Les infrastructures des ports maritimes sont également au cœur des préoccupations des armateurs fluviaux. Alors que la question de l’accès fluvial à Fos n’est même plus évoquée, toute l’attention se concentre sur la fameuse chatière du Havre, qui permettrait aux bateaux fluviaux un accès direct à Port 2000, via l’écluse François Ier. Alors que le conseil de surveillance du port s’apprête à statuer sur son plan d’investissement, le CAF affirme son « engagement plein et entier, y compris financier » en faveur de la chatière, « convaincu que cette infrastructure ne peut plus être reportée dans le temps. Le moment est venu d’en décider au travers d’un engagement ferme de mise en service dans les cinq ans. » Les transporteurs fluviaux ne s’engagent pas ici à financer la construction de la chatière elle-même, mais réclament la mise en place d’un péage pour son utilisation, seule façon, selon eux, d’obtenir gain de cause sur ce dossier.
Pour la vignette camions
À Fos-sur-Mer également, les transporteurs fluviaux s’engagent pour faire face à la perte très sévère des parts de marché constatée en 2017 sur les conteneurs, due en partie à la mauvaise organisation des terminaux maritimes. « Jean-Christophe Baudouin fait un travail de fond sur le sujet, reconnaît Didier Léandri, mais chaque acteur reste enfermée dans sa propre logique, au détriment de l’intérêt général. Les opérateurs fluviaux prennent leur part en s’engageant à mettre en place un départ quotidien pour les conteneurs. » Ils attendent évidemment un engagement réciproque de autres acteurs du conteneurs, c’est-à-dire davantage de boîtes chargées sur le fleuve.
Très ancienne revendication des transporteurs fluviaux : l’instauration d’un régime unique de facturation de la manutention pour les conteneurs, c’est-à-dire la péréquation des frais de manutention entre les différents modes de transport, comme c’est la règle dans les ports européens. Le CAF la demande encore et toujours et avance aussi une autre proposition pour développer l’inter- modalité dans les ports maritimes : des cibles de part modales pour les modes massifiés, avec des incitations financières incluses dans les conventions d’occupation. Didier Léandri cite en exemple la politique tarifaire du port de Paris, ou encore les clauses contractuelles en faveur du fluvial insérées dans les marchés du Grand Paris. Autre mesure favorable au report modal : la vignette pour camion, mise à l’étude par le gouvernement. « Nous faisons partie des rares secteurs, à en juger par l’accueil qui a été réservé à cette annonce, à être très favorables à cette disposition, regrettant l’abandon de l’écotaxe », souligne Didier Léandri, pour qui « seule la fiscalité environnementale permettra de rééquilibrer la concurrence entre les modes et de dégager des ressources pour financer l’infrastructure. »
Pour la vignette camions
S’appuyant sur le rapport du Comité d’orientation des infrastructure (COI) remis au gouvernement au printemps, ou sur un récent audit externe confié par VNF au cabinet Mensia, Didier Léandri assure que « cet établissement n’a plus les moyens financiers d’assurer sa mission », et plaide pour une relance de l’investissement en faveur des infrastructures fluviales. Les besoins, qu’il s’agisse de reconstruction de la fameuse écluse de Méricourt ou d’opérations d’entretien, sont évalués par Mensia à 244 M€ par an.
Le discours a retenu toute l’attention de Marc Papinutti. « Les sujets abordés ne me sont pas étrangers », a souri l’ancien directeur général de VNF qui représentait la ministre des transports Élisabeth Borne, dont il est depuis un an le directeur de cabinet. « La régénération du réseau doit être notre priorité, la performance du transport fluvial tient bien sûr à la qualité de ses infrastructures, comme l’ont mis en évidence les crues de 2016 et de 2018. » Marc Papinutti a rappelé que le COI préconise des investissements à la hausse sur le long terme pour les infrastructures. Il a évoqué une hausse des crédits de l’Etat pour régénérer le réseau « quitte à transformer la taxe hydraulique en vrai taxe d’usage ».
Au sujet de la transition énergétique de la flotte fluviale, que Didier Léandri avait longuement abordée dans son discours, Marc Papinutti a apporté quelques éléments de réponse, et tracé un cap : « Le fluvial doit pouvoir continuer à mettre en avant son avantage écologique, avec pour objectif une flotte zéro émission à l’horizon 2050. Le gouvernement élabore d’ailleurs une feuille de route pour jalonner le parcours du fluvial vers les modes de propulsion propre. Il étudie aussi des incitations fiscales, comme par exemple la défiscalisation des carburants propres et des évolutions en ce qui concerne le sujet de l’amortissement. » Aucune réponse n’a en revanche été apportée aux demandes du CAF concernant l’exonération des plus-value de cession en cas de réinvestissement dans un bateau moins polluant, ou encore l’évolution de la réglementation concernant le transport fluvial du GNL ou l’augmentation des aides pour le passage à la norme EMNR.
La mise en place d’une interprofession fluviale est en marche, une mission de préfiguration étant actuellement menée par le préfet François Philizot, par ailleurs délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine. La première réunion s’est tenue le 6 juin 2018, avec une cinquantaine de personnes. Les bateliers ont toute leur place dans cette interprofession et y seront bien représentés mais pas forcément par la CNBA. A la suite d’un rapport de la Cour des comptes, le gouvernement a indiqué sa volonté de voir évoluer cet établissement. Du côté de l’interprofession, aucun dispositif législatif ou réglementaire n’est à prévoir, puisque son existence est déjà prévue par la loi VNF de 2012.