Le blocage des ports et ses conséquences sur le fluvial

Article réservé aux abonnés

Le mouvement de grève contre la réforme des retraites se traduit notamment par des « opérations ports morts » lancées par la FNPD CGT, la prochaine étant programmée du 22 au 24 janvier 2020. Largement suivies par des travailleurs portuaires et dockers, ces opérations pénalisent l’ensemble de la chaine logistique. Eclairage sur les conséquences pour le fluvial avec des témoignages d’opérateurs et une réaction d’E2F. Le mouvement de grève contre la réforme des retraites concerne également les ports qui ont connu plusieurs blocages de 24 heures, les 10, 12 17 et 30 décembre 2019, puis des actions ont été organisées devant les sièges des sept grands ports maritimes les 6 et 7 janvier 2020. Les jours de mobilisation interprofessionnelle (soit les 5, 10, 17 décembre 2019, 9 janvier 2020, la prochaine le 24 janvier) ont aussi été des moments de contestation pour les travailleurs portuaires. La FNPD CGT a entamé une nouvelle phase de protestation avec une opération « ports morts » de 72 heures du 14 au 16 janvier 2020 qui a été particulièrement suivie et dont différentes organisations professionnelles représentatives ont dénoncé les conséquences pour les acteurs de la chaine logistique (voir notre article). Le 17 janvier, le syndicat a appelé ses membres à une nouvelle opération « ports morts » du 22 au 24 janvier, à participer « massivement aux manifestations organisées dans les différents territoires », « à poursuivre les piquets de grève devant les sièges sociaux, l'arrêt des heures supplémentaires, des shifts exceptionnels ». La revendication porte sur un retrait de la réforme des retraites même si les membres de ce syndicat dans les ports ne relèvent pas d’un régime spécifique et ne sont pas directement concernés. Il s’agit de porter la revendication globale de la CGT sur cette réforme en lien avec les salariés d’autres secteurs.

Des PME et TPE fragilisées

L’arrêt des activités dans les différents GPM a des conséquences en termes de trafic, de chiffres d’affaires pour les différents acteurs portuaires comme les manutentionnaires, les acteurs de la chaine logistique, transporteurs routiers, fluviaux, sans oublier le ferroviaire, qui souffre fortement de la grève à la SNCF. Elle a aussi des conséquences plus globales sur l’activité économique en général, approvisionnement, difficultés des entreprises pour exporter/importer… Sans oublier les conséquences en termes d’image pour les ports français, les activités maritimes… Concernant plus particulièrement le fluvial, Entreprises fluviales de France (E2F) a indiqué mi-janvier 2020 : « Le transport fluvial et ses clients n’échappent pas à ce mouvement qui commence à coûter très cher à la filière constituée de PME et TPE à la trésorerie et aux marges faibles. Le blocage des ports maritimes occasionne aussi l’arrêt des transports (conteneurs, produits énergétiques) et des pré et post-acheminements fluviaux. A Rouen, premier port d’exportation européen pour les céréales, entre 10 000 et 15 000 tonnes de marchandises sont en déshérence ». C’est l’équivalent de 7 à 8 bateaux. Pour E2F, la reconduite des blocages dans les jours à venir constitue « une catastrophe pour la filière ». Pour le fluvial, il apparaît qu’il y a eu deux moments depuis le début du mouvement de grève : le mois de décembre 2019 et un personnel aux écluses qui a cessé le travail certains jours, le mois de janvier 2020 et le blocage dans les ports. {{IMG:1}}

La Seine, le canal du Nord, les ports

Du côté d’un opérateur basé dans l’Yonne : « Il y a un impact sur la Seine. A Rouen, les bateaux sont coincés avec leur chargement suite à l’opération « ports morts ». En décembre, il y a eu des écluses à l’arrêt mais il y a eu des annonces à l’avance et cela a été plus facile à gérer et à anticiper ». Concernant ce dernier point, le trafic a été perturbé sur la SeineAmfreville, par exemple) et sur le canal du Nord en décembre avec le personnel des écluses en grève. Selon Voies navigables de France : « Depuis le début du mouvement social, la grève a globalement eu peu d’impact sur la navigation fluviale. Si des ouvrages ont connu des blocages ponctuels essentiellement lors de certaines journées de mobilisations interprofessionnelles (les 5, 10, 17 décembre et 9 janvier), VNF a veillé à limiter le plus possible les impacts pour l’activité. Au quotidien, en dehors des jours de manifestations interprofessionnelles, l’ensemble des ouvrages est accessible et fonctionne normalement ».

