« Je découvre le travail avec des artisans-bateliers et j’en suis très satisfait, a témoigné Michel Gizthofer. Ils travaillent tous les jours, week-end compris, ils sont très disponibles. De notre côté, nous sommes organisés pour décharger les bateaux sans les faire attendre. Je sais que les 36 bateaux accueillis depuis 2019 m’ont évité la gestion de plus de 3 000 poids lourds. C’est un avantage ».
Trouver les bons partenaires
Recyco, filiale basée à Isbergues dans le Pas-de-Calais du groupe Aperam, a présenté son expérimentation du transport fluvial pour un produit de type ferro-alliages. Cette expérimentation a été soutenue par Voies navigables de France (VNF) dans le cadre du Plan d’aide au report modal (Parm).
« Recyco est une filiale du groupe Aperam, lui-même filiale du groupe Arcelor, et nous avons pour mission de récupérer et recycler les déchets industriels pour obtenir un produit réutilisable, souvent du chrome ou du nickel », a précisé la responsable de la société. Les industriels sont de plus en plus concernés par des obligations de valorisation et de recyclage et doivent aussi faire face à des coûts de mise en décharge qui s’élèvent.
« Nous avons testé le fluvial cette année car nous avons produit davantage de matière, donc récupéré davantage de déchets à valoriser et avons davantage de co-produits à transporter. Nous avons aussi choisi la voie d’eau pour sensibiliser le groupe Aperam à une démarche environnementale et pour réduire nos émissions », a poursuivi la responsable de Recyco. Pour celle-ci, la première difficulté a été de trouver les bons partenaires et les bonnes solutions en fonction du produit dont la densité est très élevée, donc très lourd, mais aussi dur et tranchant, sans forme prédéfinie. Cela signifie que ce produit peut endommager les bateaux, les grappins, etc. Il est complexe à charger/décharger. Il produit aussi du bruit et de la poussière. L’un des défis a été de réduire ces nuisances lors de la livraison du produit au groupe Aperam à Chatelet, situé à 200 km de Recyco.
C’est STDN qui a accompagné Recyco. « Le produit est dense et lourd, le flux régulier, pas de contrainte forte de temps, tout se prête bien au fluvial, a expliqué Rachid Yassa. Nous avons levé les contraintes techniques avec l’aide de VNF dans le cadre du Parm ». Un pré-acheminement routier avec benne a été réalisé jusqu’au quai où le produit est mis en dépôt dans un espace de stockage dédié. Le quai est déjà adapté à ce type de produit car utilisé par un autre chargeur.
« De mai à novembre 2019, nous avons déjà transporté 3 300 tonnes par le fluvial entre Recyco et Aperam, a indiqué Rachid Yassa. La prochaine étape pourrait être de parvenir à combiner ce flux aller avec un flux retour qui se fait pour le moment par la route ».
Pour la responsable de Recyco, il s’agit d’un premier pas et d’autres pourraient être franchi en 2021 : « Opter pour le fluvial complique un peu les choses. Et la solution fluviale apparaît légèrement plus chère que la route. Mais nous avons aussi des objectifs environnementaux à atteindre d’ici 2030 et pour cela, il va falloir s’engager dans une démarche d’évolution de notre logistique ».
Une question de conviction au-delà du coût
« La voie d’eau chez nous, c’est culturelle. Nous donnons systématiquement la priorité à une chaîne logistique fluviale dans tous nos projets », a déclaré Dimitri Descamps, d’Envisan, filiale du groupe Jan De Nul, leader mondial du dragage maritime. Envisan est spécialisée dans les travaux environnementaux comme la dépollution des sols et des eaux souterraines, le dragage et la gestion à terre des sédiments contaminés, ainsi que le traitement et la valorisation des déchets industriels spéciaux.
« Quand nous voyons que les évacuations de produits vont traverser une ville, même si le transport par la route est moins chère, nous intégrons une solution par la voie d’eau. Nous veillons à trouver le quai le plus proche pour réduire les trajets des poids lourds à la distance la plus courte. Cela peut-être un peu plus cher mais nous avons une garantie de fiabilité et de sécurité par la voie d’eau que n’a pas la route », a souligné Dimitri Descamps.
Ce responsable d’Envisan craint toutefois une chose : « Il y a une pression de plus en plus forte sur les quais situés en centre-ville pour les récupérer pour des projets immobiliers. Nous en appelons à la vigilance des pouvoirs publics pour maintenir l’usage logistique de ces quais ».
Le 27 novembre 2019 à Liège, dans le cadre de Riverdating, Christian Andrieux, délégué logistique de l’unité logistique et maintenance d’EDF, et Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France (VNF), ont signé un partenariat visant à développer la présence du premier dans le transport par voie d’eau, notamment pour l’acheminement de colis exceptionnels, soit des pièces lourdes, indivisibles et de grandes dimensions, à destination ou en provenance des sites de production, de maintenance ou de distribution d’électricité.
Avec ce partenariat, EDF s’engage à étudier systématiquement une solution fluviale et/ou fluvio-maritime pour l’ensemble de ses transports. Il s’agit notamment pour EDF de tout faire pour lever les freins à l’utilisation de la voie d’eau pour le transport de ses convois lourds et favoriser les possibilités multimodales de transports notamment pour les sites éloignés du bord à voie d’eau. EDF va aussi chercher à développer des méthodes de chargement innovantes pour améliorer la compétitivité du fluvial comme solution logistique.
De son côté, VNF accompagne EDF grâce à des outils d’aide à la décision comme un éco-calculateur pour évaluer les économies en carburant et coûts externes, des cartes de navigation, une application pour identifier les solutions portuaires, un outil de suivi des bateaux en temps réel, la mise en relation avec des acteurs du transport exceptionnel. VNF met également à disposition ses dispositifs de financement, que ce soit pour le développement d’installations portuaires (plan d’aide au report modal, Parm), ou l’adaptation des bateaux (plan d’aide à la modernisation et à l’innovation).
En 2019, EDF a réalisé environ 3 700 transports routiers conventionnels et 380 transports dits « exceptionnels ». Mi-novembre 2019, au moyen d’une barge, EDF a réalisé l’expédition d’un rotor d’alternateur de 220 tonnes de son site de stockage de Saint-Leu d’Esserent (Oise) vers la Belgique ou encore le déchargement de 4 transformateurs de puissance, de 336 tonnes au total, toujours sur le site de Saint-Leu d’Esserent. Le transport fluvial de colis exceptionnels en 2018 a représenté 708 000 tonnes de marchandises transportées et 183 millions de tkm, pour environ 700 voyages.