Au-delà du seul trafic rhénan, l’« Observation du marché » publié le 14 septembre 2018 par la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) s’intéresse à la situation de la navigation fluviale dans l’ensemble de l’Union européenne, passant en revue les statistiques de l’année 2017 pour le transport de marchandise comme pour la croisière fluviale. Comme les parutions précédentes, l’édition 2018 est en effet publiée en collaboration avec la Commission européenne, qui participe depuis 2005 au financement de ces analyses de la situation économique du secteur fluvial.
La comparaison entre différents bassins, régions et pays, en ce qui concerne la situation économique de la navigation intérieure, fait ressortir plus de ressemblances que de différences selon la CCNR : « Les résultats de ces comparaisons montrent que la plupart des voies navigables européennes suivent des tendances similaires lorsqu’il s’agit de segments particuliers de marchandises. Le transport du charbon, par exemple, est en baisse dans toute l’Europe, tandis que la demande de transport augmente pour les conteneurs et les produits chimiques. L’évolution actuelle ainsi que les perspectives sont bien meilleures pour les minerais de fer et les métaux que pour le charbon, mais leurs évolutions ne sont pas aussi soutenue que celles des conteneurs et des produits chimiques. »
1 % de hausse pour le trafic fluvial européen
En 2017, la voie d’eau a effectué 146 millions de tonnes-kilomètres (Mtkm) de prestations de transport dans l’Union européenne, soit 1 % de plus que l’année précédente. Une croissance portée surtout par le transport rhénan, qui demeure très prépondérant dans la navigation fluviale européenne. L’Allemagne représente 38 % des prestations européennes de transport fluvial, contre 34 % pour les Pays-Bas, 9 % pour la Roumanie, 8 % pour la Belgique, 5 % pour la France, 4 % pour la Bulgarie. Cette prépondérance rhénane est plus grande encore en ce qui concerne les conteneurs : la CCNR note que cette activité, au niveau de l’Union européenne, reste concentrée à 99,8 % dans quatre pays : les Pays-Bas pour 45 % du total, l’Allemagne pour 40 %, la Belgique pour 10 % et la France pour 4,5 %. Le Rhin a transporté à lui seul 2,37 MEVP en 2017. Ces transports se sont d’ailleurs développés de 6 % en 2017, après une hausse de 4 % en 2016. Les matériaux de construction, les produits pétroliers, les produits chimiques et les métaux ont aussi connu des essors de trafic de 2 à 3 %. Les transports de charbons ont diminué de 9 % et ceux de produits agricoles de 14 %. Globalement, avec 186,4 Mt, le trafic rhénan a connu une stabilité en 2017, ne gagnant que de 0,3 % par rapport à 2016.
Parmi les bassins de navigation où le volume de marchandises transportés par bateau a augmenté en 2017, on trouve la Moselle, la Sarre, le Rhône, le Main et les canaux de l’Ouest de l’Allemagne. A l’inverse, le tonnage fluvial a diminué pour l’Elbe, le canal du Mittelland, la Seine et le bassin du Nord-Pas-de-Calais. Le Danube a aussi connu une chute de son trafic fluvial en 2017, le repli d’activité constatée en Roumanie et en Bulgarie ne pouvant être compensée par les progressions en Autriche ou en Hongrie, où les volumes sont bien plus faibles. Les produits agricoles, qui représentent 33 % des transports sur le Danube, sont en effet en contraction, tandis que les transports de minerais de fer n’évolue à la hausse que légèrement.
Évolutions disparates des parts modales
La part modale du fluvial dans le transport de marchandises, très variables selon les pays, connaît aussi des évolutions diverses. En 2017, elle a augmenté aux Pays-Bas, pour dépasser 40 %, elle est restée stable en Belgique avec près de 20 %, ainsi qu’en Allemagne à 11 %. Elle a diminué en France, où elle est inférieure à 5 %. La CCNR s’étonne d’ailleurs de la faiblesse de la part modale de la voie d’eau en France, en particulier pour les céréales : « Il est difficile d'expliquer pourquoi la part modale de la navigation intérieure est si faible en France, malgré sa forte production agricole et ses nombreux ports maritimes et voies navigables. La part du transport routier est élevée et relativement stable, de 80 à 85 %. La part du transport ferroviaire est encore plus modeste que celle de la navigation intérieure. Étant donné que les bateaux français sont plutôt petits et pourraient être utilisés pour le transport de produits agricoles dans l'arrière-pays, une explication pourrait être la baisse du nombre de bateaux de navigation intérieure destinés au transport de marchandises sèches en France. » Pour le bassin du Danube, la part modale du fluvial est en recul en Roumanie (18 %), en Bulgarie (13%) et en Croatie (6%). Elle est restée stable en Autriche et en Hongrie, autour de 4 %.
Quelles perspectives d’ici à 2040 ?
Parmi les deux secteurs porteurs pour l’avenir du transport fluvial, le rapport de la CCNR met l’accent sur la logistique urbaine, avec l’exemple du port de Paris, et sur les transports de biomasse, à travers les cas du port belge de Liège et des ports allemands de Mannheim et de Straubing-Sand. « Les trois études montrent que, dans la plupart des cas, les entreprises du secteur de la biomasse sont situées à proximité du port ou ont même été créées à l'initiative du port, conclut la CCNR. Cela suggère que les ports intérieurs ne sont pas seulement des plates-formes logistiques pour la navigation intérieure, mais aussi des sites de traitement et de production efficaces pour le secteur de la bioénergie et, dans une plus large mesure, pour les secteurs industriels à fort potentiel d’innovation. »
Au-delà de la logistique urbaine et de la biomasse, le rapport de la CCNR montre aussi les perspectives que crée pour le transport fluvial l’essor attendu de la production européenne de produits chimiques, ainsi que le développement des transports de conteneurs. D’autres produits, comme les céréales ou les produits sidérurgiques, ne devraient pas connaître d’évolution majeure au cours des deux prochaines décennies. Les perspectives les moins favorables se dessinent pour le pétrole et le charbon, grands utilisateurs du transport fluvial, dont la diminution de consommation, déjà engagée, devrait se confirmer à l’avenir pour cause d’économies d’énergie et de transition énergétique.