NPI : quelle est la situation du transport combiné ferroviaire, et son potentiel de développement ?
Aurélien Barbé : Plus d’une centaine de trains circulent chaque jour sur le réseau ferré français, transportant chacun une quarantaine de boîtes, caisses mobiles ou semi-remorques. Au total, en 2018, le combiné ferroviaire a représenté 7,5 milliards de tkm en France, soit 25 % de l’ensemble du fret ferroviaire. Cela revient à faire circuler un million de camions en moins sur les routes. Et le potentiel de développement est encore extrêmement important, avec de nouvelles liaisons lancées récemment ou en préparation, car le combiné rail-route bénéficie d’un changement de paradigme : on disait le combiné ferroviaire adapté aux longues distances, avec des liaisons de 700 ou 800 km. Mais la distance de pertinence du combiné diminue. On peut constater que la distance moyenne aujourd’hui est plutôt de l’ordre de 400 ou 500 km. L’explication, c’est la crise du transport routier, avec la pénurie de chauffeurs. On estime en effet qu’il manque 20 000 chauffeurs routiers en France. Le problème est d’ailleurs le même dans toute l’Europe. Cela a pour effet de faire croître la demande de transport combiné rail-route de la part des chargeurs. D’autre part, la massification des flux réduit le coût du combiné.
NPI : quelle est la place des ports vis-à-vis du combiné ferroviaire ?
Aurélien Barbé : Les ports sont des points de développement majeurs pour l’intermodalité et pour le transport combiné rail-route. Plusieurs d’entre eux comme Haropa ou les Ports de Lille sont adhérents au GNTC, avec la volonté de faire progresser le combiné ferroviaire. Car une bonne coopération entre les différents modes est indispensable et le transport ferroviaire contribue à agrandir l’hinterland des ports. Les ports maritimes, Le Havre, Fos-Marseille ou encore Dunkerque, qui propose une nouvelle offre avec Greenmodal, sont bien sûr importants pour le transport combiné. De nouveaux trafics apparaissent dans les ports intérieurs comme, par exemple, à Lille, où le ferroviaire est en pleine expansion. Il en va de même à Strasbourg, où le potentiel est encore important pour le combiné, et qui a fait l’objet d’importants investissements. Strasbourg se tourne aujourd’hui vers la nouvelle route de la Soie.
NPI : quelles mesures permettraient d’améliorer l’efficacité du transport combiné ?
Aurélien Barbé : Les ports investissent dans les infrastructures ferroviaires car ils croient à l’intermodalité. Mais il faudrait aussi une prise de conscience au niveau national de l’importance du transport combiné. Nous avons eu satisfaction sur « l’aide au coup de pince », et obtenu la limitation de l’inflation des tarifs des sillons, mais, d’un autre côté, la nouvelle tarification au tonnage des sillons nous préoccupe car elle pénalise les trains les plus lourds, ce qui est une aberration du point de vue de la congestion et des économies d’énergie, et ne va pas dans le sens de la massification des flux.
Par ailleurs, les efforts d’investissement sur le réseau national sont encore insuffisants. Nous souhaitons, par exemple, le développement du gabarit P400 pour permettre la circulation de semi-remorques de 4 m de haut. Enfin, la qualité de service du ferroviaire n’est pas suffisante. Nous demandons à SNCF Réseau un meilleur service, avec des trains qui partent et arrivent à l’heure. Nous avons pour cela créé avec SNCF Réseau une plate-forme pour que les opérateurs puissent avoir un lien direct avec le gestionnaire du réseau. Cela a été très utile pendant les grèves du printemps 2018, facilitant la circulation des trains. Grâce à cette plate-forme de services dédiée aux opérateurs, nous avons constaté une amélioration sur certains axes par rapport aux grèves de 2016. Mais le coût de la grève de 2018 a tout de même atteint 15 M€ pour l’ensemble de la filière du combiné.
