Seine-Nord Europe, en ligne de mire
L’objectif de Mærsk, avec cette nouvelle ligne, est de desservir le Nord de l’Île-de-France, mais aussi une partie de la région Hauts-de-France : « Notre volonté est d’approcher un large panel de clients et d’industries. D’un point de vue géographique, nous pourrons répondre à la clientèle de l’Oise, de la Somme, de l’Aisne, de la Seine-et-Marne, du Val-d’Oise et du Grand Paris. Plusieurs secteurs d’activité sont ciblés : le luxe, le retail, le champagne, l’industrie du bois ». Le terminal de l’Oise est aussi idéalement placé pour profiter de la future mise en service du canal Seine-Nord Europe.
Le choix de desservir Longueil-Sainte-Marie en direct depuis Le Havre a été fait par Mærsk pour « contourner la région de Gennevilliers, plus fréquentée et plus congestionnée ». C’est en effet par Gennevilliers que passent la grande majorité des conteneurs fluviaux en provenance du Havre et à destination de l’Île-de-France. La liaison fluviale directe entre Le Havre et Longueil-Sainte-Marie avait déjà été testée par Logi Ports Shuttle. Mais cet opérateur y a renoncé, au profit d’une autre organisation : le transport des conteneurs est massifié depuis Le Havre à bord de plus gros porte-conteneurs fluviaux jusqu’à Gennevilliers, qui sert de hub où ils sont chargés sur un bateau plus petit à destination de Longueil-Sainte-Marie. Cela permet au bateau naviguant sur l’Oise de faire deux aller-retour par semaine, puisqu’il ne doit pas descendre jusqu’au Havre, et de doubler ainsi la fréquence de desserte de Longueil, au prix d’une manutention supplémentaire. Cette rotation mise en place par Logi Ports Shuttle entre Le Havre et Longueil-Sainte-Marie, via Gennevilliers, a permis le développement du port de l’Oise, avec des volumes qui seront de l’ordre de 3 000 boîtes sur l'ensemble de l'année 2019, soit environ 6 000 EVP, selon Paris Terminal, qui exploite les terminaux à conteneurs franciliens.
De l’intérêt de l’escale à Rouen
Logi Ports Shuttle est aussi l’opérateur choisi par Mærsk pour accompagner le développement de sa nouvelle ligne sur la Seine et l’Oise. Mais avec une escale à Rouen, qui ne nécessite aucun détour alors que Gennevilliers rajoute du temps de navigation, comme l’explique l’armement danois : « L’escale sur Rouen présente l’intérêt de se situer sur l’axe Le Havre-Longueil-Sainte-Marie ; une escale à Gennevilliers nécessite en plus du temps de manutention, une durée de navigation qui ne permet pas au bateau d’optimiser sa rotation via le terminal multimodal du Havre. La moindre massification sur la Seine peut paraître préjudiciable. Cependant en phase de démarrage d’activité, cette unité de 99 EVP permet de ne pas avoir à supporter un taux de fret trop important. Il est aussi envisagé de faire évoluer la taille de l’automoteur ou le nombre de rotations pour accompagner le développement commercial ».
Mærsk compte aussi développer l’escale de Rouen : « Ce hub est bel et bien une plateforme multimodale destinée à approvisionner tout le Grand Paris dans laquelle nous avons souhaité investir. Rendu ou au départ de Rouen, plusieurs clients nous encouragent dans cette démarche en basculant tout ou partie de leur flux à la barge. Le terminal de Rouen présente plusieurs avantages : priorisation des escales de barge conteneurs, cadences de manutention soutenues, pas de minimums exigés par barge, VAQ automatisées pour une grande fluidité du temps de passage des conteneurs sur le terminal, passage des camions en moins de 10 minutes pour fluidifier les transports pré/post acheminements, suivi informatique et système de reporting conformes aux exigences, franchise de stationnement élargie pour l’accueil des flux massifiés imports ».
D’autres projets fluviaux et ferroviaires en 2020
La création de la liaison fluviale avec Longueil-Sainte-Marie s’inscrit aussi dans une réorientation stratégique des activités terrestres de Mærsk, qui souhaite renforcer sa capacité en matière de logistique et de services. L’armement annonce d’ailleurs que de nouveaux projets verront le jour au premier semestre 2020 : « La volonté de Mærsk est d’avoir ses propres lignes terrestres en fluvial et en ferroviaire, pour répondre à la demande de nos clients et futurs prospects ». Une évolution stratégique de cet armement maritime qui rappelle celle de Marfret, qui s’est lancé dans le fluvial il y a environ 10 ans et s’est diversifié à l’automne 2019 vers le ferroviaire, en mettant lui aussi Rouen en avant (voir notre article).
Dans l’immédiat, la présence de Mærsk sur l’Oise devrait permettre l’essor du terminal de Longueil-Sainte-Marie, dont le démarrage de l’activité a, pour l’instant, été plutôt complexe. Toute la difficulté du développement de la desserte fluviale de ce terminal venait du positionnement des armements maritimes, dont l’intérêt pour ce port fluvial n’était pas clairement affiché : l’avantage de la massification apportée par le fluvial était amoindri par l’impossibilité de laisser des conteneurs vides à Longueil-Sainte-Marie, et l’obligation de travailler en one way. L'arrivée de Mærsk sur les rives de l’Oise devrait contribuer à résoudre cette difficulté, les clients pouvant désormais expédier des marchandises conteneurisées depuis le port de Longueil-Sainte-Marie sans avoir à aller chercher jusqu’à Gennevilliers un conteneur vide.