La parole aux chargeurs avec « deux cas polaires »

L’association Travail et Culture avec l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar) et Voies navigables de France (VNF) a organisé à Valenciennes le 30 novembre 2018 un premier « rendez-vous du fluvial » dans le cadre de son projet « le fluvial en devenir ». Pour ce premier rendez-vous, la parole était donnée aux chargeurs. Les échanges ont été précédés d’un spectacle de danse verticale.

Les « rendez-vous du fluvial » de l’association Travail et Culture avec l’Ifsttar et VNF ont pour ambition de comprendre les mutations des métiers de la voie d’eau, d’éclairer les stratégies, de donner la parole aux acteurs de la chaîne logistique, pour aider à développer le transport fluvial. Le 30 novembre 2018, dans les locaux de l’UTI de VNF à Valenciennes, la parole était donnée aux chargeurs en mettant en place un débat autour de 2 cas polaires : une entreprise qui utilise la voie d’eau et une autre qui l’envisage.

« Notre objectif est d’accompagner, de contribuer à la réflexion sur le report modal et l’utilisation des modes alternatifs, a expliqué en introduction des échanges Corinne Blanquart, directrice du département Aménagement, mobilité, environnement de l’Ifsttar. Sur le papier, tout est là : le réseau, les plates-formes, les flux possibles. Le contexte est là aussi : saturation routière, transition énergétique, écologique, défi climatique. Mais la réalité montre que cela ne marche pas comme cela. Pour transporter les marchandises d’un point A à un point B, il y a aussi des habitudes et des représentations ».

Le groupe Carré collecte 750000 t de céréales dans les Hauts-de-France et les Ardennes et les expédie vers la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne. La collecte et l’export de céréales passent par la voie d’eau pour 80 à 85% du total. Le transport routier de marchandises représente une part de 15% car il y a notamment des endroits où il n’y a pas de voie d’eau pour réaliser la collecte. Dans ces cas-là, la voie d’eau n’est pas économiquement justifiée.

 « L’utilisation du transport fluvial dans la filière céréales est historique grâce à des silos et usines largement implantés au bord de la voie d’eau. Le transport fluvial est économique rentable : de Valenciennes à Dunkerque, un transport par route revient entre 8 et 10 € la tonne, le fluvial à 4€ », a expliqué Julien Lenoir du groupe Carré. Une péniche de 1000t permet une massification des flux, une simplicité de la planification logistique un mois à l’avance pour l’approvisionnement ».

Premier pas : être connecté voie d’eau

Le groupe Suez reçoit 400000 t de flux de déchets pour valorisation dans son site de Lourches. Ces déchets proviennent de la région parisienne. Depuis septembre 2018, environ 50000 t de mâchefers arrivent par péniche depuis cette même région mais cela nécessite une rupture de charge et un post-acheminement final par camion car le site n’est pas installé au bord de la voie d’eau. Au total, il y a 450 à 600 poids lourds entrant par jour sur le site. Le transport fluvial représente 3% des flux. Ceux sortant atteignent 250000 t qui pourraient eux aussi emprunter la voie d’eau.

« Nous souhaitons développer le transport fluvial, a précisé Jérôme Lamulle du groupe Suez Lourches, pour améliorer notre image, diminuer notre bilan carbone, favoriser une économie circulaire, augmenter la sécurité, le critère économique vient après ». Suez travaille avec différents partenaires, clients et collectivités, pour trouver une solution alternative dont le premier pas pourrait être d’être directement connecté à la voie d’eau en aménageant le bord à canal pour éviter les ruptures de charge. L’objectif est de porter le pourcentage des flux par le fluvial entre 10 et 15%.

Des contraintes et des freins

En réponse à une question de la salle, Julien Lenoir a précisé : « Le groupe Carré travaille à flux tendus et la planification mensuelle possible grâce au transport fluvial permet justement de travailler à flux tendus car l’arrivé des péniches est certaine et régulière sur un mois à l’avance. Nous stockons les céréales dans nos silos. Nous travaillons avec une majorité de bateliers belges ou néerlandais. Les grèves sont très rares dans le transport fluvial. Il est aussi possible d’utiliser les péniches pour du stockage flottant ».

Les flux de déchets à valoriser de Suez sont eux aussi prévus très longtemps à l’avance, car ils sont soumis à une autorisation de la Dreal. La collecte de déchets par le transport fluvial n’est pas opportune, selon Jérôme Lamulle, mais pour le transport aval, la voie d’eau a du sens.

Parmi les contraintes imposées par le transport fluvial Julien Lenoir a signalé le manque de cale disponible, le manque d’attractivité du métier de batelier, le phénomène de sécheresse sur le Rhin et des basses eaux qui sont synonymes de surcharges. Le manque de cale a entraîné une envolée des taux de fret en 2017. Il faut y ajouter une envolée des prix des redevances sur certains quais publics et des frais de chargement/déchargement. Julien Lenoir a ajouté que la majorité du trafic voie d’eau du groupe Carré circulait sur le réseau à grand gabarit. « Il existe un important réseau à petit gabarit mais il est mal entretenu et on ne trouve quasiment plus de cale adaptée ».

Depuis la salle, Didier Carpentier, batelier, a alerté : « Plusieurs freins expliquent la difficulté de développer le transport fluvial en France. Il y a notamment l’absence d’infrastructures suffisantes au bord de la voie d’eau ainsi qu’un réseau capillaire sous exploité. La taille des bateaux n’est pas adaptée à la quantité à transporter. Il y a un manque de promotion et d’attractivité du métier de batelier. Les capacités techniques pour l’entretien des bateaux, il faut aller chercher ce savoir-faire ailleurs qu’en France. Il y a aussi les réglementations comme celle liée à la directive EMNR ».

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Les échanges du « rendez-vous du fluvial » dans les locaux de l’UTI de VNF à Valenciennes le 30 novembre 2018 ont été précédés d’un spectacle de danse verticale « Au fil et au rythme de l’eau » de Hartmut Reichel (voir diaporama). Le rendez-vous a aussi compris une diffusion d’œuvres artistiques issues du projet « le fluvial de devenir ». Ces œuvres sont : une exposition de photographies « Paysage de travail dans la vallée de l’Escaut » de François Bodart, le poème « Eclusiers et mariniers » de Jacques Jouet.

L’association culturelle d’éducation populaire TEC/CRIAC Travail et Culture fonde en effet son action sur la conviction que « toute personne est détentrice et productrice de culture et que le travail est porteur de culture ». « Le fluvial en devenir » est un projet culturel, artistique et de recherche dont l'objectif est de mener une réflexion sur les identités de travail, les métiers à l'œuvre et leurs évolutions autour des voies d'eau.

Au total, 3 rendez-vous du fluvial sont prévus pour l’année 2019, soit tous les trimestres sauf celui des mois d’été. Le format identique sera identique au rendez-vous de Valenciennes soit une création artistique autour du travail et un échange thématisé, a précisé Sukran Akinci, chef de projet Travail et Culture. Et à chaque fois, le tout aura lieu dans un lieu de travail.

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