« Il faut tirer les enseignements de la crise précédente, en impliquant cette fois les principaux intéressés, les bateliers eux-mêmes, dans le processus décisionnel sur la manière d’assainir le marché, déclare Sunniva Fluitsma, la porte-parole de l’organisation néerlandaise Algemeene Schippers Vereeniging (ASV), qui regroupe quelque 200 bateliers indépendants propriétaires d’un bateau. Ce que nous ne voulons pas, c’est une réédition de commissions en tous genres qui énoncent par-dessus la tête des intéressés ce qui est bon pour eux. Nous avons trop souvent dû dépenser beaucoup d’énergie à nous opposer à des plans qui nous laissent finalement les mains – et le portefeuille – vides ».
Une lettre en ce sens a été adressée en mai 2020 au ministre compétent, à la fédération des chargeurs et expéditeurs Evofenedex et aux organisations fluviales CBRB (Bureau central pour la batellerie et la navigation rhénane) et BLN-Schuttevaer.
Innover et verdir
L’ASV souligne que la batellerie traverse à nouveau une passe très difficile. Elle renvoie à un rapport de la Rabobank qui table sur une baisse de 45 % du chiffre d’affaires du secteur au second trimestre 2020. La contraction du marché devrait se poursuivre « au moins jusqu’à l’automne », renforçant une tendance déjà engagée avant la crise du Covid-19. Même les basses eaux sur le Rhin n’ont pas empêché les frets de s’effondrer, affirme l’ASV.
L’organisation de bateliers néerlandais réclame dès lors une vision à long terme sur un assainissement structurel débouchant sur un transport fluvial « capable d’absorber les chocs, d’innover et de verdir ». Il est grand temps que s’ouvre ce débat, estime-t-elle.
Observer et sanctionner
Laisser jouer librement le marché nécessite que les parties impliquées luttent à armes égales. « Par la structure du secteur fluvial, cela n’est pas le cas ». Les bateliers de l’ASV réclament la mise en place d’un système européen d’observation du marché, qui s’appuyerait sur un rapportage obligatoire des prix pratiqués et serait confié à une instance pouvant sanctionner les abus, et l’imposition d’une interdiction de naviguer sous le prix coûtant.
L’ASV rejette l’idée d’un programme de déchirage, tout en laissant la porte ouverte à des mesures plus ciblées pour réduire la surcapacité. Il faut aussi, à ses yeux, que des règles plus sévères de financement et de recouvrement de prêts par les banques soient introduites pour éviter l’arrivée (ou le maintien) sur le marché de capacité excédentaire. Elle appelle de ses vœux une harmonisation sociale, juridique, technique et fiscale et une politique des transports plus volontariste à l’échelle de l’Europe.
L’enjeu a une dimension sociétale, dit encore Sunniva Fluitsma : « En fin de compte, personne n’a à gagner à l’appauvrissement et à l’étiolement de la navigation intérieure. Si l’on prend en compte la transition climatique, la problématique des basses eaux et la congestion routière, la société tout entière tirerait profit de l’existence d’un transport fluvial sain et complet ».