Le ministère allemand de l’Economie prévoit d’investir neuf milliards d’euros dans le développement de la filière hydrogène, avec comme ambition de devenir « fournisseur et producteur numéro 1 » au niveau mondial. Deux enveloppes -l’une de sept milliards au niveau national et l’autre de deux milliards pour le développement de partenariats internationaux- sont prévues. La somme s’ajoute aux 700 millions déjà débloqués par le passé. Elle est l’un des éléments du plan de relance présenté début juin 2020 par le gouvernement pour relancer l’économie après la crise sanitaire. Les poids lourds sont visés au premier plan. Dans le domaine de la navigation fluviale, on compte quelques rares projets.
Berlin entend mettre sur pied d’ici 2030 des capacités de production de 5 gigawatt de courant à partir de l’électrolyse, dont 20 % d’hydrogène « vert » ou « bleu », tous deux neutres en termes de CO2. La capacité de production doit atteindre 10 gigawatt avant 2040. L’hydrogène « vert » est produit à partir des énergies renouvelables, l’hydrogène « bleu » est produit à partir de gaz naturel. On parle d’hydrogène « gris » lorsque les émissions de CO2 résultant de la production d’hydrogène bleu ne sont pas récupérées et enfouies.
Contribuer à la préservation du climat
« Pour des raisons de compétitivité, et surtout pour atteindre nos objectifs climatiques », l’Allemagne veut devenir numéro 1, a déclaré le ministre de l’Economie Peter Altmaier. Dans un document publié début février, son ministère précisait dans un document de 21 pages : « Il s’agit de consolider l’avance prise par les entreprises allemandes en matière d’hydrogène, de créer de nouvelles chaînes de valeur pour l’économie allemande et de contribuer à la préservation du climat ». Cinq champs d’action étaient alors définis, de la production au stockage en passant par la mise en place d’un réseau de distribution sur l’ensemble du territoire.
L’hydrogène est perçu comme stratégique pour les secteurs de l’industrie particulièrement consommateurs en énergie comme la sidérurgie, la chimie ou les cimenteries ainsi que pour les transports. Berlin veut à tout prix éviter de répéter les erreurs commises au début du siècle dans le domaine du solaire. L’Allemagne, qui avait pris une longueur d’avance en la matière, avait dû abandonner la production de panneaux solaires à la Chine, suite à une politique de subvention du secteur inadaptée.
Le plan hydrogène n’évoque qu’en quelques lignes la navigation intérieure. Mais des projets existent (voir l'article). Un autre regroupe le producteur d’électricité Eon, le port de Rotterdam et les deux ports allemands de DeltaPort sur le Rhin à Voerde et Wesel. L’objectif est de développer à Wesel une installation produisant de l’hydrogène, qui permettrait aux navires - marchandises comme passagers- de faire le plein. La structure devrait même permettre à des locomotives ou à des camions de changer leurs batteries ou de faire le plein. Le site de Wesel présente, selon Eon, des conditions idéales, du fait de la présence d’une usine de fabrication d’aluminium qui permettrait d’utiliser la chaleur pour produire l’hydrogène. Le concept doit être applicable à d’autres ports européens.
Manque d’infrastructures dans les ports
En début d’année, plusieurs professionnels de la navigation fluviale réunis à Lüneburg avaient déploré le manque de soutien apporté par le gouvernement aux nouvelles technologies dans la navigation fluviale. Andreas Keil du transporteur Rüdebusch de Braunschweig demandait notamment : « Le gouvernement doit offrir à la navigation fluviale les mêmes avantages pour développer l’hydrogène que ceux dont bénéficient les poids lourds. A l’heure actuelle, il manque dans les ports les infrastructures qui permettraient de faire le plein » en énergie propre. Equiper un bateau d’un moteur à hydrogène n’est pour l’heure pas rentable, ajoutait Peter Nibbe, de l’entreprise de conseil du même nom, évoquant le coût très élevé de la technique aujourd’hui. Le plan hydrogène du gouvernement a notamment pour but de faire baisser ces coûts.
Quelques jours après les annonces de l’Allemagne sur l’hydrogène, ce pays faisait partie avec 5 autres Etats-membres d’une demande auprès de la Commission européenne pour « l’établissement d’une feuille de route pour le développement de l’hydrogène ».
En plus de l’Allemagne, cet appel rassemble cinq Etats-membres de l’UE, les Pays-Bas, l’Autriche, la France, la Belgique, le Luxembourg, plus la Suisse. Ces pays souhaitent ainsi afficher leur soutien à cette énergie, jugée respectueuse de l’environnement dans certaines conditions de production, selon la déclaration publiée le 14 juin 2020 en amont d’une visio-conférence des ministres de l’Énergie de l’UE. Ils demandent à la Commission européenne une feuille de route avec des objectifs pour 2030 et au-delà.
Durant leur réunion du 14 juin 2020, les ministres de l’Énergie ont mis en avant que les technologies comme l’hydrogène issu d’énergies renouvelables et les réseaux électriques intelligents sont « de grande importance pour la création d’emplois en Europe, la compétitivité et la dé-carbonation », indique un communiqué.
La Commission européenne prévoit de présenter une stratégie sur l’hydrogène le 8 juillet 2020. Selon la commissaire à l’Energie, il s’agit de favoriser le développement d’hydrogène vert à terme : « Nous nous concentrerons bien sûr sur l’hydrogène produit à partir d’électricité renouvelable, mais dans la phase de transition, il peut aussi y avoir un rôle pour d’autres formes d’hydrogène à faible teneur en carbone, pour créer l’offre nécessaire à mesure que nous augmentons l’hydrogène vert ».