Vélo et voie d’eau
« Les chemins de halage, théoriquement, servent uniquement à nos agents pour intervenir pour l’entretien du réseau, avec une tolérance pour le passage des piétons, rappelle Ségolène Ricart-Vampouille, cheffe de projet tourisme fluvestre chez VNF. Mais le travail avec les collectivités permet de créer des aménagements efficaces pour les vélos et de supprimer ainsi les trous dans les itinéraires cyclables. Cela passe par une superposition d’affectation, qui permet aux autres usagers de l’emprunter, et un partage des coûts d’entretien avec les collectivités concernées. Notre partenariat avec Vélo et territoires a identifié quatre itinéraires pilotes, à aménager en priorité : le canal du Rhône à Sète ; le canal des Ardennes où VNF a la volonté de développer le tourisme ; la Saône, longée par la dernière euro-véloroute inscrite au schéma, l’Echappée bleue, qui va de Bruxelles à Lyon où elle rejoint la Via Rhôna jusqu’à la Méditerranée ; et, enfin, la Seine, le long de laquelle une véloroute sera mise en service en 2020 ». Le long de la Seine, le tissu urbain très dense et la présence de ports de commerce ne permet pas toujours de faire passer la véloroute le long du fleuve. Mais globalement, les cartes des voies navigables et du schéma national vélo se superposent en grande partie, avec 91 % du réseau VNF situé à moins de 5 km d’un itinéraire du schéma national vélo. Un autre chiffre illustre le rapport étroit qu’entretiennent le cyclisme et la navigation fluviale : sur neuf euro-véloroutes aménagées en France, huit se trouvent le long des fleuves et canaux. VNF n’en est pas aménageur, mais se veut une partie prenante efficace pour développer le potentiel du domaine public fluvial pour le tourisme à vélo.Pour resserrer encore ces liens entre bateaux et bicyclettes, VNF s’est rapproché de l’association Vélo et territoires, qui rassemble les régions et départements cyclables et coordonne le réseau national cyclable. Aux printemps 2017 et 2019, les deux entités ont organisé des « journées du tourisme fluvestre », qui rassemblent bien au-delà des univers cyclables ou navigables. Car au-delà du cas du vélo, et des aménagements nécessaires à sa pratique le long des voies navigables, la notion de tourisme fluvestre englobe tous les autres aspects du tourisme sur ou à proximité des voies d’eau : sports nautiques comme le kayak, le paddle ou l’aviron, randonnées pédestres, visite des monuments, tourisme industriel, découverte des lieux remarquables du territoires, du patrimoine, des vins et de la gastronomie locale, etc.
Des contrats avec les territoires
« Pour saisir le tourisme fluvial dans sa totalité, il faut considérer le projet de territoire autour de la voie d’eau, qui constitue la colonne vertébrale d’une offre touristique complète, affirme Thierry Guimbaud, directeur général de VNF. Nous avons besoin des collectivités pour monter des projets autour de la voie d’eau, avec, par exemple, des itinéraires longeant un canal et pouvant être parcourus à pied, à vélo ou à cheval. Quand on arrive à le faire, la croissance du tourisme fluvial est forte, avec du potentiel dans les zones déjà connues, comme le canal de Bourgogne, le canal du Midi ou le canal de la Marne au Rhin, mais aussi dans d’autres secteurs qui ne demandent qu’à se développer, comme la Lys, le canal latéral à la Garonne, la Saône, la Marne, la Moselle ou la Sarre ».
Ces projets de territoires autour de la voie d’eau peuvent prendre la forme d’un contrat de canal, avec des engagements collectifs des acteurs pour un financement partagé : VNF, d’un côté, les collectivités locales concernées et les acteurs du tourisme de l’autre. Pour chaque canal concerné, le financement des investissements, sur la voie d’eau comme à proximité, ainsi que celui de l’exploitation de la voie d’eau, sont partagés entre VNF et les collectivités, car les retombées économiques profitent souvent bien davantage au territoire que, via les péages, à VNF.
