«C’était un rêve de devenir marinier, un projet planifié pour ma retraite et finalement, j’ai franchi le pas plus tôt ! J’ai acheté une péniche à Conflans-Sainte-Honorine que j’ai fait renflouer mais dont la coque était bonne. Nous avons pu sauver le moteur après l’avoir fait remorquer. Nous l’avons aménagée au chantier naval Van Den Bosch », raconte l’ex-agriculteur Jacques Seynhaeve.
L’objectif pour le couple Jacques et Patricia, pas du tout en relation avec le milieu de la batellerie, a été d’avoir une nouvelle vie dans cet univers et de se « mettre en route avec une péniche itinérante et de faire chambre d’hôtes ». Et ainsi, la péniche dont la devise est désormais « Les Charmes » a pu reprendre du service, avec sa station d’épuration, tout en étant autonome en eau et en électricité. « Je tourne à 100 % avec mes panneaux solaires et je peux m’arrêter où je veux ». La péniche peut évoluer sur différents bassins car son gabarit et son tirant d’eau de 1,40 m lui permettent d’accéder à l’ensemble du réseau pour peu qu’il y ait suffisamment d’eau dans les rivières et canaux.
En 2020, la crise sanitaire et le faible niveau d’eau, notamment sur les canaux des Vosges, de la Marne au Rhin Est, y compris le tunnel-canal d’Arzviller, ont freiné les projets de navigation du couple. Mais les amoureux de la Meuse s’estiment déjà chanceux « de pouvoir malgré tout naviguer, on a pu reprendre le 10 juin. Les autres bateaux de croisière ont été arrêtés plus longtemps », précise le nouveau capitaine.
Cette saison 2020, les réservations se font à la dernière minute, d’une semaine à l’autre, conjoncture oblige. Par ailleurs, les clients, dont la sécurité sanitaire est assurée en prenant leur température avant de monter à bord et pour lesquels les cabines sont totalement désinfectées, ne veulent plus faire de longs parcours et refusent aussi de prendre les transports en commun pour rejoindre leur lieu d’embarquement. « Cette année, on ne fait pas beaucoup de kilomètres, on fait des boucles. Nous ramenons nos passagers là où nous les avons embarqués ». Malgré les difficultés actuelles, le but de l’activité est de faire partager aux passagers en quête d’une destination insolite l’expérience unique de la navigation, de leur faire découvrir l’univers fluvial, son patrimoine, ses paysages, le tout « à couper le souffle ».
Joël Le Mercier de Rives en Rêve possède, lui aussi, une Freycinet, à bord de laquelle il fait « juste du gîte nautique », et d’autres bateaux plus petits. Son souhait est aussi « de faire découvrir le domaine fluvial, la faune et la flore. Je donne à mes passagers des notions d’écologie. L’eau, c’est calme et, selon les cours d’eaux, ça peut-être propre ».
Conjuguer les expériences
Dans le Grand Est, CroisiEurope propose une croisière intimiste à bord de la Madeleine. Julien Walther, son capitaine, est à l’origine de la démarche dont le but est de reprendre possession des rivières et canaux de la région « pour leur survie » et d’offrir une croisière plus abordable. La navigation à bord de « petites unités » peut-être plus élitiste et réservée à une clientèle aisée qui opte pour la Bourgogne ou le canal du Midi. Julien Walther a proposé à CroisiEurope de rénover une ancienne Freycinet où l’aménagement a privilégié la sécurité et le confort des passagers avec un moteur anti-pollution. La « petite péniche » s’est révélée « avoir tout d’une grande avec la climatisation, la télévision, le Wi-Fi et des portes étanches ». Une fois la péniche rénovée, l’objectif a été de démontrer qu’il était possible « de remettre les canaux au goût du jour ». Le succès est au rendez-vous et de nouvelles péniches ont été construites en gardant l’esprit de la Madeleine. « C’était magique parce qu’on a conjugué l’expérience des canaux et le savoir-faire de l’accueil des passagers de CroisiEurope ». Le capitaine a souhaité employer comme membres d’équipage des passionnés de la voie d’eau dont certains sortent de l’école de navigation de Strasbourg.