L’International Transport Workers’ Federation (ITF, Fédération internationale des ouvriers du transport) et son affilié l’Union des capitaines et officiers de Cubierta (UCOC), représentant les capitaines et officiers de pont des remorqueurs au Panama, réclament de longue date auprès de l’Autorité du canal de Panama (ACP) des moyens de sécurité minimaux, un accès à la formation et à des équipements adéquats compte tenu des conditions de travail particulièrement dangereuses pour le personnel à bord des remorqueurs de cette voie navigable. Ces conditions de travail se sont plus particulièrement dégradées depuis la mise en service des nouvelles écluses du canal de Panama en 2016.
Pour appuyer leurs revendications et démontrer leur pertinence, l’ITF et l’UCOC ont fait réaliser une étude indépendante sur les conditions de travail du personnel travaillant à bord des remorqueurs du canal de Panama. Elle a été commandée par l’ITF à la suite de nombreuses tentatives infructueuses pour convaincre l’ACP d’engager des discussions en vue de trouver des solutions aux problèmes de santé (fatigue) du personnel et des conséquences que cela peut avoir sur la sécurité des opérations de remorquage et, plus globalement, sur celle du canal lui-même. Le risque d’un incident majeur s’accroît avec l’augmentation de la fatigue du capitaine du remorqueur (voir encadré).
Le rapport constate « l'incapacité de l’ACP à traiter les précédents incidents liés à la fatigue », comme la collision entre remorqueurs qui a eu lieu en 2017. Il pointe « son manque de coopération avec les autorités internationales enquêtant sur cet incident et son non-respect des accords régissant les heures de travail et la supervision des capitaines de remorqueurs ».
Un risque pour les marins et les navires qui empruntent le canal de Panama
Pour Stephen Cotton, secrétaire général de l'ITF : «Cette étude indépendante confirme ce que nous disons à l'Autorité du canal de Panama : la réduction considérable des effectifs, aggravée par le nombre excessif d'heures supplémentaires imposées aux capitaines de remorqueurs compromet la sécurité des travailleurs mais aussi celle des citoyens du pays. Les remorqueurs jouent un rôle clé dans le passage des plus grands navires transportant des marchandises dangereuses dans les voies navigables étroites et complexes du canal de Panama. Il y a un risque majeur : tous sont exposés à un incident qui peut avoir des conséquences très négatives sur les plans environnemental et humain ».
Stephen Cotton a ajouté : « La fatigue, l'anxiété exposent les capitaines de remorqueurs à des risques inutiles, tout en mettant en danger les autres marins qui transitent par le canal. Les navires qui franchissent les écluses et les installations du canal sont exposés à des risques accrus. Cette situation nécessite toute l'attention de la communauté maritime avant qu'un accident majeur ne se produise »,
Le président de la section navigation intérieure de l'ITF, Yuri Sukhorukov, a appelé début décembre 2018, l’ACP à ouvrir le dialogue pour résoudre la situation : « Une fois encore, nous invitons l’ACP à s'asseoir autour d’une table avec l'ITF et l'UCOC afin de convenir d'une feuille de route à suivre pour améliorer la sécurité des opérations de transit et les conditions de travail des capitaines de remorqueurs ».
Pour Dave Heindel, président de la section des gens de mer d’ITF, si l’ACP continue de refuser de discuter des solutions et poursuit ses tentatives « pour dénigrer le syndicat, ignorer et réfuter les préoccupations graves pour la santé et la sécurité dans le canal de Panama, alors toute victime ou perte de vie à la suite d'une catastrophe dans les écluses pèsera sur la conscience de la direction de l’ACP ».
L'étude indépendante commandée par l’ITF et l’UCOC porte sur la fatigue chez les capitaines des remorqueurs opérant dans les nouvelles écluses du canal de Panama et la relation avec leur santé et la sécurité opérationnelle du canal. Elle examine la relation entre la fatigue des capitaines et la sécurité opérationnelle du canal de Panama, ainsi que la relation entre la fatigue et la santé physique et mentale des capitaines. Cinquante-cinq capitaines, soit plus du tiers d’entre eux actifs dans le canal de Panama, ont été interrogés.
L’étude montre que les tâches des capitaines impliquent de longues périodes de concentration, de jugement, de prise de conscience de la situation et de prise de décision. En raison de la dégradation de ces activités cognitives, les horaires de travail des capitaines nuisent à leur performance et donc à la sécurité des opérations du canal de Panama.
L'ITF a commandé cette étude suite au refus de l'Autorité du canal de Panama d'engager un dialogue ouvert et transparent avec l'UCOC qui représentent les capitaines et officiers de pont des remorqueurs au Panama. L'ITF a soulevé à plusieurs reprises des préoccupations au sujet de l'absence de réaction de l'administration du canal à l'égard de l'évaluation et du traitement adéquats des manquements graves en matière de sécurité et de fatigue à bord des remorqueurs utilisés dans les nouvelles écluses, qui ont entraîné un certain nombre d'accidents. Pour l’ITF : « L’Autorité du canal de Panama (ACP) continue d'ignorer les vrais problèmes et a plutôt orchestré une campagne pour minimiser la situation désastreuse qui pourrait mener à un accident majeur et à des pertes de vie ».
L’étude a été présentée par le secrétaire général du syndicat UCOC, Ivan de la Guardia, à l’Organisation maritime internationale (OMI) début décembre 2018.