Metz, port majeur pour les expéditions de céréales

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Le port de Metz a longtemps pu compter, pour équilibrer ses trafics fluviaux, sur des flux montant de charbon et des expéditions de céréales à la descente. Les premiers étant taris, le port s’est spécialisé dans les céréales, dont les transports fluviaux se trouvent fragilisés.

De par la géographie, les céréales expédiées par bateau depuis Metz ont naturellement pour destination l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. À deux jours de navigation, sur le bassin du Rhin, on trouve en effet de nombreuses industries transformatrices : amidonneries, meuneries et brasseries pour les céréales, trituration pour les oléagineux. Cette proximité est un des atouts majeurs du port, le premier en France pour les expéditions fluviales de céréales. D’autant que la demande y est régulière, contrairement aux exportations maritimes vers les pays non-­européens, qui ne représentent à Metz qu’une part très marginale des expéditions de céréales.

Sur la Moselle, les transports fluviaux ont longtemps été organisés de façon équilibrée, avec des expéditions de céréales à la descente, et des importations de charbon à la remonte. Les charbons n’étant pratiquement plus consommés en France, un déséquilibre s’est installé, qui nuit à la compétitivité du transport fluvial. Les bateaux doivent, en effet, venir de la vallée de la Sarre, où il y a encore des transports de charbon. Certaines origines sont ainsi à parité de coût de transport entre des expéditions fluviales vers le Rhin inférieur et les expéditions par train et, surtout, par camion vers Rouen ou Dunkerque.

La Moselle, moins compétitive

Les expéditions par camion concernent aussi l’Allemagne : depuis les silos Invivo de Metz, 70 000 t ont ainsi été expédiées au cours de la dernière campagne, alors que ce mode ne concernait que 15 000 à 20 000 t les années précédentes. Des volumes encore faibles, mais qui ne seraient que la partie émergée de l’iceberg, selon Bruno Paillaud, directeur d’exploitation d’Invivo Metz : « Je pense qu’il y a une partie croissante du tonnage qui part directement en camion depuis les silos situés en zone de production, et que l’on ne voit pas passer. C’est lié à la perte de compétitivité de la navigation sur la Moselle, et au risque croissant d’un engagement de long terme sur le fluvial, pour cause de basses eaux. Les gros industriels sont de plus en plus réticents à passer des contrats à l’année avec les coopératives agricoles qui les fournissent ».

Alors que la Moselle n’est pas concernée, comme le Rhin, par des problématiques récurrentes de basses eaux, les expéditions de céréales depuis Metz en pâtissent tout de même, explique-t-il : « Le niveau d’eau du Rhin influe négativement sur nos acheteurs, pour qui le surcoût de basses eaux peut être intenable. Le train ne constitue pas une alternative, les coûts de transport de la voie d’eau étant bien inférieurs. Nos clients y réfléchissent pendant les épisodes de basse eaux, mais une telle logistique ferroviaire ne se met pas en place en quelques semaines, ni pour quelques semaines ».

Le Nouveau Port de Metz bénéficie d’une très bonne desserte ferroviaire, le réseau portuaire étant électrifié et situé à proximité du réseau magistral. Mais la situation est moins bonne à l’autre extrémité des voies ferrées : c’est principalement l’état du réseau capillaire desservant les silos situés en zone de production agricole qui est en cause, selon Bruno Paillaud : « Nous cherchons à développer le train mais c’est beaucoup plus difficile à mettre en place que le camion. Cela demande un engagement de la part de nos clients, car la construction d’une chaîne logistique ferroviaire n’est pas toujours facile. C’est essentiellement sur les points de départ des céréales que des difficultés sont rencontrées pour organiser les flux, car certaines lignes capillaires ont disparu et d’autres sont en mauvais état, obligeant les convois ferroviaires à réduire leur vitesse. Si la chaleur, par exemple, oblige à reporter un chargement, l’incidence sur les coûts est immédiate. Il est difficile dans ces conditions de mettre en place une logistique ferroviaire, qui exige avant tout de la fiabilité ».

Mais la priorité, pour Invivo, reste un équilibre à trouver entre les transports fluviaux montant et avalant, seul à même d’améliorer la compétitivité du transport par voie d’eau. Il s’agit, par exemple, de développer de nouveaux flux, comme les engrais ou les granulats. Ramener davantage de marchandises à proximité des silos permet en effet de disposer de cale utilisable pour les expéditions de céréales. Cette tâche difficile est une des priorités d’action attendues du nouveau gestionnaire portuaire.

Un gestionnaire du port neutre

Pour Invivo, le changement intervenu dans la gouvernance des ports de Moselle ne constitue pas un bouleversement. L’union coopérative bénéficie en effet d’un contrat de long terme pour son installation au Nouveau Port de Metz et a un fonctionnement plutôt autonome dans son exploitation. Seul point de vigilance pointé par Bruno Paillaud : la neutralité du gestionnaire portuaire. « Il est important d’avoir un gestionnaire de port le plus neutre possible, pour attirer tous les intervenants. Qu’un opérateur privé soit à la fois gestionnaire de port et affréteur est une source d’inquiétude, une telle concentration d’activité étant de nature à réduire la concurrence entre les transporteurs fluviaux, qui permet aux clients de trouver le prix le plus adapté. En tant qu’exploitant de silo, je n’ai pas d’inquiétude pour notre activité, mais j’en ai pour la performance des acteurs fluviaux et pour la disponibilité de la cale. Chaque euro d’augmentation du fret fluvial correspond à des tonnages prenant la route pour Rouen et Dunkerque, et qui ne passeront plus par la Moselle ».

Les céréales de Champagne n’ont pas Metz pour seul débouché fluvial : plus à l’ouest, elles peuvent embarquer sur la Seine à destination de Rouen. La mise à grand gabarit de Bray-Nogent, si elle apporte de la compétitivité à Nogent-sur-Seine, ne devrait cependant pas pénaliser Metz. Alors qu’Invivo charge déjà chaque année 600 000 t sur la Seine au départ de Montereau-Fault-Yonne sur des bateaux de 2 000 t en moyenne, Soufflet, solidement implanté à Nogent, a prolongé en 2019 sa présence à Metz pour une durée de 25 ans. Et augmente sa capacité sur le port mosellan avec un nouveau silo de 40 000 t, preuve qu’Invivo n’est pas seul à croire en la pertinence du site.

Invivo, acteur important du port de Metz

Union rassemblant 201 coopératives, Invivo est implanté sur le Nouveau Port de Metz depuis la création des premiers silos, au début des années 1970. Ces silos sont alimentés en céréales depuis la Lorraine, la Champagne et la Bourgogne. Chaque année y transite 1,3 à 1,4 Mt de céréales, dont 95 % sont chargés en sortie sur la Moselle, à destination de l’Allemagne, des Pays-Bas ou de la Belgique. Les 5 % restant utilisent la route, et plus marginalement le train. Pour la campagne 2019-2020, Invivo Metz s’inscrit dans une bonne moyenne avec 1,35 Mt. Les expéditions de céréales ont été peu affectées par la crise du Covid-19, sauf pour les orges, la consommation de bière ayant diminué.

Les marchandises arrivant sur les installations d’Invivo le font à 80 % par camion, s’agissant majoritairement d’une production agricole locale. Pour les céréales de provenance plus éloignée, le train est aussi utilisé, qui représente environ 10 % des volumes entrants. Enfin, les 10 % restant concernent la voie d’eau : il s’agit d’entrées de produits utilisant les installations Invivo, comme des engrais ou des granulats destinés à la centrale à béton voisine.

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