NPI : Le transport de GTL et son transfert vers les cuves de vos clients doivent-ils se faire avec des précautions particulières ?
Emmanuel Barat : Le GTL n’est pas classé dangereux pour la flore et la faune, ni considéré comme une marchandise inflammable grâce à son point d’éclair élevé. Nous appliquons cependant les mêmes procédures que pour les livraisons de gazole. Pour les douanes, le GTL, comme les agro-carburants, est rangé dans la même catégorie que le gazole. La réglementation impose depuis le 1er janvier 2019 que tout bateau embarquant plus de 300 t de produit soit en double coque. Nous avons d’ailleurs un bateau double coque de 1 000 t à Rouen, mais nos avitailleurs de région parisienne ne transportent que 90 à 120 t de produit.
NPI : Le GTL, plutôt qu’une solution d’avenir, n’est-il pas un carburant de transition vers le transport décarboné ?
Emmanuel Barat : L’utilisation du GTL diminue les émissions d’oxydes d’azote et de particules fines, et sa combustion se fait sans odeur. Pourtant, ce n’est pas avec le GTL que l’on gagne le combat contre les émissions de CO2, car la diminution des émissions de la source de production à l’hélice est très faible. Nous trouvons que le GTL constitue un progrès par rapport au gazole, avec un surcoût acceptable pour les entreprises. L’Oleo 100, qui constitue un autre carburant de substitution, est beaucoup plus cher et pose le problème de la concurrence avec la filière agroalimentaire pour l’utilisation des terres agricoles. Le volume nécessaire pour l’ensemble de la flotte ne pourra pas donc pas être produit.
NPI : Si, dans quelques années, les bateaux se tournent massivement vers l’hydrogène, livrerez-vous ce produit par avitailleur ?
Emmanuel Barat : Contrairement au GNL, l’idée d’utiliser de l’hydrogène pour faire fonctionner des bateaux fluviaux est intéressante. L’hydrogène a un avenir dans le fluvial ; il lui ouvre des perspectives au-delà du gazole. Des bateaux expérimentaux vont être mis à l’eau par des entreprises ayant les moyens économiques d’aller vers cette nouvelle énergie. Mais la plupart des petites entreprises n’investissent que lorsque la réglementation les y oblige, ce qui les met en danger et peut conduire à des regroupements d’entreprises et, à terme, à une forte concentration. La sortie rapide du gazole et la mutation de la flotte fluviale vers une nouvelle énergie nécessiteront des investissements privés et des financements publics conséquents pour changer les moteurs et installations des bateaux.
Au niveau technique, l’hydrogène pose des problèmes importants. Il faudra trouver des solutions pour le stockage à bord, car la taille des réservoirs des bateaux augmente la dangerosité lors du stockage, de la distribution et des opérations réalisés à bord. Nous participons d’ailleurs depuis deux ans à l’élaboration d’un plan de préparation à l’utilisation de l’hydrogène par le secteur fluvial. Dans nos échanges avec nos partenaires, les administrations et le ministère, nous soulignons l’importance d’une étude globale comprenant le stockage, la chaîne logistique, la distribution, les moyens techniques et opérationnels et, surtout, la formation des équipages.
En ce qui concerne l’approvisionnement des bateaux, nous pourrions construire un avitailleur fonctionnant à l’hydrogène et distribuant du gazole. Mais pour stocker à bord d’un avitailleur de grandes quantités d’hydrogène et en approvisionner les bateaux, une réglementation et des procédures très strictes devront être mises en place. Les livraisons de GNL se font dans des zones fermées au public. Pour l’hydrogène, qui est un gaz très instable, les conditions de sécurité devront être encore plus sévères.