Alors que le Brexit est au cœur des préoccupations des ports français de la Manche et de la mer du Nord, ceux-ci veulent se présenter unis, notamment face à leurs voisins belges. « Nous avons, à quelques kilomètre, des ports belges puissants qui se regroupent, a souligné Philippe Hourdin, président de la CCI Hauts-de-France, lors de la réunion annuelle de Norlink qui s’est tenue à Lille le 27 septembre 2018. Nous devons également nous regrouper et trouver un positionnement vis à vis de ces ports, avec lesquels nous sommes évidemment en situation de concurrence, mais avec lesquels nous pouvons aussi trouver des stratégies de partenariat ».
Unis, les ports maritimes et intérieurs de la région Hauts-de-France le sont déjà au sein de Norlink Ports, l’association ayant été rejointe cette année par Getlink, dont la filiale Eurotunnel exploite le tunnel sous la Manche. Un nouveau partenaire de poids, puisque 70 % du trafic entre la Grande-Bretagne et le continent passe soit par Calais, soit par Dunkerque, soit par le tunnel, comme le rappelle le président du directoire de Dunkerque-Port, Stéphane Raison : « Il y a un enjeu fort sur ces trois passages, pour que le trafic ne passe pas par d’autres ports. Nous nous y préparons avec Norlink ».
Un corridor européen convoité
Alors que la Commission européenne, dans un projet de règlement, a proposé le 1er août 2018 de redéfinir le corridor mer du Nord – Méditerranée pour la desserte de l’Irlande via les ports de Zeebruge, Anvers et Rotterdam, Stéphane Raison ne semble pas inquiet pour la place des ports français dans ce nouveau dispositif : « L’ajout au corridor d’un tronçon maritime a été demandé par les collègues belges et néerlandais, indique le directeur du port de Dunkerque. Il serait logique que les ports français figurent dans cet ajout, et les élus français au Parlement européen se sont saisis de ce sujet. D’ailleurs, Calais et Dunkerque ne sont pas sortis du corridor et figurent toujours à l’annexe 1 du texte de 2014 ».
L’enjeu principal, pour les ports de Norlink, est la préparation de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, pour être opérationnel le 31 mars 2019 même en cas de Brexit dur, sans accord. Eurotunnel et les ports de Calais et Dunkerque se préparent au pire, pour ne pas être pris au dépourvu et faire face à l’accroissement des contrôles douaniers et vétérinaire qui suivront immanquablement l’absence d’accord sur le Brexit. Pour l’État, il s’agit de prévoir davantage de contrôles. Il revient aux ports de mettre en place les infrastructures pour accueillir les marchandises en attente et les camions, au nombre de 650 par jour à Dunkerque et près de 2000 à Calais. « Nous avons construit avec les services de l’État un plan de contingence ; nous serons prêts et conserverons à nos ports leur fluidité, même en cas de Brexit dur et de mise en place de contrôles renforcés à l’import », souligne Stéphane Raison. Ce plan de contingence prévoit davantage de parkings pour les camions, de hangars pour les marchandises, de bâtiments et de temps de travail pour les services sanitaires et les douanes.
« Le principal risque que nous avons identifié, c’est le transfert de la marchandise depuis les camions, qui passent actuellement par nos ports, vers le transport conteneurisé, pour lequel les ports belges et néerlandais sont très bien positionnés et très performants, analyse François Lavallée, président de la CCI Littoral Hauts-de-France. Nous répondons à ce risque en garantissant la fluidité du passage par Dunkerque et Calais ».
Des investissements… et des résultats
L’adaptation des ports au Brexit est cependant loin d’être le seul domaine d’action de Norlink, dont les 24 membres se sont investis depuis sa création dans de nombreuses actions commerciales et marketing communes. Norlink a aussi favorisé l’utilisation du cargo community system du port de Dunkerque par l’ensemble des commissionnaires de transport de la région, et a participé aux groupes de travail dans le cadre de la mission « axe Nord » confiée par le Premier Ministre au préfet Lalande pour la coopération portuaire régionale.
Les dirigeants de Norlink Ports, à l’occasion de la réunion annuelle, ont tenu à souligner les nombreux investissements réalisés par les ports de la région : doublement de la capacité du terminal à conteneurs de Valenciennes, deux ans après son ouverture, pour la porter à 140 000 EVP, investissements de 130 M€ aux ports de Lille et Santes, de 400 M€ à Dunkerque pour Cap 2020, de 700 M€ à Calais… « Nous devons continuer dans cette voie, explique le président de Norlink, Bruno Fontaine. L’effort réalisé dans les investissements portuaires et fluviaux doit être poursuivi, car nos voisins belges, par exemple, ont mis sur la table 2 Md€ pour les seuls aménagements liés à Seine-Escaut, alors que nous avons eu du mal à trouver 4 Md€ pour financer le canal Seine-Nord ».
Quelques chiffres illustrent les bons résultats des trafics portuaires de la région Hauts-de-France pour la première moitié de l’année. À Dourges Delta 3, par exemple, le ferroviaire a augmenté de 2 % et le fluvial de 30 % à fin août 2018. Le port de Dunkerque, quant à lui, affiche depuis le début de l’année une croissance à deux chiffres en ce qui concerne le transport de conteneurs maritimes.