En 2007, lorsque Emmanuel Barat a repris AS Energy, la société employait six personnes et exploitait deux bateaux avitailleurs, à Paris et à Conflans-Sainte-Honorine, et une station fixe à Amfreville-la-Mi-Voie. Aujourd’hui, l’effectif atteint 28 personnes et son activité a pris une envergure nationale, voire européenne avec des livraisons aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne, en partenariat avec des entreprises locales. Des avitailleurs ont été déployés sur les principaux bassins de navigation : Lyon, Strasbourg, Rouen, Conflans, Gennevilliers et Paris. La capitale en compte d’ailleurs deux, l’un livrant du gazole et l’autre du GTL (gas to liquid). Les livraisons par avitailleurs s’échelonnent de 3 000 à 60 000 litres, avec une livraison moyenne d’environ 7 000 litres. AS Energy livre chaque année 25 000 à 30 000 m³ de gazole aux bateaux fluviaux. Soit 30 à 40 % d’un marché total de l’avitaillement fluvial français estimé à 80 000 m³, et qui s’accroît avec le développement des croisières fluviales. Quelques avitaillements sont réalisés par camion sur la Loire ou la Garonne, où les volumes distribués sont trop faibles pour un bateau avitailleur. Mais la stratégie globale d’AS Energy est simple : privilégier l’utilisation du bateau avitailleur. Des stations fixes existent aussi, où divers exploitants proposent du carburant aux bateaux : sur le Rhône, à Givors et à Arles, sur l’Oise à Compiègne et sur la Haute-Seine. « Ensemble, elles fournissent chaque année 20 000 t de carburant. Sur les 25 000 t restant, la moitié est fournie aux bateaux par camion, l’autre en avitaillement transfrontalier pour les bateaux naviguant dans le Nord de la France », estime Emmanuel Barat, président d’AS Energy. L’avitaillement par camion est toléré par la réglementation lorsque l’utilisation du bateau n’est pas possible. Les camions ne sont pas soumis à la réglementation fluviale ADN sur les matières dangereuses, mais à la réglementation routière. Ils ne sont pas équipés de sonde anti-débordement et émettent trois fois plus de CO2 à la tonne-kilomètre que le bateau avitailleur.
Une situation paradoxale
Favorable à l’avitailleur, AS Energy a pourtant recours au camion pour se fournir en carburant. Ce n’est pas le cas à Strasbourg et Rouen, où les avitailleurs chargent directement aux dépôts pétroliers. Mais pour la région parisienne, c’est par camion que le carburant parvient jusqu’aux avitailleurs fluviaux d’AS Energy, depuis les dépôts pétroliers de Gennevilliers, Nanterre et Mitry-Mory. Ces trois points d’avitaillement sont équipés de sondes antidébordement, de dispositif pour éviter le pincement du tuyau entre le quai et le bateau, et de prises de terre pour prévenir les arcs électriques. Pour mettre fin à cette situation paradoxale, AS Energy a engagé des discussions avec un dépôt pétrolier, pour que les avitailleurs de région parisienne s’y approvisionnent directement. Quant au GTL, produit par Shell au Qatar, il transite par Rotterdam, puis est acheminé par barge jusqu’à Strasbourg. Mais c’est par camion qu’il provient de Rotterdam jusqu’en région parisienne, où il n’est pas suffisamment demandé pour justifier un dépôt. En un an, AS Energy en a livré seulement 2 000 m³ sur Paris, avec une demande en berne suite à l’arrêt de navigation des bateaux à passagers pour cause de Covid-19. Les choses pourraient cependant évoluer si la demande augmente. L’objectif d’AS Energy, dans les trois ans à venir, est d’approvisionner en GTL 800 bateaux sur les 1 000 unités fluviales naviguant en France. Un dépôt de GTL devrait être ouvert par Shell à Rouen dans le courant de l’été 2020, ce qui pousse AS Energy à envisager d’utiliser aussi un avitailleur pour les livraisons de GTL en basse Seine. L’idéal, pour l’entreprise, serait la constitution, à bord d’un ponton flottant en région parisienne, d’un stock tampon de 600 à 800 m³, ce qui représente 1,5 à 2 mois d’activité.