Le groupe Soufflet voit deux enjeux majeurs au transport fluvial de céréales : la compétitivité et le respect de l’environnement. Pour Lionel Le Maire, directeur des transports du Groupe Soufflet, « La massification des flux est un facteur-clé du renforcement de la compétitivité des filières céréalières françaises et de leur valorisation à l’export ». Le transport fluvial permet des économies dues à la réduction des coûts et constitue un atout sur le plan environnemental avec la diminution des émissions de CO2. Même son de cloche pour David Meder, responsable céréales chez EMC2, qui met cependant le doigt sur un inconvénient : « Le niveau des eaux pose parfois de réels problèmes. À certaines périodes, le chargement des péniches doit être réduit et l’activité tourne au ralenti ». Vincent Le Ber, responsable céréales à Lorca, ajoute : « Le phénomène des basses eaux est de plus en plus récurrent, ce qui peut entraîner des risques de litiges commerciaux ».
Entre 2 et 5 € d’économie par tonne
Sur le plan économique, des différences de prix sont observées. « Pour le vrac, le coût d’affrètement s’élève à 10 €/t par péniche et à 12,50 €/t par camion », chiffre Lionel Le Maire. Concernant les livraisons par les adhérents, pour la coopérative Lorca, la différence de prix entre un acheminement vers un silo dans les terres et une livraison au port, se situe aux alentours de 5 €/t. De son côté, David Meder indique : « Le différentiel moyen entre une tonne de blé livrée au silo ou au port ne varie pas beaucoup pour l’adhérent. S’il livre dans un silo à 50 km du port, il sera rémunéré en tenant compte du coût de transport nécessaire au trajet entre le silo et le port. En revanche, l’adhérent économise la charge non supportée par la coopérative pour passer ce volume une première fois dans un silo, avant de le passer une seconde fois en portuaire, soit environ 2 €/t ».
Chaque année la coopérative EMC2 fait partir environ 450 000 t de céréales par voie fluviale. « Sur le port de Metz, EMC2 dispose d’une capacité de stockage de 150 000 t et travaille de concert avec l’union des coopératives Invivo qui gère des capacités de mutualisation », indique David Meder. La coopérative approche les volumes sur les silos portuaires. C’est l’union de commercialisation qui se charge ensuite de mettre les volumes en marché, car le transport fluvial est géré par l’acheteur (en grande partie par des industriels qui se trouvent en bord de Rhin).
L’union InVivo gère en France douze silos, quatre maritimes et huit intérieurs, tous disposés sur un axe fluvial à grand gabarit, hormis celui de Châlons-en-Champagne. InVivo considère le transport fluvial comme une étape cruciale dans l’acheminement des marchandises. « L’avantage avec le fluvial, c’est la souplesse, explique Bruno Paillaud, directeur d’exploitation pour Invivo Metz. Par exemple, grâce à la réactivité des équipes, il est possible d’affréter un bateau pour le lendemain, ce qui serait plus compliqué avec le transport ferroviaire ». Les basses eaux sont la seule ombre au tableau : « L’axe Rhin-Moselle est souvent soumis à cet aléa. Nous avons toujours connu cette problématique avec des périodes plus ou moins longues, mais le fluvial reste un mode de transport multimodal pour lequel il faut continuer à entretenir une bonne gestion collective. Même si certains acheteurs préfèrent se tourner vers le transport routier, notre capacité d’adaptation et notre réactivité nous permet de les servir au mieux ». Invivo fait transiter chaque année au port de Metz environ 1,4 million de tonnes de céréales et 95 % de ses exportations se font par la voie d’eau. « Nous possédons trois installations, les unes à côté des autres, d’une capacité de stockage totale de 280 000 t avec quatre postes de chargement qui possèdent un débit de 500 t/h », observe Bruno Paillaud.
Deux nouveaux silos en trois ans
Pour le groupe Soufflet, la capacité de stockage est légèrement inférieure, mais elle tend à évoluer puisque le négociant consolide sa présence sur le port avec le lancement d’un chantier d’extension de ses silos. Soufflet a investi 9 millions d’euros pour passer d’une capacité de stockage de 104 000 t à 144 000 t pour la moisson 2020. « Ce silo, grâce à ses nouvelles capacités de stockage, apportera une solution, par un stockage tampon, au phénomène des basses eaux qui entravent de plus en plus régulièrement la navigation, et donc l’expédition depuis Metz », affirme Lionel Le Maire. À noter que le groupe Soufflet, présent depuis 1988 sur le port de messin, exporte chaque année plus de 500 000 t de marchandises vers l’Allemagne et vers le Benelux.
Dans cette même optique d’investissement, la coopérative Lorca a injecté 9,8 millions d’euros dans son nouveau silo inauguré en juin 2017. « C’est un silo nouvelle génération, peu coûteux en frais de fonctionnement et parfaitement adapté à des rotations rapides, explique Vincent Le Ber. Nos clients demandent à ce que l’on puisse travailler sur le long terme avec des cadences de chargement élevées et régulières dans le temps. » Ce silo possède une capacité de stockage de 25 000 t, répartie en 10 cellules de 2 500 t. Il est équipé de deux fosses de réception dont le débit est de 300 t/h chacune et possède un débit d’expédition de 600 t/h pour le blé par exemple. La coopérative Lorca détient aussi un autre site de l’autre côté de la darse. « Les bureaux sont sur le site historique et centralisent le contrôle intégral du silo, y compris celui du nouveau, indique Vincent Le Ber. Nous avons en tout neuf fosses de réception et des cellules de tailles diverses qui varient entre 500 et 6 000 t, afin de s’adapter aux produits et à la durée de stockage. Au total, nous disposons d’une capacité de stockage de 185 000 t équivalent blé. » Comme EMC2, Lorca ne s’occupe pas directement de l’organisation du transport fluvial. « Nous revendons la marchandise en FOB soit à des consommateurs qui prennent le transport à leur charge, soit à des négociants qui gèrent la logistique », ajoute le responsable céréales.