi à une demande de la part de leurs clients, qui veulent se voir proposer des transports alternatifs, moins carbonés. L’arrivée d’un gros acteur comme Bolloré est bonne pour l’image du fluvial, et incitera forcément d’autres gros faiseurs de la logistique à réfléchir à l’utilisation de ce mode.

NPI : Quelle est la situation spécifique en ce qui concerne la Seine ?

Alain O’Jeanson : Au Benelux ou en Allemagne, le transport fluvial fait partie intégrante des modes utilisés par les armements maritimes. J’ai le sentiment que c’est moins le cas sur l’axe Seine : les armateurs s’y montrent plus frileux, vu les diverses contraintes de ce mode au Havre et les prix offerts par la route. Bien sûr, les boîtes viennent surtout du maritime, mais seul MSC continue à avoir une offre fluviale régulière, via des accords de slots à l’année sur les services de Logi Ports Shuttle. La plupart des armements utilisent ce mode alternatif à la route de façon plus opportuniste, et n’affichent pas une vraie priorité pour le fluvial. Le bassin de La Seine est encore un bassin de navigation fermé, avec une zone d’attractivité limitée. Entre les ports normands et l’Île-de-France, les contraintes d’exploitation sur l’axe restent fortes, avec par exemple les travaux du pont du Hode en 2017, les programmes de maintenance des écluses, les limites de gabarit en amont de Gennevilliers, la hauteur des ponts de la capitale, ou encore les périodes de crues. Cela influe directement sur les résultats des transporteurs, pour qui l’exploitation des bateaux est un défi de tous les jours. C’est moins le cas pour les opérateurs fluviaux d’Europe du Nord : ce n’est certainement pas un hasard si ces derniers, opérant sur les réseaux fluviaux du Benelux et d’Allemagne, ne s’intéressent  pas encore vraiment aujourd’hui au bassin de la Seine, où les volumes transportés ne sont pas comparables.

Seine-Nord ouvrira de nouveaux horizons, de nouvelles opportunités et de nouveaux marchés

NPI : Comment l’utilisation du terminal multimodal du Havre (LHTE) influe-t-elle sur l’activité de vos terminaux ?

Alain O’Jeanson : L’organisation dans les ports maritimes s’est beaucoup améliorée avec l’ouverture du terminal multimodal. Il reste cependant un certain manque de souplesse dans le transfert ferroviaire entre Port 2000 et LHTE ; le lissage des pics de volume reste difficile à gérer. Avec des navires maritimes plus gros, il y a moins d’escales et davantage de conteneurs par escale. La concentration des alliances maritimes amplifie les phénomène : des périodes très denses autour du weekend, et moins d’activité en milieu de semaine. LHTE ne joue pas le rôle de tampon que l’on pourrait imaginer et subit, comme les grands terminaux maritimes et comme nos terminaux fluviaux, une alternance de périodes de forte charge et de moindre activité. Le Havre constitue pour nous la seule entrée et la seule sortie, ce qui accentue notre dépendance à l’axe Seine. Nous ne faisons que du conteneur, et sommes impactés dès qu’il se passe quelque chose dans cette filière. Avec Seine-Nord, nous aurons d’autres opportunités, même si l’axe Seine restera bien sûr notre voie naturelle. Seine-Nord ouvrira de nouveaux horizons, de nouvelles opportunités et de nouveaux marchés.

NPI : Quelle est l’activité ferroviaire de vos terminaux ?

Alain O’Jeanson : Seul le terminal de Gennevilliers offre la possibilité de transports ferroviaires. Une liaison existait avec Milan, mais a été basculée sur Valenton faute de sillons ferroviaires adaptés pour tenir un service régulier et des délais jour A – jour B avec l’Italie. Les conteneurs en provenance ou à destination de l’Ouest de l’Île-de-France traversent désormais la région en camion depuis ou vers Valenton. Dans un avenir proche, les trafics en lien avec les chantiers du Grand Paris nous laissent espérer la réception de trains sur Paris Terminal, dont les possibilités et la situation géographique demeurent intéressantes.

NPI : Quels sont vos pistes de développement pour les terminaux périphériques que constituent Limay ou Évry ?

