« L’innovation ne se décrète pas »

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Après un rapport sur l’innovation dans la navigation intérieure rédigé pour le compte de la CCNR, Edwin Verberght a approfondi la question dans une thèse de doctorat présenté récemment à l’université d’Anvers. Son étude analyse les chances de succès de l’innovation dans le transport par la voie d’eau… et les obstacles à surmonter.

NPI : Votre étude part de quatre cas concrets ?

Edwin Verberght : Le gaz naturel liquéfié comme carburant fluvial, le bateau autonome, les convois de poussages pour canaux de petit gabarit et les plates-formes électroniques d’affrètement. Même s’ils ne permettent pas de tirer des conclusions pour l’ensemble du secteur, ces quatre cas mettent en lumière les problèmes que rencontre l’innovation dans la navigation intérieure. Réglementation, financement, infrastructure, mentalité, homologation… beaucoup de facteurs doivent s’aligner de façon cohérente pour garantir un succès qu’un changement d’un paramètre important peut toujours venir compromettre.

NPI : Vous montrez notamment la multiplicité des niveaux décisionnels ?

Edwin Verberght : D’un pays à l’autre, d’un bassin à l’autre, les différences peuvent être grandes. L’Europe fluviale reste en grande partie à faire et même au sein d’un Etat membre, toutes les régions n’ont pas toujours la même approche. C’est pourquoi une initiative comme la création du Cesni est tellement porteuse d’espoir. Le Cesni n’est pas un régulateur de plus mais cherche à mettre en place des normes valables pour l’ensemble de l’Union européenne, en englobant les aspects techniques, les questions d’équipage et le volet technologique. Dans un secteur international comme le transport fluvial, c’est une percée qui s’est fait trop longtemps attendre.

NPI : La structure du secteur complique t-elle la donne ?

Edwin Verberght : Le marché fluvial est à la fois relativement limité et très fragmenté. De plus, les petits bateliers indépendants sont plus souvent des « suiveurs » que des initiateurs d’innovation. Cela s’explique par leur plus faible assise financière, leur manque de familiarité avec les technologies nouvelles et une approche souvent plus traditionnelle. Leur esprit d’entreprise n’est pas en cause. Mais entreprendre et innover à la fois, c’est doubler les risques. Ce sont des problèmes que les grands groupes peuvent gérer plus facilement, mais que les petites entreprises peuvent surmonter en coopérant.

NPI : L’innovation ne se fait-elle que si les pouvoirs publics la soutiennent ?

Edwin Verberght : Si les bénéfices sociétaux qui découlent des innovations sont au rendez-vous, par exemple, parce qu’un transfert modal peut s’opérer de la route à la voie d’eau, une telle intervention peut se justifier. Mais l’innovation ne se décrète pas. De plus, il faut veiller à ce que le fonctionnement du marché ne soit pas faussé et à ce que la réglementation soit technologiquement neutre et ne ferme pas la porte à de nouveaux développements.

NPI : Votre étude peut se lire comme un catalogue de raisons pour lesquelles l’innovation dans la navigation intérieure ne se fera pas. Faut-il être pessimiste ?

Edwin Verberght : Je demeure fondamentalement optimiste. La transition au niveau des motorisations s’accélère, l’automatisation gagne du terrain, les applications B to B se multiplient et enregistrent un succès croissant, la numérisation du secteur progresse à grands pas. Mon analyse montre aussi que si les conditions requises sont réunies, de nouveaux concepts peuvent parfaitement s’avérer économiquement viables. L’accent toujours plus grand mis sur la durabilité va d’ailleurs modifier la donne en favorisant l’émergence de solutions nouvelles. La navigation intérieure a un potentiel énorme.


Edwin Verberght, qui va rejoindre bientôt la coopérative CITBO, a dédié son doctorat à son père Karel Verberght. Figure connue dans les milieux de la navigation intérieure, cofondateur et dirigeant de l’Organisation européenne des Bateliers (ESO-OEB) et président de la division citernière de l’association belge d’entrepreneurs fluviaux VBR, Karel Verberght s’est noyé en 2013 après être tombé de son bateau, l’Arbon.

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