C’est une initiative portée conjointement par Circoé (ex-Critt transport et logistique Le Havre), Normandie Bolloré Logistics et l’EM (école de management) Normandie avec le soutien de la Région Normandie. Le projet Fluide a démarré il y a deux ans et arrive aujourd’hui à maturité. Il est destiné tout particulièrement aux commissionnaires de transport qui souhaitent mener une réflexion sur l’utilisation de la voie d’eau. Ce nouveau logiciel constitue donc un outil précieux d’aide à la décision.
« L’objectif a été de concevoir une plateforme qui permet de matérialiser les avantages du transport fluvial par rapport à d’autres solutions, notamment le ferroviaire et, surtout, le routier. Nous avons modélisé les avantages du fluvial en termes financiers et environnementaux en incluant aussi la notion de transit time », explique Paul Bernard, directeur régional Normandie chez Bolloré Logistics. « Ce projet correspond également au moment où Bolloré Logistics s’apprêtait à affréter une barge de 108 EVP, le Cyclone, qui assure aujourd’hui un service régulier entre la plateforme multimodale du Havre, LHTE, et le port de Bonneuil-sur-Marne en passant par Gennevilliers », ajoute le responsable.
L’EM Normandie a mis l’accent sur l’aspect très pragmatique du projet. Pour mettre en avant l’avantage financier que représente le transport fluvial, un important travail de collecte d’informations paramétriques a été effectué pour prendre en compte les coûts pratiqués sur l’axe Seine en matière de durée de franchise ou encore de délais moyens de stationnement. Les process et le cadencement liés au traitement d’un conteneur lors de son acheminement ont également été pris en compte, de l’arrivée sur le terminal portuaire du Havre jusqu’à son transport sur la plateforme multimodale LHTE. Le scénario inclut une potentielle rupture de charge à Gennevilliers, une livraison sur Bonneuil et, enfin, une livraison du dernier kilomètre chez le client réalisée avec un moyen de transport routier fonctionnant au biogaz. « Nous avons simulé les différents scénarios liés au mode de transport utilisé et les décisions qui peuvent s’y rattacher », ajoute Paul Bernard.
Pour modéliser les avantages du mode fluvial, l’utilisateur de Fluide a donc la possibilité, en rentrant ses données (date, heure, etc.), de simuler le parcours de son conteneur de son arrivée sur le port du Havre jusqu’à son point de destination final. Le logiciel présente l’avantage de disposer de tous les horaires de barges fluviales fonctionnant sur l’axe Seine avec les opérateurs existants. Différents timings sont proposés automatiquement ainsi que tous les scénarios liés à l’acheminement. Le logiciel permet, au final, de comparer de manière très concrète les différentes solutions de transport qui sont disponibles, routières, fluviales, etc. avec les coûts qui s’y rattachent et, par conséquent, les économies qui peuvent être réalisées.
Une vocation pédagogique
Paul Bernard rappelle que pour prendre une décision en matière de schéma logistique, les opérateurs regardent de près trois coûts, ceux liés au transport, ceux liés aux frais de stationnement portuaire et ceux concernant la détention conteneur. « Ce projet nous a permis d’accompagner notre réflexion sur le fluvial car il s’agissait de quelque chose de relativement nouveau pour nous. En parallèle du projet Fluide, nous avons pu renforcer notre expérience dans le domaine avec notre barge fluviale qui fonctionne depuis maintenant deux ans sur l’axe Seine. » La plateforme Fluide permet de matérialiser tous les avantages du fluvial de manière à les partager avec des clients, ce que fait Bolloré Logistics. Elle a donc, avant tout, une vocation pédagogique comme aime le rappeler Paul Bernard. Les porteurs du projet précisent que cette plateforme s’adresse à tous les acteurs. Dans un avenir proche, toujours à l’initiative de Bolloré Logistics, de Circoé et d’autres partenaires, le logiciel devrait intégrer les calculs liés aux frais de détention conteneurs qui peuvent aussi représenter des frais significatifs pour l’opérateur. Dans un deuxième temps, Circoé souhaite convaincre un certain nombre d’opérateurs de transport logistique de s’équiper de cet outil en intégrant leurs propres bases tarifaires. Enfin, Robin Potté, le directeur de Circoé, souhaite développer en 2020 une version identique de Fluide mais dédiée au transport ferroviaire.
Paul Bernard le concède, le fluvial reste encore aujourd’hui trop peu développé sur l’axe Seine. Pour le responsable, l’avantage de l’utilisation de la barge à l’import est majeur pour les opérateurs qui ont des lots importants, de 100 à 200 conteneurs, par exemple. Un avantage d’autant plus intéressant pour eux que la facture des frais de stationnement sur les terminaux portuaires peut se chiffrer rapidement en centaine de milliers d’euros, l’écosystème routier pouvant mettre du temps à évacuer une masse importante de conteneurs. « Le premier avantage du fluvial est la possibilité de cumuler des périodes de franchise. Vous pouvez par exemple bénéficier de quatre jours de franchise sur Port 2000 au Havre. Sur LHTE, vous bénéficiez de six jours supplémentaires. Puis, une fois que le conteneur est sur la barge, il n’y a plus de frais de stationnement à payer. L’autre avantage du fluvial pour les gros acteurs avec des flux imports très significatifs, c’est de lisser les flux et donc de mieux piloter l’arrivée des conteneurs à destination. La solution fluviale répond à la problématique de réception. » Paul Bernard précise, sur ce dernier point, que les logisticiens apprécient d’anticiper, de planifier et donc de lisser les volumes qu’ils ont à traiter. Il ajoute que les gros acteurs, les importateurs, prennent conscience aujourd’hui que le coût de transport n’est pas uniquement le coût du fret maritime et le coût du fret routier, ce sont aussi tous les frais annexes, le stationnement portuaire, la détention conteneur, les frais de dépôts, etc.
Un meilleur bilan carbone
Robin Potté, le directeur de Circoé, confirme que le fluvial possède cette capacité de diminuer les frais de transport avec la réduction des frais de stationnement sur les terminaux. « Le tout avec un meilleur bilan carbone », précise-t-il. Pour Paul Bernard, l’enjeu du fluvial sur l’axe Seine n’est pas tant l’import mais l’export qui aujourd’hui peine à augmenter les flux. La logique d’une supply chain import n’est pas la même que celle d’une supply chain export. À l’import, il faut gérer l’approvisionnement des plateformes, lisser les flux. À l’export, l’objectif est de sortir au plus vite la marchandise de l’usine et de l’expédier le plus rapidement possible. Or, le fluvial en termes de transit time sur l’axe Seine est plus long.