Depuis son apparition en décembre 2019 dans la ville Wuhan, la pneumonie virale a causé 1 900 décès en Chine et contaminé 74 185 personnes au 19 février 2020. Les mesures de confinement pour limiter la propagation du coronavirus ou covid19, selon sa désignation plus récente, empêchent la deuxième économie du monde de produire, d’exporter, d’importer. Chute de la production et baisse de la consommation pèsent déjà sur les économies mondiales devenues dépendantes de l’Empire du Milieu. Le coronavirus pourrait même freiner la croissance mondiale. Après la crise financière de 2008, les conséquences de cette crise sanitaire évolutive demeurent à ce stade difficilement chiffrable. Au cœur de la tempête, les transports maritime et aérien, vecteurs de la mondialisation.
L’économie chinoise plonge emportant dans la tourmente les pays avec lesquels elle entretient des liens commerciaux. 70 % des smartphones dans le monde, 38 % des textiles, 30 % des véhicules sont produits en Chine. Signe de cette dépendance, le coronavirus affecte déjà 24 % des entreprises américaines, 9 % des entreprises allemandes et espagnoles et 5 % des entreprises françaises. Cette dépendance vis-à-vis de la Chine est remise en question. « 70 % des batteries pour les véhicules électriques dans le monde sont produites en Chine. L’Europe n’a pas été capable de construire une usine », déplore le vice-président de la chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence Frédéric Ronal.
En seulement un mois, le pays a perdu un point de croissance et visiblement la situation ne s’améliore pas. Aérien, routier, ferroviaire et maritime, ces modes de transport subissent de plein fouet cette crise sans précédent.
Aucun train entre la Chine et l’Europe
Les services de camionnage domestiques sont lourdement affectés par la pénurie de conducteurs vivants dans des zones épidémiques et mis en quarantaine. Certaines routes et autoroutes sont bloquées pour éviter la propagation du virus. Les commissionnaires de transport font face à la raréfaction des services de transport pour enlever les conteneurs dans les zones portuaires.
Les services aériens sont suspendus jusqu’à nouvel ordre, y compris les vols tout-cargo. Pour acheminer la marchandise, Bolloré Logistics affrète des avions au départ de Paris. « Aucun train ne circule entre la Chine et l’Europe », constate Christelle Pierre-Bez, commerciale chez Bolloré Logistics.
Le transport maritime est lui aussi lourdement concerné, les cales sont vides, le Baltic Dry Index n’a jamais été aussi bas. Entre le 8 janvier et le 10 février 2020, les volumes de transport ont chuté de 40 %. « Plus de 50 % de « blank sailing » au départ des ports chinois, sans que nous ayons, à date, d'informations précises des armateurs sur l'évolution des dessertes », précise le correspondant de Geodis sur place.
Avant la crise, un porte-conteneurs CMA CGM faisait escale toutes les trois secondes dans un port chinois. « Les navires tournent au ralenti et ne prendront pas leurs positions dans 8 à 10 semaines. En avril, des tensions sur les capacités sont à prévoir à destination de la Chine », prévient Luc Portier, directeur des études et projets chez CMA CGM.
La problématique des conteneurs réfrigérés
Le secteur des Reefers traverse une véritable crise dans la crise. Près de 120 000 conteneurs seraient pris au piège de la supply chain chinoise.
Quelques mois avant que ne surgisse le coronavirus, la peste porcine avait dévasté le cheptel chinois, contraignant le pays à importer de grandes quantités de porcs en novembre et décembre 2019. « Les conteneurs ont été débarqués en Chine en janvier 2020 et ont saturé les prises Reefers dans les ports de Shanghai, Qingdao au Nord de la Chine. Les conteneurs réfrigérés sont déchargés pour être réacheminés vers d’autres ports où il y a des prises disponibles », précise le responable de CMA CGM.
La Chine envisagerait même d’affréter des navires, stationnés au large des côtes, pour s’en servir de base de stockage des conteneurs Reefers. CMA CGM, à la tête de la deuxième flotte de Reefer au monde avec 400 000 boîtes, fait face à une tension sur ses équipements. 7 000 conteneurs Reefers construits en Chine pour Maersk Line sont toujours bloqués aux chantiers. Les conteneurs Reefers vides se raréfient. La tension devient palpable en Amérique Latine où les fruits exotiques sont directement chargés dans les Reefers. 20 000 conteneurs de cerises seraient actuellement bloqués en Chine. Le pays consomme 90 % de la production chilienne.
Cerises du Chili, avocat du Pérou, bananes de Colombie et d’Équateur… Faute de conteneurs réfrigérés, les fruits sont stockés dans des chambres froides. Une situation qui pourrait rapidement affecter les marchés européens et les Etats-Unis, consommateurs de produits exotiques. Dans ce contexte de manque d’équipements et de chute drastique de la consommation chinoise, les producteurs doivent très rapidement se tourner vers de nouveaux marchés pour écouler leur production. De l’ostréiculteur breton au producteur égyptien d’agrumes, toute la planète est concernée.
Photo : Des villes entières situées dans la province du Hubei sont mises en quarantaine. Tout comme les provinces du Zhejiang (Hangzhou, Ningbo, Wenzhou, Taizhou), Anhui (Hefei, Fuyang), Jiangxi (Nancang) et Henan (Xingyang, Zhumadian).
Les importateurs français se disent également affectés par le taux de change. « L’euro n'a jamais été aussi faible. Pour les achats en dollars et des ventes euros, cela signifie une hausse de 16 % en deux ans du taux de change euro/dollar uniquement sur le change », précise Jean-Yves Baeteman, importateur de luminaires d’extérieurs fabriqués à 80 % en Chine et 20 % en Espagne