À Rouen, les travaux de dragages lancés en 2012 pour gagner 1 mètre de tirant d’eau pour accueillir les plus grands navires s’achèvent avec l’accueil mi-juillet 2019 d’un premier vraquier de type Panamax. S’il s’agit de l’aboutissement d’un très grand projet pour le port de Rouen, d’autres sont prévus à l’avenir.
Nous finalisons en ce moment un très grand projet d’amélioration des accès maritimes du port de Rouen avec des travaux de dragages du chenal de la Seine initiés en 2012 pour gagner 1 mètre de tirant d’eau et atteindre un tirant d’eau de 11,30 m à l’export et 11,70 m à l’import, explique Pascal Gabet, directeur général de Haropa-port de Rouen. Le projet a été initié en 2006-2007 suite au constat que la taille des navires et leur capacité de chargement allait croissant. Il fallait adapter le chenal de navigation de Rouen pour continuer à accueillir les plus grands navires ».
Lors de la concertation publique en 2007, le projet compte trois volets, rappelle Pascal Gabet, dont le premier est le dragage du chenal de la Seine. Le deuxième volet consiste à moderniser certaines infrastructures et à adapter les terminaux. Le troisième porte sur des mesures environnementales, sans compensation mais dites d’accompagnement, qui visent à favoriser une meilleure insertion du chenal de la Seine dans son paysage.
Les dernières autorisations ayant été obtenues en novembre 2011, les travaux ont commencé en 2012 et s’achèvent en cette année 2019. « Le coût des trois volets du projets atteint un total de 206 millions d’euros, c’est un investissement hors norme et très important pour le grand port maritime de Rouen, relève Pascal Gabet. Le dragage en lui-même représente 146 M€, c’est le principal poste de dépense. Il y a eu un co-financement de l’État, de la région Normandie, de l’Union européenne, de l’Agence de l’eau. La réalisation de ce projet a nécessité des efforts non seulement financiers mais aussi techniques ainsi qu’une grande mobilisation des salariés ».
La technique retenue est l’arasement des points hauts sur 120 km du chenal de la Seine. Cela a suffi pour gagner 1 mètre de tirant d’eau sans avoir besoin d’approfondir. La présence de conduites diverses dans la Seine a présenté une difficulté pour l’une d’entre elles appartenant à GRT Gaz qui a dû la dévier plus profondément dans le fleuve. Le coût de 10 M€ a été pris en charge par GRT Gaz.
Plusieurs marchés se sont succédé entre 2012 et 2019, attribués à des entreprises internationales spécialisées dans le dragage. Une partie des travaux a aussi été réalisée en régie par les équipes du GPMR avec 3 navires dédiés, « ce qui a apporté une souplesse par rapport aux marchés attribués aux entreprises internationales ». Les travaux ont été étalés dans le temps et réalisés secteur par secteur afin d’éviter toute interruption de trafic et pour permettre d’absorber le rythme d’investissement. Au total, 7 millions de mètres cubes de sédiments ont été retirés. La moitié a été vendue comme matériaux à des entreprises du BTP pour fabriquer des ciments et bétons. L’autre moitié a été utilisée pour remblayer des ballastières de carrières et créer un plan d’eau.
Une démarche volontaire
Concernant le deuxième volet du projet, moderniser certaines infrastructures et adapter les terminaux, Pascal Gabet précise : « L’enjeu était double : assurer la sécurité de la navigation des navires et adapter les terminaux dédiés aux vracs secs et liquides ».
La zone d’évitage a été agrandie pour permettre aux plus grands navires, jusqu’à 290 m de long, d’opérer leur demi-tour en toute sécurité. Des postes de sécurité ont été installés le long des 120 km du chenal qui permettent de disposer de point d’accueil des plus grands navires en cas de difficulté voire d’avarie.
