Lors d’une visioconférence organisée le 17 avril 2020, plusieurs responsables du port de Rotterdam ont tenté de tracer des perspectives pour l’après Covid-19. Ont participé aux échanges organisés par nos confrères de Nieuwsblad Transport : Allard Castelein, PDG de l’autorité portuaire de Rotterdam, Kees Groeneveld, président de l’association des agents maritimes VRC, Ben Maelissa, représentant de l’organisation des entreprises portuaires rotterdamoises Deltalinqs, Roderick de la Houssaye, président de la fédération des expéditeurs et logisticiens néerlandais Fenex.
Bien évidemment, le début des échanges a mis en avant un constat : le port de Rotterdam continue à jouer pleinement son rôle de plateforme de transport, ce qui est vital dans le contexte actuel. Les chaînes logistiques tiennent bon, les terminaux et tous les services liés aux escales de navires fonctionnent normalement, les liaisons fluviales et ferroviaires avec l’hinterland tournent à haut régime. Mais la crise a (et aura) un effet considérable sur les volumes, comme l’ont déjà montré les résultats du premier trimestre (voir notre article). Seul avantage : le risque de congestion s’est fortement atténué.
Redistribution des flux
L’incertitude reste cependant entière quant aux conséquences de la crise à plus long terme. La volonté de réduire, dans certains domaines, la dépendance vis-à-vis de sources d’approvisionnement d’outre-mer et de raccourcir les chaînes logistiques pourrait conduire à une redistribution des flux et à une diminution structurelle du transbordement maritime. Allard Castelein ne s’attend toutefois pas à un revirement immédiat. « Le retour à la normale sera le premier impératif lorsque la crise sera passée. »
Le PDG du port veut saisir l’occasion de « réfléchir aux opportunités ». La stratégie du port est déjà fortement axée sur les transitions énergétique et climatique. Lors de la présentation des résultats pour l’année 2019, il a été mis en avant qu’il fallait réfléchir aux effets d’une course incessante et considérée comme « non durable » à la croissance des volumes. Allard Castelein serait tenté d’accélérer le mouvement en ce sens. Cela implique la nécessité de développer de nouveaux modèles économiques (voir notre article).
Le rôle d’un port pour la société, l’économie et le climat
La crise met financièrement à mal bon nombre d’acteurs. « Il n’y a pas de gagnants dans cette crise », comme l’ont dit Kees Groeneveld et Roderick de la Houssaye. L’Autorité portuaire n’est évidemment pas épargnée. « Notre objectif n’est pas de faire du bénéfice, mais nous devons rester en mesure d’investir dans notre rôle stratégique pour la société, l’économie et le climat », a souligné Allard Castelein. Les grands projets, qui s’inscrivent déjà dans cette logique, sont maintenus.
Contrairement à Hambourg, le port de Rotterdam ne projette pas de prendre des mesures générales – en plus des aides décidées par les pouvoirs publics – pour soutenir les entreprises, par exemple en leur accordant des reports de paiement. Mais si des entreprises se retrouvent en difficulté, leur situation sera étudiée au cas par cas. Cette approche n’a fait l’objet d’aucune contestation de la part des autres participants au débat.
Report modal vers le rail
Ben Maelissa, directeur de l’opérateur fluvial Danser Group, a souligné l’importance de maintenir le niveau opérationnel des infrastructures. Aucun problème de ce type ne se pose encore aux Pays-Bas, mais il ne faudrait pas que l’exemple des écluses sur le Rhin supérieur, qui ne tournent plus en rythme continu, fasse tache d’huile.
Ben Maelissa a dit s’attendre à un recul sérieux des volumes conteneurisés pour la navigation intérieure dans les semaines à venir, dans le prolongement de ce qui se passera dans le transbordement maritime à Rotterdam. Il a, par ailleurs, indiqué qu’un certain report modal semble se manifester de la route vers le rail, où le trafic de fret bénéficie de la diminution du trafic voyageurs. Mais il ne table pas sur des rééquilibrages fondamentaux suite au coronavirus.