Pour un batelier, c’est justement l’enchaînement de ces journées de mobilisation interprofessionnelle qui a été compliqué à gérer et source de difficulté. « C’est pénible et cela perturbe l’enchaînement des voyages qu’on a programmé. C’est une méthode de grève qui met les opérateurs en difficulté alors que nous sommes déjà extrêmement limite sur le plan de notre équilibre économique, pour certains d’entre nous ».

Pour E2F, « Ce sont les mouvements spontanés et imprévisibles qui ont été le plus difficile à appréhender dans le cadre des organisations logistiques, et c’est le mode d’action privilégié depuis décembre sur le réseau de VNF par les grévistes. Le fluvial n’a ni la souplesse ni la capacité de réaction et de repositionnement du transport routier, il est captif de son réseau, assimilable à un site propre de transport public, et un blocage, même temporaire, en un point du réseau, provoque un effet domino de désorganisation globale. Ceci est d’autant plus dommageable que le fleuve, par sa capacité d’absorption, pourrait constituer une solution de mobilité en période de crise, tant pour les marchandises que pour les personnes ».

Des voyages perdus donc des pertes financières

A Rouen, la situation apparaît parmi les plus difficiles pour les bateliers dont les bateaux ne peuvent pas être chargés et déchargés dans les temps prévus. Certains ont été obligés d’attendre un déchargement jusqu’à 3 jours, un délai quasiment impossible à rattraper, qui entraîne l’annulation du voyage suivant ou, à tout le moins, le rend très compliqué à réaliser. Pour un batelier : « La CGT et les dockers, c’est la mort du fluvial. C’est aussi la mort des ports français au profit de ceux du Nord de l’Europe, Anvers, Rotterdam, alors qu’ils sont saturés. Mais les clients y vont car dans ces ports-là, tout fonctionne ».

Pour un autre batelier, avec le blocage des ports, « on a une épée de Damoclès au dessus de la tête. C’est un coup de poker : on passe ou pas, cela dépend d’où on est, d’où on va, d’où on vient. Quand on attend 3 jours à Rouen, c’est le voyage suivant qui est perdu car tout fonctionne avec des dates précises de chargement/déchargement. Il y a des voyages qu’on ne peut pas faire. Cela signifie des pertes financières. Cela renforce la fragilité des TPE de la filière ».

Sur la Seine, les lignes de transport de conteneurs qui concernent Le Havre et Rouen sont en difficulté. Comme évaluation, il est possible d’avancer entre 1 à 2 voyages de perdus à cause du blocage dans les ports, soit un demi mois d’exploitation de perdu. Pour le transport de vrac, notamment les céréales, il y a eu des décalages dans les livraisons, avec parfois un rattrapage possible. Pour le BTP et les granulats, l’activité a été un peu freinée, avec des centrales à béton qui ont tourné un peu au ralenti, en lien avec des difficultés globales de circulation.

Du côté du Rhône, le trafic du mois de décembre 2019 apparaît comme l’un des plus faibles sur les 10 dernières années en terme de nombre de bateaux éclusés avec un peu plus de 3 000 bateaux alors que la moyenne est plutôt aux alentours de 3 500, selon les chiffres de la CNR. Concernant les EVP, le mois de décembre 2019 apparaît également historiquement bas avec un peu plus de 5 600 EVP transportés, par comparaison, il y en avait eu 7 200 en décembre 2018. Mais il n’est pas possible d’établir de lien direct de cause à effet avec la grève, sachant qu’il faut aussi noter qu’il y a eu une période de restriction de navigation en période de crue (RNPC) plus ou moins longue selon les secteurs et qui a contrarié la navigation fin décembre 2019.

Plus généralement, s’il est certain que les « blocages plus ou moins intensifs des infrastructures pendant plus de 40 jours, un record historique » ont des conséquences sur la marche des PME et TPE du fluvial, l’évaluation des coûts et des pertes prendra du temps. Les conséquences seront aussi très variables d’une PME/TPE à l’autre, en fonction de la situation économique de chacune avant ce mouvement mais aussi de comment tout va revenir à la normale ou pas, à court terme ou non. Toutefois, les questions qui se posent dès maintenant sont claires, selon E2F : « Qui va payer les temps d’attente et les surestaries ? Qui va compenser les pertes d’exploitation et les charges quotidiennes qui continuent de peser sur nos entreprises ? »…

À la une

Actualité

Acteurs

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15