L’adaptation des terminaux a été réalisée en partie par les opérateurs eux-mêmes, par exemple, pour le nouveau poste céréalier à Grand Couronne de Sénalia qui a investi 11 M€. De son côté, le GPMR a refait l’appontement et redimensionné les capacités d’amarrage (9 M€). Le deuxième terminal céréalier sera adapté au nouveau chenal en 2020. Celui pour le vrac liquide l’est déjà. Ce volet représente pour le port un coût de 43 M€ sur le total de 206 millions d’euros du projet.
Ce sont 17 M€ qui ont été dédiés au troisième volet pour des réalisations permettant une meilleure insertion du chenal dans son territoire et qui seront finalisés d’ici 2022. Cet engagement volontaire du GPMR consiste, par exemple, à reconnecter à la Seine à des terrains situés au bord de la voie d’eau mais qui ne le sont plus car le fleuve a été canalisé, entraînant une raréfaction des zones humides. D’ici 2021, six espaces vont bénéficier d’une telle reconnexion qui signifie qu’on laisse la Seine se répandre librement à nouveau tous les jours en fonction de la marée, ce qui permet le retour ou l’implantation de nouvelles espèce végétales et animales. Cette démarche a été conduite en concertation avec les associations riveraines, les services de l’État, les élus.
Un autre travail est conduit dans deux endroits le long de la Seine qui connaissent une forte érosion avec le passage des navires. Des tests sont réalisés et des solutions mixtes mises en place, sans recourir à une digue.
Un autre axe de la démarche vise à améliorer le paysage portuaire en ôtant les ouvrages qui ne sont plus utilisés ou sont abandonnés en bord de Seine. Il y a encore la reconstitution d’une ancienne peupleraie où sont implantés des essences locales notamment des arbres fruitiers (pommiers).
« Ce volet du projet nous a conduit à lancer une vaste démarche de concertation avec les riverains concernés, avec les élus et les services de l’État qui reconnaissent désormais la qualité des échanges mises en place, souligne Pascal Gabet. Il s’agit de créer des liens forts entre le port de Rouen et les territoires, d’améliorer l’interface et l’intégration port/territoire. Il s’agit aussi d’améliorer le paysage. Pendant longtemps, la présence d’un port a entraîné une artificialisation, nous faisons l’inverse aujourd’hui là où c’est possible. C’est aussi une démarche d’innovation et un modèle possible à reproduire pour un port d’estuaire en le rendant compatible avec les activités industrielles ».
Préparer l’avenir
L’achèvement du projet d’amélioration des accès maritimes du port de Rouen doit lui permettre de gagner en compétitivité. « Nous espérons une hausse de trafic de 1 Mt pour les céréales, avance Pascal Gabet, soit un total de 8 Mt annuel au lieu de 7 Mt. Il en va de même pour les vracs liquides ». Accueillir des navires plus grands, donc davantage chargés, permet de réduire les coûts à la tonne transportée, un point non négligeable pour les opérateurs.
Surtout, la fin des travaux ne signifie pas la fin des projets ni des investissements pour Rouen. L’un des projets envisagés porte sur l’utilisation des friches industrielles portuaires en recréant de nouveaux terminaux ou en imaginant de nouveaux usages portuaires. Cela suppose d’abord une dépollution des terrains avant toute nouvelle construction. Sont concernées une partie de l’ancienne raffinerie Pétroplus ou la zone des Torchères. Ces friches pourraient aussi servir pour produire de l’énergie alternative, par exemple photovoltaïque à terre, afin de couvrir un pourcentage des besoins des entreprises de la zone industrialo-portuaire.
Un autre projet concerne l’ancienne darse des Docks à Rouen dans un contexte où le linéaire de quai peut arriver à manquer dans un horizon de 5 à 10 ans. L’idée est de combler cette ancienne darse, ce qui permet de récupérer 20 ha de terre-pleins, mais là-aussi des opérations de dépollution sont nécessaires au préalable. Le coût envisagé pour ce projet atteint 40 à 50 M€.
« Nous entrons maintenant dans une nouvelle période pour préparer l’avenir des dix prochaines années, conclut Pascal Gabet, avec des projets certes de moindre ampleur sur le plan financier que le dragage, mais toujours pour accompagner le développement de l’attractivité et de la compétitivité de Rouen ».