Alain O’Jeanson : La zone portuaire de Limay compte très peu d’entrepôts logistiques utilisés par les acteurs majeurs de la grande distribution transportant leurs marchandises en conteneurs. Le terminal fonctionne à 90 % avec la filière céréale, ce qui rend la situation difficile lorsque la récolte est mauvaise ou le marché export peu porteur. Quant au terminal d’Évry, il a très bien marché pendant une période, avec 50 à 60 boîtes expédiées chaque semaine depuis les moulins de Corbeil. Mais ce moulin est désormais tourné vers d’autres marché que l’export en conteneurs. Il a fallu trouver une autre activité au terminal d’Évry : la plateforme est désormais utilisée pour du service de self-stockage en conteneurs pour des entreprises et des particuliers.

NPI : Le schéma logistique mis en place pour Franprix entre Bonneuil et Paris peut-il être répliqué pour d’autres clients ?

Alain O’Jeanson : Le transport de conteneurs pour la distribution urbaine entre Bonneuil-sur-Marne et La Bourdonnais constitue la locomotive de TDS, avec une belle montée en puissance puisque nous avons commencé avec 20 à 22 boîtes par jour, et nous en sommes aujourd’hui à 35 ou 40 par jour. Franprix a du bouleverser toute sa chaîne logistique, avec une organisation très différente et plus complexe que la livraison par camion, mais qui leur donne entière satisfaction. Pour nous aussi, la livraison urbaine requière une organisation très différente de celle mise en place pour les conteneurs maritimes, puisqu’il s’agit de tenir des délais de livraison très courts, ce qui implique une logistique en temps masqué, nous obligeant à démarrer très tôt le matin. Sur le terminal de La Bourdonnais, les contraintes liées à la ville sont très fortes : il s’agit d’un site ouvert, que nous devons libérer en journée pour les activités urbaines, ce qui implique de ranger notre matériel de manutention et de courir le risque d’incivilités. L’exploitation du terminal de Gennevilliers, par exemple, est beaucoup plus simple à organiser puisqu’il s’agit d’un site industriel fermé dont nous avons l’entière maîtrise. L’exploitation de La Bourdonnais peut encore être optimisée, mais ce site n’est pas loin de sa capacité maximale. Nous avons la volonté de reproduire ce système, mis en place pour Franprix, avec d’autres clients. Ikea, qui s’installe à Gennevilliers, y réfléchit ; Metro aussi. Mais vu les limites d’horaire et d’espace, il nous faudra trouver un autre lieu, ce qui n’est jamais facile à Paris où les berges sont déjà très utilisées. Beaucoup de projets sont à l’étude, et nous savons pouvoir compter sur le soutien du port de Paris et de la mairie pour les mener à bien.

L’activité de transport fluvial de conteneurs en Île-de-France a concerné 161 887 EVP en 2017 selon Haropa – ports de Paris. Le trafic maritime, en lien avec les terminaux maritimes de Rouen et surtout du Havre, représente 70 % de l’activité des terminaux franciliens et a progressé de 1 % en 2017. Le transport de conteneurs interne à l’Île-de-France est en revanche en baisse, malgré la bonne performance de la liaison mise en place pour Franprix entre Bonneuil-sur-Marne et le quai de La Bourdonnais, au pied de la tour Eiffel : 33 589 EVP ont été transportés en 2017, soit 14 % de plus qu’en 2016.

Gennevilliers reste, de loin, le principal port à conteneurs francilien : 51 651 EVP y ont été manutentionnés au premier semestre 2018, soit 4 % de plus qu’au premier semestre 2017. Deuxième site à conteneurs d’Île-de-France, Bonneuil-sur-Marne, porté par la logistique urbaine, avait vu son activité progresser de 16 % en 2017. Les crues du début de l’année 2018, avec deux mois d’interruption pour les navettes entre La Bourdonnais et Bonneuil, ont fait reculer l’activité au premier semestre. Pour l’ensemble de ses terminaux, TDS n’a manutentionné que 14 109 EVP au 31 août 2018, soit 32 % de moins qu’au premier semestre 2017.

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