Fédération professionnelle représentative au plan national du secteur de la navigation intérieure, le Comité des armateurs fluviaux (CAF) a fait part début décembre de sa réaction au projet de fusion des trois ports de l’axe Seine, annoncée par le Premier ministre lors du Cimer le 15 novembre 2018.
Le CAF « se félicite de la volonté d’adaptation du cadre institutionnel de la gestion portuaire afin qu’il soit plus en ligne avec la définition et la mise en œuvre d'une stratégie portuaire maritime et fluviale sur l'axe Seine qui concentre l’essentiel des enjeux de transport fluvial au France s’agissant des marchandises comme des passagers. C’est une opportunité majeure pour le secteur fluvial de voir reconnaître sa contribution majeure au développement des échanges et à l’aménagement du territoire ».
Toutefois, cette fédération estime que la question de la gouvernance, « qui semble concentrer les réactions de nombreuses parties prenantes, ne doit pas faire oublier l’analyse au fond -appelé de ses vœux, à juste titre, par le Premier ministre-consistant à se doter d’une stratégie portuaire offensive ». Et pour le CAF, le choix d’une fusion des trois ports de l’axe Seine est à considérer comme un moyen de mise en œuvre de cette stratégie préalablement définie et non comme un objectif à lui seul.
Paris est davantage qu’un port
Ce préalable étant posé, le CAF met l’accent sur trois points dont le premier concerne les investissements portuaires des trois établissements « impactant le développement de l’axe Seine dans son ensemble, et seulement ceux-là. Ils doivent être définis et décidés par un mode gouvernance commun. Sur ce point, et en tenant compte du rôle primordial et décisionnaire final qui revient à l’Etat, il serait légitime de revenir à une affectation fléchée des dividendes annuels versés par les trois établissements portuaires vers et au profit du financement des investissements d’axe ».
Le deuxième point conduit le CAF à s’interroger sur « la capacité à pouvoir gérer un établissement public de cette taille, à en aligner la structure tout en satisfaisant aux spécificités fortes et marquées de chacun des établissements. Le risque inhérent à une telle intégration conduirait inéluctablement à voir resurgir les revendications syndicales quant à l’élargissement de la CCNU aux ports intérieurs avec son lot de pesanteurs aussi bien sociales qu’économiques ».
Ce deuxième point conduit le CAF à lister les différences entre les trois ports de l’axe Seine « dont le projet de fusion devrait tenir compte dans la mise en œuvre d’une stratégie portuaire intégrée ». Il y a bien évidemment le fait que sur les trois ports, deux sont « de mer » et un « intérieur ». Celui-ci, soit Paris, bien évidemment aussi, « est davantage qu’un port et se décompose entre une soixantaine de ports urbains et une dizaine de plates-formes multimodales ». La plupart d’entre elles sont situées en zones denses avec des fonctions et servitudes nombreuses et variées qui les distinguent de celles des ports maritimes « avec toutes les conséquences induites sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement étant souligné, par ailleurs, les différences profondes de leurs modèles économiques respectifs, notamment quant à la nature de leurs recettes ». Le CAF rappelle que pour Paris, il ne faut pas oublier « des relations nécessaires avec les collectivités territoriales directement impactées, ces dernières étant beaucoup plus nombreuses pour le port intérieur que les autres ports avec des sensibilités aux enjeux significativement différentes notamment dans la capitale ».
Adjoindre Paris au Havre et à Rouen, un calcul ?
Détailler ces particularités entre les trois ports ou plutôt entre les deux ports de mer et le port intérieur conduit le CAF à poser deux questions : « Ces spécificités réelles et fortes entre les trois ports seraient-elles mieux appréhendées et traitées au travers d’une fusion pure et simple des trois établissements ? L’idée et l’importance des bénéfices escomptés d’une fusion s’imposeraient avec d’autant plus d’objectivité et de logique qu’elle concernerait les deux ports aux caractéristiques les plus proches, c’est-à-dire le GPM du Havre et le GPM de Rouen. Adjoindre le port de Paris résulterait finalement du seul calcul visant à rendre possible la fusion naturelle des deux ports maritimes normands ».
En tout cas, pour le CAF, « quel que soit le modèle retenu d’intégration, la « sanctuarisation » et le développement du foncier qu’exige l’accomplissement de la mission des ports doivent être préservés ».
La conclusion du CAF est une demande pour qu’au niveau le plus haut, les acteurs socio-économiques concernés soit associés à la gouvernance de tout l’axe Seine. « La remarque pointe de manière directe les déficiences actuelles des textes et les modèles régissant les gouvernances des deux ports maritimes. Les milieux économiques ne sauraient se contenter du « strapontin » qui leur est accordé aujourd’hui dans les conseils de développement, mais ils doivent participer aux décisions au sein du ou des conseils de surveillance ».