La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a organisé une table ronde sur le transport fluvial dans le contexte du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), le 6 mars 2019.
Pour répondre aux questions des députés, ont participé à cette table ronde : François Bouriot, adjoint du président du Comité des armateurs fluviaux (CAF), Jean-Marc Samuel, président de la fédération Agir pour le fluvial (APLF), Anne Estingoy, vice-présidente de Promofluvia, Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigable de France (VNF), François Philizot, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, Nicolas Trift, sous-directeur des ports et du transport fluvial pour représenter la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère des transports.
Les échanges d’une durée d’un peu plus de 2 heures ont notamment permis d’aborder les thèmes suivants : la constitution d’une interprofession, le coût de la manutention fluviale dans les ports maritimes, le pacte de verdissement de la flotte dans le contexte de la transition énergétique du fluvial.
Interprofession fluviale
En charge depuis juin 2018 d’une mission de préfiguration d’une interprofession fluviale, le préfet François Philizot a fait le point sur l’état d’avancement de ses travaux. Il a remis un rapport intermédiaire en décembre 2018. Il a rappelé qu’il s’agit de créer une interprofession « au sens agricole de l’amont vers l’aval » en s’appuyant sur l’article 10 de la loi n° 2012-77 du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France. « Le monde du fluvial doit regrouper ses forces dans une approche commune pour mieux dialoguer avec les pouvoirs publics, pour être plus efficace et plus audible ». Il s’agit de regrouper les opérateurs de transport, marchandises et passagers, les chargeurs, les commissionnaires, les gestionnaires de ports, les fabricants de bateaux, etc. ». Une réunion a été organisée mi-février 2019 pour échanger sur les perspectives de travail. « Il y a une volonté partagée de l’ensemble des familles concernées de constituer une interprofession, selon le préfet. Il y a un programme commun qui se dégage. Mais tout n’est pas réglé notamment concernant l’aspect financier de l’interprofession avec la définition de la contribution volontaire obligatoire (CVO) dont les contours, les modalités, la perception font encore l’objet de débats ». Le préfet a indiqué que le processus en est actuellement à l’étape de l’écriture d’un accord d’interprofession.
Pour Nicolas Trift, « la profession trop divisée doit regrouper l’ensemble de ses maillons pour répondre aux enjeux de compétitivité et des transitions énergétique et numérique ». Pour lui : « L’Etat a souhaité accompagner cette évolution et être un élément déclenchant pour la création d’une interprofession qui commence à prendre ». Il a rappelé la dissolution de la Chambre nationale de batellerie artisanale (CNBA) le 30 juin 2019 estimant : « Il faut dissocier cette dissolution de la création d’une interprofession. Il faut retrouver une forme de structuration des bateliers artisanaux qui ont leur place dans l’interprofession, représentant 60% de la flotte fluviale. L’Etat participe à ce travail déterminant ». Pour Jean-Marc Samuel : « Pour favoriser une représentation nouvelle des artisans bateliers, il faut attribuer les 4,5 Md€ de la CNBA aux acteurs du fluvial ».
Conteneurs et manutention fluviale dans les ports maritimes
Anne Estingoy a relevé « un mauvais comportement des opérateurs de manutention par exemple à Marseille où le trafic conteneurs est en croissance mais les pré et post-acheminements fluviaux diminuent. Il faut une intervention contraignante de l’Etat sur le modèle de ce qui se fait pour le traitement de la manutention fluviale à Dunkerque. Il faut des obligations de part modale pour les manutentionnaires en sortie des terminaux à conteneurs. Il faut imposer dans les plans de mobilité des collectivités le recours au fluvial quand celui-ci peut-être la solution pertinente. Pourquoi ne pas profiter du projet de loi d’orientation des mobilités pour ces sujets ? »
François Bouriot a souligné que « le transport fluvial est le seul mode qui paie sa manutention. Pour tous les autres modes, le coût est facturé à l’armateur maritime ». Le coût supplémentaire atteint 40 € par conteneur.
« Concernant les THC, a dit François Philizot, la mutualisation réalisée à Dunkerque a été possible car la principale compagnie est aussi l’opérateur du terminal. La situation est différente dans les autres ports français ». Il a fait part de ses doutes sur la possibilité de légiférer, compte tenu qu’il s’agit, pour lui, d’un sujet acteurs économiques privés.
Pour Nicolas Trift : « Il faut raisonner chaine logistique et intégrer le transport fluvial comme une solution performante dans les chaines logistiques. Créer des axes logistiques à partir des ports maritimes avec un axe fluvial ». Autrement dit, faire Marseille-Fos à Lyon par le Rhône, faire le Havre-Paris par la Seine. « La constitution d’axes portuaires et logistiques est une priorité en France ».
Transition énergétique et verdissement de la flotte
« Il y a un travail sur un Pacte de verdissement de la flotte fluviale, a indiqué François Bouriot. C’est un sujet compliqué car les solutions technologiques ne sont pas sur étagères. On travaille par projet-pilote ».
Le GNL peut-être l’énergie pour des bateaux réalisant des trajets de longue distance, l’hydrogène, les piles à combustible, les batteries sont mieux adaptés à des trajets de plus courte distance. Il y a le règlement EMNR et l’absence de moteurs disponibles compte tenu de l’étroitesse du marché de la navigation intérieure.
Pour François Philizot, il y a une prise de conscience des acteurs sur la transition énergétique. « Il faut structurer la démarche, c’est l’objectif du Pacte. Il faut aussi trouver les voies et moyens concernant les financements ». Il ne faut pas oublier le PARM de VNF doté de 36M€ sur la période 2018 à 2022.
Pour Nicolas Trift, la loi de finances 2019 apporte des solutions pour faciliter la transition énergétique du fluvial avec un suramortissement désormais possible pour des bateaux plus propres. « Nous avons engagé un travail pour un Pacte écologique, il faut aller jusqu’au bout ».