Le projet de loi de finances (PLF) 2019, dont une partie a été adoptée par l’Assemblée nationale le 23 octobre 2018, comprend un article 9 intitulé « suppression de taxes à faible rendement ». C’est cet article qui supprime la taxe affectée à la Chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA). Il supprime aussi la taxe hydraulique affectée à VNF (voir encadré).
L’exposé des motifs de cet article précise que « par cohérence », il est aussi procédé « à la dissolution de l’établissement public CNBA, qui n’apparaît plus adapté aux missions de représentation du secteur professionnel de la batellerie artisanale, conformément aux conclusions du référé de la Cour des comptes du 8 décembre 2017 ».
La suppression de la taxe affectée à la CNBA et de cet établissement public administratif jouant le rôle d’une chambre des métiers pour les artisans bateliers n’est pas vraiment une surprise. La réponse écrite du gouvernement en février 2018 au référé de la Cour des comptes de décembre 2017 avait été claire : « La CNBA n’est plus la structure adaptée aux missions de représentation du secteur professionnel du transport fluvial (…) ses ressources servent actuellement principalement à financer son fonctionnement et bénéficient insuffisamment à la profession. En outre, la taxe perçue par la CNBA, qui représente en moyenne 1 500€ par entreprise et par an, pèse sur les artisans bateliers ».
A la place de la CNBA, le gouvernement a appelé à la création d’un syndicat professionnel, représentant les artisans bateliers, qui « semble aujourd'hui plus proche des missions réalisées par la CNBA au profit de ses membres ». Une telle création conduit à transférer les missions régaliennes de la CNBA (tenue du registre des entreprises, centre de formalités des entreprises) à d’autres organismes tels que les chambres des métiers et de l’artisanat, comme c’est le cas pour d'autres secteurs.
Cette décision n’est pas une surprise, car il faut indiquer aussi que depuis cette réponse écrite, dans le cadre des réunions du conseil d’administration de la CNBA, le représentant du gouvernement a régulièrement rappelé cette volonté de supprimer l’établissement. Il n’empêche que la question de la représentation des artisans bateliers demeure pour le moment entière.
Une interprofession fluviale où les artisans bateliers ont leur place
La CNBA a réagi à la décision par un communiqué, dénonçant le choix du PLF 2019 plutôt que d’attendre la loi LOM « montrant l’empressement à faire disparaitre l’unique représentation du secteur du transport artisanal de marchandises par voie fluviale ». Le choix du PLF 2019 signifie que la CNBA cessera d’exister le 31 décembre 2018. La loi LOM devrait être présentée au conseil des ministres fin novembre et pourrait être étudiée au Parlement au premier semestre 2019, ce qui aurait en effet repoussé d’autant la fin de la CNBA.
S’il y a peut-être de l’empressement, c’est aussi que la ministre des Transports a lancé en juin 2018 une mission sur la création d’une interprofession fluviale « où les bateliers artisanaux ont vocation à prendre leur place ». L’objectif est d’aboutir dès 2019 à la création d’une interprofession fluviale à laquelle l’établissement public administratif qu’est la CNBA ne peut être membre. Il y a donc urgence à trouver une nouvelle forme de représentation des artisans bateliers afin qu’ils trouvent leur place dans l’interprofession fluviale et pour que celle-ci soit représentative. L’interprofession n’a pas encore complétement convaincu tous les artisans bateliers. Certains assurent qu’elle ne se fera pas. D’autres y voient un instrument plutôt positif pour le développement de la filière dans sa partie transport de marchandises car un grand nombre d’intervenants pourraient en faire partie. Ils font part de leur réserve et inquiétude sur la suppression de la CNBA vu comme une volonté de détruire la batellerie artisanale. Ils regrettent l’absence de solution réglementaire pour orienter la ou les nouvelles formes de représentation de la batellerie. Ils alertent sur ce que cela suppose ; c’est-à-dire la nécessité d’une plus grande implication des artisans-bateliers compte tenu de la disparition de la CNBA, et s’interrogent s’ils sont prêts à se rassembler sous une forme ou sous une autre (syndicat, association, etc.).
Dans son communiqué, la CNBA rappelle qu’avec la suppression de la taxe affectée et de l’établissement, la batellerie artisanale « replonge des années en arrière. Car la fermeture de la CNBA entraînera fatalement un retour à la situation antérieure à la création de l’établissement, où la profession était représentée par une multitude de petites structures, associations et syndicats faibles et peu organisés, qui peinaient à se structurer pour parler d’une voix commune et à défendre les intérêts de la profession ». La CNBA poursuit : « La batellerie artisanale représente plus de 60% des volumes transportés en France (…) la volonté des pouvoirs publics de supprimer l’unique représentation institutionnelle de la batellerie se traduira fatalement par un affaiblissement de la représentation des transporteurs fluviaux artisans, aussi bien au niveau national qu’au niveau européen ».
Le document se conclut par une demande : « Plutôt qu’une fermeture pure et simple de l’établissement qui la représente, la profession appelle à une réforme de celui-ci afin de permettre la pleine exploitation de l’organisation représentative de la batellerie artisanale française ».
La suppression de la CNBA signifie aussi que les personnels administratifs qui travaillent pour cet établissement vont se voir proposer un reclassement dans d’autres structures administratives ou vont pouvoir postuler à des postes disponibles.
Le même article 9 projet de loi de finances (PLF) 2019 supprime la taxe hydraulique affectée à l’opérateur Voies navigables de France (VNF). L’exposé des motifs indique que cette taxe « sera remplacée par un régime de redevances domaniales de droit commun, afin de clarifier son statut juridique, qui donne aujourd’hui lieu à de nombreux contentieux, et de sécuriser les ressources de l’établissement public affectataire, dont elle représente environ un quart du budget ».