Objectif : se baigner dans la Seine en 2024
Avec 1,2 mètre cube par jour et par habitant, le débit de la Seine à l’étiage est bien inférieur à celui des fleuves traversant les autres grandes villes françaises ou européennes, a rappelé la directrice de l’Agence de l’eau Seine-Normandie, Patricia Blanc. « Le changement climatique, avec une réduction de débit de 10 à 30 %, va encore concentrer les pollutions », souligne-t-elle. Pourtant, la qualité des eaux s’améliore de façon constante, et le nombre de jour où l’on pourrait se baigner sans danger sanitaire augmente. Sur la Marne et la Seine, 1,2 milliard d’euros vont être investis pour parvenir à une eau de qualité baignade. Ces dépenses, pour 80 % d’entre elles, devaient de toute façon être effectuées pour atteindre une bonne qualité de l’eau au sens de la réglementation européenne, rappelle Patricia Blanc, qui se dit « confiante pour parvenir à se baigner dans la Seine en 2024 », sans émettre toutefois de pronostic pour le jour J, celui des épreuves olympiques.
Il suffit en effet d’un orage pour que les stations d’épuration des eaux usées débordent dans la Seine, apportant une pollution certes occasionnelle mais bien présente. Les investissements majeurs concernent donc le stockage des eaux de pluie et la rénovation des stations d’épuration en amont de Paris. Haropa – ports de Paris est aussi impliqué dans l’amélioration de la qualité de l’eau de la Seine, en particulier avec un programme de raccordement à l’égout des eaux usées des bateaux-logement. Un programme d’investissement de 15 millions d’euros a été lancé sur une vingtaine de ports de Paris et de la proche banlieue.
La navigation fluviale concernée
« Les Jeux olympiques sont l’occasion de parfaire la redécouverte de l’importance de la Seine pour l’Île-de-France », selon le préfet François Philizot, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, qui souligne, « au-delà de la beauté des quais et de leur fréquentation par les touristes, l’ignorance collective de ce qu’est le fleuve, avec lequel la fin du contact physique avait été entérinée il y a des décennies par l’interdiction de la baignade. En 2024, la Seine sera au cœur des Jeux olympiques avec les épreuves de natation, tandis que la construction du village olympique à Saint-Ouen, Saint-Denis et l’île Saint-Denis conduit à donner une plus grande place au transport fluvial. »
La construction du village olympique, qui doit comporter 2 200 logements, 100 000 mètres carrés de bureaux ainsi que de nombreux équipements publics, va faire l’objet d’une convention entre l’organisation des Jeux olympiques et Voies navigables de France pour qu’une logistique fluviale soit utilisée pour les chantiers. Ce village olympique interdira, pendant la durée des Jeux, la navigation dans le grand bras de l’île Saint-Denis. Le petit bras, côté Villeneuve-la Garenne et Gennevilliers, doit au préalable être rouvert à la navigation. Il fera pour cela l’objet de dragage, mais la navigation y sera limitée à 135 mètres : les paquebots fluviaux pourront l’emprunter, mais non les convois de 180 mètres.
« La fermeture du bras principal va pénaliser le trafic de céréales à l’époque la plus importante de l’année, celle où les silos se vident en prévision de la moisson », s’inquiète Frédéric Avierinos au nom des Entreprises fluviales de France, association qui représente la profession fluviale depuis le 1er novembre 2019. Autre source d’inquiétude pour les transporteurs fluviaux : l’organisation des épreuves en Seine, au pied de la tour Eiffel, où sont implantés les pontons d’embarquement de passagers des deux principaux armements parisiens, qui réalisent plus de la moitié de l’activité de bateaux-promenade dans la capitale. L’existence d’une solution de repli pour ces compagnies, qui pourraient aussi être mises à contribution pour le transport des spectateurs des Jeux olympiques, n’est pas confirmée ; l’utilisation de leurs pontons pour l’organisation des épreuves, qui avait été envisagé, ne l’est pas non plus.
Les professionnels du fluvial s’inquiètent aussi pour la sécurité sur les berges. « Les fêtes et la circulation du public sur les quais poseront un problème de filtrage des accès et de sécurité, donc de coût » selon Frédéric Avierinos, qui voit dans l’organisation des Jeux olympiques à proximité de la Seine de grands avantages, mais aussi un risque. Avant même le début des épreuves, la seule construction du village olympique devrait produire 500 000 tonnes de déblais en 46 mois, opération pour laquelle le recours au transport fluvial devrait permettre d’économiser 7 000 tonnes de carbone, selon Solideo, la société de livraison des ouvrages olympiques. Ce qui fait dire à Frédéric Avierinos : « L’organisation des Jeux olympiques est une bonne nouvelle pour l’activité fluviale, sans aucun doute, puisqu’ils vont probablement précipiter les projets de logistique fluviale urbaine ; mais une inquiétude demeure pour la période des épreuves olympiques ».