Liebherr-Mining Equipment Colmar SAS a mis en place un report modal de la route vers le fluvial pour le transport de colis exceptionnels entre son usine basée dans la cité alsacienne et les ports d’Anvers et de Zeebrugge en passant par le port rhénan de Colmar-Neuf Brisach depuis juin 2019.
Cette filiale du groupe Liebherr assemble des pelles hydrauliques de 100 à 800 tonnes ainsi qu’un tombereau de 180 tonnes pour le secteur minier. Certains composants utilisés dans l’assemblage de ces produits mesurent jusqu’à 19 mètres de long, 5 mètres de large et plus de 4 mètres de haut pour un poids d’environ 100 tonnes. Ces composants sont expédiés en pièces détachées par voie maritime et sont réassemblés à proximité des mines du monde entier (Australie, Afrique, Asie etc.) Son directeur logistique avait expliqué, lors du salon Riverdating en novembre 2018, le projet de report modal de la route vers le fleuve de l’entreprise. Chaque année, celle-ci utilise environ 1 000 poids lourds pour desservir Anvers et Zeebrugge alors que l’usine est située à proximité du port rhénan de Colmar-Neuf Brisach.
Le projet de report modal de Liebherr-Mining Equipment Colmar SAS a fait l’objet d’une étude, financée à hauteur de 50 % par Voies navigables de France (VNF) dans le cadre du Plan d’aide au report modal (Parm) et a été réalisée par l’entreprise avec l’aide d’un cabinet international. L’objectif était notamment « d’aller vers un mode alternatif moins générateur d’effets négatifs externes ». Le projet s’est concrétisé début juin 2019 pour une expérimentation d’un an et Liebherr-Mining Equipment Colmar SAS a indiqué, à l’issue des trois premiers mois de tests, « être très satisfait du nouveau mode de transport » utilisé, précisant : « Avant le 3 juin 2019, chaque camion qui quittait le site de Colmar parcourait en moyenne 500 km en empruntant les routes françaises, allemandes et belges pour acheminer les machines vers les grands ports maritimes. Depuis, ces camions empruntent la route vers le port rhénan de Colmar-Neuf Brisach pour un acheminement par voie fluviale ».
Un avantage économique sous conditions
L’entreprise poursuit : « Depuis le début de la période de test, 34 machines ont été expédiées sur 11 barges, l’équivalent de 6 000 tonnes ou 290 colis. Pour l’environnement, cela représente une économie de 100 000 km parcourus sur route et de 160 tonnes de CO2 ».
Le report modal est une solution plutôt avantageuse sur le plan économique mais sous certaines conditions comme un engagement de volume annuel, qu’il faut ensuite tenir, une volonté des acteurs locaux, la disponibilité d’une grue d’appoint au port, l’absence de basses eaux. Il est donc fragile, susceptible d’être remis en cause : une baisse soudaine des ventes ou une période de basses eaux prolongée pourrait mettre le modèle économique en péril. Un travail est donc mené pour pallier à cela. Il s’agit de trouver d’autres flux pour remplir les barges et de mettre en place une « procédure basses eaux » en partenariat avec un transporteur allemand spécialisé.
Concernant l’organisation en interne de l’entreprise suite au choix du report modal, il y a des avantages. Un colis prêt « s’en va au fil de l’eau », il y a une fluidité des départs. Il y a une optimisation des moyens, une meilleure image de l’entreprise avec des salariés fiers de participer à un nouveau projet. Toutefois, il y a aussi des contraintes supplémentaires, notamment une internalisation du monitoring du pré-acheminement, ce qui mobilise des ressources, une gestion en direct des acteurs (transporteur(s), port(s), bargeur). Il faut aussi travailler au passage d’une organisation du flux en mode « projet » à un mode « industrialisé ».
Le choix du report modal de la route vers le fluvial répond pour l’entreprise à une volonté de réduire son empreinte environnementale. Le fluvial consomme moins d’énergie et les rejets de CO2 sont en moyenne 4 fois moindre que par la voie routière. Les nuisances sonores sont réduites pour les agglomérations et leurs habitants. « De plus, avec un taux d’accident quasi nul, la voie d’eau est aussi un mode de transport sûr : l’absence de saturation du trafic et la présence de logiciels de chargement garantissent la parfaite stabilité des embarcations ».
Davantage de flexibilité
Mais pour Liebherr-Mining Equipment Colmar SAS, présent en Alsace depuis 60 ans, il s’agit aussi de favoriser le tissu et le développement économique régional.
Le pré-acheminement routier de l’usine vers le port rhénan a été confié à deux transporteurs alsaciens Straumann (Colmar) et Wack (Obernai et Drulingen). Le transporteur fluvial est la société Haeger & Schmidt Logistics. « De plus, ce report modal permet d’optimiser l’outillage public et d’utiliser le Rhin qui se trouve à proximité immédiate ».
L’entreprise conclut en soulignant que la solution fluviale lui apporte de la flexibilité : « En matière de délais, une machine prête à l’expédition le vendredi matin peut être au port d’embarquement maritime, Anvers ou Zeebrugge, dès le lundi matin. Un avantage majeur par rapport au transport routier car un bateau navigue même le dimanche ».
L’Alsace, bien équipée
Dans l’Est de la France, à Strasbourg, RET, filiale du port autonome, opère un portique d’une capacité de levage de 460 tonnes. L’aire de stockage et d’assemblage offre une résistance au sol de 70 tonnes/m². Sous le portique, des colis ayant jusqu’à 22 mètres de longueur peuvent être stockés. C’est aussi RET qui gère sur le site de Lauterbourg un portique pouvant supporter jusqu’à 200 tonnes et une rampe Ro-Ro. Celle-ci est notamment utilisée par Eiffage.
« Depuis 2019, nous développons l’activité colis lourds en Centre Alsace pour General Electric qui construit des turbines à gaz de plus en plus grandes à Belfort. Elles sont chargées au port de Colmar avec une grue mobile installée par Scalès, indique Jean-Laurent Kistler, chef du service développement de la DT VNF de Strasbourg. Nous avons aussi travaillé en 2018 avec Liebherr Mining, en cofinançant dans le cadre du dispositif Parm une étude sur la faisabilité du report modal pour l’export des pelles pour les mines qui s’est concrétisé au port de Colmar. Une réflexion est en cours pour étendre le report modal à des pelles de travaux publics de Liebherr ».