Mobilisation autour de la liaison ferroviaire Lyon-Turin

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Le Comité pour la Transalpine a organisé un point d’étape sur la liaison ferroviaire Lyon-Turin mi-juin 2018 dans la perspective de la future loi d’orientation des mobilités et le contexte d’incertitudes politiques en Italie. «Ma conviction est que le fret ferroviaire est une politique de l’offre », a déclaré Jacques Gounon, président du Comité pour la Transalpine et PDG du groupe Getlink (Eurotunnel), lors de la réunion d’information sur la liaison ferroviaire Lyon-Turin, organisée le 14 juin 2018 à Paris. S’il n’y a pas d’offre, il n’y a pas de trains, pas de marchandises ni de voyageurs. Seule une liaison de qualité permet de développer le trafic avec des flux qui peuvent être lointains. Il en est ainsi pour Eurotunnel qui voit passer 10 % des flux entre la Grèce et la Grande-Bretagne. Le point d’étape organisé par le Comité pour la Transalpine, association fédérant de l’Espagne à la frontière italienne les acteurs politiques, institutionnels et économiques mobilisés pour le Lyon-Turin, a permis de rappeler l’existence de 4 points de passage routier entre la France et l’Italie et d’un seul pour le ferroviaire par le tunnel du mont Cenis datant de 1870 qui est « obsolète et d’un surcoût d’exploitation de 40 % ». L’Italie est le seul pays européen à ne pas être connecté à la France par une liaison ferroviaire moderne, fiable et rapide alors que c’est le deuxième partenaire économique de l’Hexagone avec, par an, 75 Md€ d’échanges et 42 Mt de marchandises. Résultat : 92 % des échanges entre les deux pays passent par le réseau routier soit 3 millions de poids lourds par an. Ce nombre est en hausse de 12 % depuis 2013 et les prévisions tablent sur 8 000 poids lourds à l’avenir entre les deux pays.

Tous les modes de transport ont leur place

Le projet Lyon-Turin est composé d’un tunnel de base sous les Alpes de 57,5 km et de voies d’accès en France et en Italie. L’association indique que son coût total est de 18,3 Md€ dont, 8,4 Md€ à la charge de la France. Le tunnel de base, « clé de voûte du projet », prévu avec des pentes faibles pour un trafic massifié, représente à lui seul un coût de 8,6 Md€ financé à 40 % par l’Europe, 35 % par l’Italie, 25 % par la France. Sa mise en service est prévue pour 2030, selon la confirmation des deux chefs d’État lors d’un sommet franco-italien le 27 septembre 2017. Pas de pause pour Lyon-Turin donc, à la différence de qu’avait vécu le projet Seine-Nord Europe quelques semaines auparavant. Le tunnel est déjà creusé à 40 % soit 23 km. 1,5 Md€ de travaux ont déjà été engagés. Les 10 ans de travaux représentent 2 000 emplois directs et 8 000 indirects.

Les retombées à long terme sont positives d’un point de vue économique et environnemental. « Au-delà d’un temps de trajet diminué de 2 h entre la France et l’Italie et d’un confort amélioré pour les 5 millions de passagers attendus, la ligne sera mixte avec principalement du fret ferroviaire », a indiqué Jacques Gounon. Avec le Lyon-Turin, sur 100 t de marchandises, 40 % pourront emprunter le rail et 60 % la route au lieu de respectivement 92 % et 8 % actuellement. Cela signifie 1 million de poids lourds en moins sur les routes des Alpes et une pollution réduite pour les populations concernées. « Tous les transports ont leur place et ce n’est pas une nouvelle infrastructure ni une nouvelle offre ferroviaire qui empêchera le développement des autres modes », a poursuivi Jacques Gounon.

Sécuriser le plan de financement français

Selon l’association, le Lyon-Turin n’est pas seulement une liaison France-Italie. C’est le chaînon manquant du corridor ferroviaire méditerranéen reliant la péninsule Ibérique à l’Europe centrale et de l’Est. Il a aussi du sens dans le contexte du projet chinois OBOR (nouvelle route de la Soie) et des liaisons ferroviaires de fret qui y sont liées et déjà en activité ou à venir. Lyon-Turin peut servir pour des flux Est-Ouest et Nord-Sud qui échappent à la France actuellement et pourraient continuer à lui échapper à l’avenir dans un contexte où tous les autres pays européens construisent des tunnels et des infrastructures ferroviaires. 70 % des échanges entre l’Italie et la Suisse se font par rail.

« Notre responsabilité est de veiller à ce que la France reste mobilisée et leader sur ce projet, a continué Jacques Gounon qui a préconisé « de rester calme et d’attendre » par rapport aux positions divergentes sur Lyon-Turin entre les deux alliés de la coalition au sein du nouveau gouvernement italien. Il a souligné que le président de la République italien « dispose de pouvoirs importants pour faire respecter les traités internationaux » dont Lyon-Turin constitue un élément. En cas de coup d’arrêt du projet, « le coût pourrait être beaucoup plus cher pour l’Italie que la réalisation de la liaison, avec un remboursement à la France et à l’UE des sommes engagées et des pénalités pour rupture de contrat avec les entreprises ».

La réunion était aussi l’occasion d’annoncer la demande d’inscription du projet Lyon-Turin dans la loi d’orientation des mobilités et dans le programme pluriannuel des investissements dans les infrastructures qui y sera associé. Ces textes sont en cours de rédaction par le gouvernement et devraient être présentés en septembre. Il s’agit de sécuriser le plan de financement de la part française du tunnel en programmant les 200 M€ nécessaires sur 12 ans, d’articuler le calendrier du tunnel avec les accès côté français, « qui est un tout cohérent », soit une réalisation pour 2030 pour l’un comme pour les autres et non repousser en 2038 les accès comme le propose le rapport du COI. En échange, l’association propose « un phasage plus sobre du tracé retenant seulement les infrastructures essentielles et en reportant les autres », ce qui permettrait une division par deux des coûts pour les voies d’accès à aménager en France, en s’inspirant de ce qui a été fait en Italie sur le même point.

La mobilisation autour du projet Lyon-Turin gagne en puissance, a indiqué l’association : 75 élus de la région, de toutes les tendances politiques, ont écrit au président de République fin mai. Une réunion le 9 juillet 2018 à Chambéry « a marqué l’union sacrée des acteurs politiques et économiques pour garantir la dynamique de ce grand chantier d’avenir ».

« Les deux projets, Seine-Nord et Lyon-Turin sont des sujets de volonté politique d’engagements financiers », a déclaré Jacques Gounon. Pour ce dernier, le pays ne peut pas stopper tous les grands projets d’infrastructure.

Autour de Lyon-Turin comme de Seine-Nord, la mobilisation des mondes politiques et économiques est là. Le soutien de l’Union européenne est solide. Il reste au gouvernement français d’aller dans le même sens. Si la France veut avoir un avenir, elle a besoin de grands projets d’infrastructure. Ceux-ci ne s’opposent pas aux mobilités du quotidien des citoyens. Et les grands projets d’infrastructures dédiés plus particulièrement au transport de fret ne s’opposent pas à la société ni aux besoins de mobilité de la population. Mais il faut pour cela une gouvernance ferme.

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