Liège, un cas concret des relations ville-port

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Les ports intérieurs comme les ports maritimes doivent parvenir à s’intégrer ou à se maintenir dans un tissu urbain où la multiplicité des fonctions - et donc des attentes et des intérêts - peut être une source de tensions et de conflits. Liège s’y emploie en déployant un arsenal de moyens. Un port intérieur fait partie intégrante de l’histoire de la cité qui l’a vu - ou qu’il a fait- naître et se développer. À Liège, cette interaction reste très visible dans le paysage urbain. Premier port intérieur belge et troisième européen après Duisbourg et Paris, avec un trafic total de 21 millions de tonnes (dont 16 Mt par la voie d’eau) et le passage de milliers de péniches par an, le port autonome de Liège s’étale sur 33 sites d’une superficie totale de 382 hectares et sur treize communes « mouillées » en bordure de la Meuse et du canal Albert. Le port génère quelque 20 000 emplois directs et indirects, ce qui en fait un pôle économique régional de tout premier plan. Mais ce poids économique ne signifie plus que la ville et ses habitants sont prêts à subir sans sourciller les nuisances, les inconforts et la pollution qui accompagnent l’activité portuaire. Si le port devait l’oublier, les représentants de la ville et des communes qui siègent dans son conseil d’administration (dont le bourgmestre de Liège est, de droit, président), seraient d’ailleurs là pour le lui rappeler. Le port autonome de Liège (PAL) met dès lors en œuvre des moyens importants pour limiter son impact sur son environnement direct et agir en bonne entente avec autorités locales et riverains. Cela passe, en tout premier lieu, par l’information et la consultation sur les développements prévus et en cours, comme l’attribution de nouvelles concessions dans les différentes zones portuaires. Dans le cas de Liège Trilogiport, par exemple, un comité d’accompagnement, qui inclut les communes impliquées et les riverains, a été mis en place et se réunit chaque trimestre pour discuter de dossiers liés à l’exploitation et la gestion de cette nouvelle zone portuaire.

À cela s’ajoute un volet plus large de promotion pour rappeler aux citoyens que Liège est une ville portuaire et mieux faire connaître et comprendre le fonctionnement et l’intérêt économique de son port et les activités des entreprises qui y sont implantées. Ce fut notamment le cas à l’occasion des 80 ans du port autonome en 2017, par le biais d’animations et de démonstrations, de croisières didactiques et autres visites commentées.

Plus récemment, Liège a accueilli l’exposition « The box » ou « le monde en boîtes », initialement conçue par le port-musée de Douarnenez et par le musée portuaire de Dunkerque. Cette exposition est consacrée au conteneur et à la révolution qu’il a provoquée dans les transports. Le PAL l’avait en partie remodelée pour mettre en exergue l’intermodalité en Wallonie et à Liège et avait mis au point un dossier pédagogique relatif à ses activités qui avait été envoyé à toutes les écoles primaires des treize communes où il est présent.

Concilier et intégrer

Montrer que l’utilisation de la voie d’eau peut contribuer à alléger certaines pressions, par exemple dans le cadre de grands chantiers publics ou privés, peut apporter une autre preuve de l’utilité d’un port pour la communauté qu’il dessert.

Tout cela ne suffit évidemment pas. Si l’ensemble des acteurs économiques et régionaux collaborent étroitement en vue de développer une vision stratégique et si la vocation portuaire des terrains situés le long de la voie d’eau fait l’objet d’un large consensus, le port autonome de Liège n’échappe pas au phénomène NIMBY (not in my back yard). La concertation n’apaise pas toujours les craintes des riverains d’être confrontés à des nuisances potentielles comme le bruit, un trafic accru ou la pollution. L’opposition à de nouveaux projets est d’ailleurs plus souvent motivée par de tels motifs que par une hostilité de principe à l’activité portuaire.

C’est alors souvent au port d’apporter la preuve que le développement de l’économie portuaire peut être concilié avec le bien-être et la qualité de vie des riverains et avec le respect de l’environnement, quitte à y consacrer une part non négligeable des superficies disponibles. La « zone d’intégration environnementale » de Liège Trilogiport représente ainsi un tiers (39 hectares) des 120 hectares de la plate-forme multimodale et comprend des vergers, des jardins communautaires, des itinéraires pour promeneurs et cyclistes, des pontons pour les pêcheurs, des plans d’eau, des zones de nature qui permettent à la faune et la flore locales de se maintenir.

Il en va de l’avenir du port et d’une manière de préserver l’essentiel. « Le port de Liège a besoin de nouveaux terrains dédiés aux activités portuaires et logistiques », souligne Hélène Thiébaut, responsable communication du PAL. Elle donne l’exemple de la zone de Chertal, « terrain exceptionnel de 180 hectares situé à côté des 120 hectares de Trilogiport» et « formidable opportunité pour le développement économique de la région liégeoise ».

« Les terrains portuaires sont tellement précieux qu’ils doivent être dédiés au transport par la voie d’eau », ajoute Hélène Thiébaut. Cela met évidemment un frein à une éventuelle mixité des fonctions ou à une réaffectation de terrains portuaires. « Le port de Liège subit moins de pressions immobilières comparés au ports de Bruxelles ou de Paris», dit à ce propos la porte-parole du port autonome.


« Intégrer le port dans la ville et mieux faire accepter la présence d’activités de transport et de logistique est l’un des objectifs du Plan Canal et, avant lui, de la politique menée par le port depuis sa création en tant que société régionale. Les différentes autorités y travaillent en bonne intelligence, notamment au niveau des organes de gestion du port, où région, ville et communes concernées sont représentées. Un nouveau Masterplan est en cours de finalisation et un nouveau contrat de gestion est en cours de négociation. Le Village de la Construction est un bel exemple de cette coopération réussie », explique Sylvain Godfroid, coordinateur communication du port de Bruxelles.

La mixité des fonctions est « essentielle aux préceptes du Plan Canal », dont le périmètre d’action englobe tout le domaine portuaire. L’accès à l’eau a pu être réalisé dans le cas du nouveau terminal à croisières, mais n’est pas possible partout et toujours. « Nous sommes prêts à l’étudier. Mais sur les 14 km de voie d’eau, donc 28 km de berges, nous disposons d’environ 6 km de quais exploitables. Il est évident que ces quais doivent être consacrés en priorité à l’activité portuaire », déclare Sylvain Godfroid.

Empêcher que la ville n’étouffe le port ou que son développement soit mis en péril par d’autres impératifs, en particulier immobiliers, reste toutefois un combat. « C’est un défi majeur, particulièrement autour du bassin Vergote, près duquel ont poussé de nombreux logements. Nous discutons avec nos entreprises, qui sont conscientes des efforts à faire pour mieux s’intégrer. Pour l’avenir, le grand enjeu porte essentiellement sur l’acquisition de la gare de Schaerbeek-Formation. Des discussions sont en cours. Le port est toujours candidat pour l’exploitation d’une partie du terrain, mais il faut trouver un montage financier. À l’inverse, dans les zones d’activité portuaire et de transport, l’implantation d’activités d’un autre type n’est pas possible. »

Un des leviers à actionner est, là aussi, d’ouvrir la voie d’eau à d’autres utilisation (comme le Waterbus, « mais nos missions ne comprennent pas l’exploitation du transport de passagers ») et de mieux faire connaître le port auprès des Bruxellois. Un Port Center les aidera bientôt à mieux saisir l’atout que constitue le port pour leur ville et leur région.

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