« Les retombées économiques du tourisme fluvial, hors bateaux-promenades, sont évaluées à 630 millions d’euros, dont 200 millions d’euros sur le réseau Freycinet, mais VNF capte moins de 10 % de ces retombées, le reste allant aux territoires. Il est donc important que les investissements soient également partagés avec ces territoires », souligne Thierry Guimbaud.
Sur le réseau fluvial à grand gabarit, cela passe par des schémas directeurs, comme le schéma directeur pour la croisière fluviale, élaboré en 2018 par le préfet François Philizot, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, et auquel VNF et Haropa participent. Sur le Rhône, un schéma directeur est également en cours d’élaboration.
Sur les canaux de petit gabarit, cela passe par des contrats de canaux, comme ceux qui ont été mis en place pour le canal de la Sambre à l’Oise, le canal de Bourgogne, la Seille, le canal du Nivernais, ou encore la Sarre et la partie Est du canal de la Marne au Rhin. En ce qui concerne le canal du Midi, un « contrat d’entente » entre VNF, la région Occitanie et les quatre départements concernés a été signé en décembre 2018. Un plan d’action commun complète cette Entente : VNF, la région et les départements, rejoints par les intercommunalités qui le souhaitent, doivent préparer un contrat-cadre prévoyant les financements apportés par chacun au canal : c’est l’équivalent d’un contrat de canal de très grande ampleur, à l’échelle de tout le canal du Midi.
Des contrats de canaux
En Bourgogne, un des berceaux historiques du tourisme fluvial en France avec pas moins de 30 bases de location, la région avait réalisé une étude en 2012, qui estimait à 80 millions d’euros les retombées économiques liées à la navigation et au tourisme fluvial. Depuis, ce chiffre a dû augmenter, puisque les paquebots fluviaux, les péniches-hôtel et les locations de bateaux ont beaucoup progressé, alors que l’activité des bateaux-promenade est stable, avec 10 bateaux sur les points remarquables du réseau (ponts-canaux de Briare et de Guétin, notamment), et que la plaisance privée n’a connu qu’un très faible déclin.
« La région a une stratégie touristique dont le fluvial et le fluvestre font clairement partie, explique Virginie Pucelle, responsable du développement de la voie d’eau de la direction territoriale Centre-Bourgogne de VNF. Cela se traduit concrètement par un partenariat fort, avec une convention-cadre pour la période 2017-2021, qui engage la région à investir, à nos côtés, un million d’euros par an, avec un programme établi chaque année pour la modernisation du réseau, l’aménagement des sites de plaisance pour les services aux usagers et l’aménagement des berges pour les véloroutes. Ce co-financement aide à pousser en faveur du tourisme fluvial les arbitrages financiers internes à VNF ».
La région Bourgogne a aussi aidé VNF à mettre en place des projets de canaux en mettant toutes les collectivités autour de la table. Le contrat de canal du Nivernais a été signé en 2014, celui de la Seille en 2015 et celui du canal de Bourgogne en septembre 2018, avec, pour ce dernier, un programme d’investissement de 12 M€ en cinq ans. Le contrat du canal du Centre est en cours d’élaboration, et devrait être signé en 2020. Pour le canal de Roanne à Digoin, la gouvernance est en place pour un contrat de canal, au sujet duquel des études vont bientôt être lancées. Enfin, un projet est en cours pour le canal latéral à la Loire, mais la mise en place d’une structure de gouvernance pour porter un projet est rendue plus compliquée par le fait que ce canal est à cheval sur les régions Bourgogne-Franche Comté et Centre-Val-de-Loire. Le canal de Briare, quant à lui, fait l’objet d’un projet portant davantage sur les nombreux barrages-réservoirs alentour que sur l’itinéraire fluvial lui-même.
« Il n’y a pas de modèle-type pour un contrat de canal, résume Virginie Pucelle. L’ingénierie territoriale se fait en fonction du projet politique de développement mis en avant par les collectivités. La convention de partenariat avec la région Bourgogne, par exemple, découle de l’expérimentation de transfert de la gestion des canaux de VNF à la région, qui a duré trois ans, jusqu’en 2013. La région n’a finalement pas voulu prendre l’exploitation des canaux, mais continue à s’en occuper sous l’angle du développement touristique et économique, laissant à VNF les questions liées à la navigation et à la gestion hydraulique. ».