La fin du surcoût de la manutention fluviale : une priorité pour Sogestran

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Sogestran porte un projet de construction d’automoteurs à hydrogène pour le transport de conteneurs sur le Rhône. Pour concrétiser ce projet de verdissement de sa flotte, le groupe a besoin de visibilité sur les volumes transportés et cela passe par la fin du surcoût de la manutention pour le fluvial à Marseille. Une demande dont la concrétisation nécessite une intervention de l’Etat, comme celui-ci l’a fait à Dunkerque, les échanges entre toutes les parties prenantes n’aboutissant à rien depuis des années. « Le groupe Sogestran a un projet ambitieux de verdir sa flotte et cela passerait, en particulier sur le Rhône, par la construction d’automoteurs fonctionnant à l’hydrogène pour le transport de conteneurs. C’est novateur. Cela permettrait de communiquer positivement et favorablement sur le transport fluvial. Le grand port maritime de Marseille pourrait mettre en avant l’utilisation de modes plus propres et plus vertueux pour l’environnement. Les politiques disposeraient d’arguments pour montrer que des actions sont mises en œuvre dans le cadre des ZFE et de la lutte contre le changement climatique ainsi que pour lutter contre la congestion routière dans la vallée du Rhône », expliquent Benoît Mugnier, directeur métier multimodal et logistique urbaine, et Steve Labeylie, responsable des relations institutionnelles, du groupe Sogestran. Construire des bateaux dotés d’une motorisation à l’hydrogène, donc innovante, représente un coût très élevé pour ce groupe, entre 15 et 20 millions d’euros d’investissement, pour au moins 15 années d’exploitation des nouvelles unités. « Pour engager le projet, nous avons besoin de visibilité sur les activités conteneurs sur le bassin Rhône-Saône-Méditerranée. Cela passe par l’amélioration de la manutention fluviale qui ne nous permet pas, aujourd’hui, de jouer à armes égales avec le transport routier de marchandises ni avec le rail. Aucun coût de manutention portuaire n’est facturé à ces deux modes alors qu’il y en a pour le fluvial. Il faut résoudre l’écart entre les modes pour pérenniser les activités conteneurs et lancer nos investissements », continue le groupe Sogestran. Pour chaque conteneur fluvial, le reste à charge est de 35 euros par rapport à la route et de 50 euros par rapport au ferroviaire. Le surcoût appliqué induit une distorsion de concurrence au désavantage du mode fluvial.

Tirer le fluvial vers le haut

« Nous demandons que le coût de la manutention fluviale soit pris en charge par les armateurs qui ensuite peuvent négocier avec les manutentionnaires. Nous ne nions pas l’existence d’un coût de traitement des bateaux fluviaux pour les manutentionnaires. Mais quel est le juste prix ? Nous ne le savons pas. Nous ne sommes pas non plus en mesure de négocier avec les manutentionnaires comme peuvent le faire les armateurs », explique le groupe Sogestran (voir encadré).

La fin du surcoût de la manutention fluviale à Marseille permettra à ce groupe de lancer ses projets d’investissement pour verdir sa flotte mais aussi de tirer l’ensemble du mode fluvial vers le haut. « Pour investir, il faut atteindre une taille critique du volume transporté de conteneurs sur le Rhône. Nous alertons de longue date sur ce frein au développement au transport de conteneurs fluviaux et les chiffres de trafic nous donnent raison année après année. Les résultats ne progressent pas et sont susceptibles de remettre en cause l’existence même de tous les services fluviaux conteneurisés des différents opérateurs actuellement présents sur le fleuve ».

Pour les conteneurs sur l’axe Rhône-Saône-Méditerranée, 2020 va être particulièrement mauvaise, aux alentours de 65 000 EVP, soit une baisse de -40 % par rapport à 2019 et ses 84 335 EVP (+8,6 % comparativement à 2018) mais bien loin des 103 300 EVP enregistré en 2015 et qui peut constituer une référence récente, sachant que cette année-là, 216 500 EVP avait été transportés sur le bassin de la Seine, soit plus double.

Le volume cible de conteneurs transportés, en se fondant sur la tendance positive enregistrée entre 2013 et 2015 sur le Rhône, pourrait être de 200 000 EVP en 2025 en supprimant le surcoût de la manutention fluviale et sans aucun investissement public. Le bassin Rhône-Saône peut en effet accueillir jusqu’à 3 à 4 fois plus de trafic avec les infrastructures existantes, offrant également une alternative écologique aux poids lourds, dans un contexte de congestion.

Une évolution « sans trop tarder »

A propos de délai pour voir une avancée sur sa demande de fin du surcoût pour la manutention fluviale, le groupe Sogestran indique : « Il ne faut pas trop tarder. Nous souhaitons voir évoluer positivement la situation dans les mois qui viennent. Le projet que nous portons, nous allons devoir rapidement nous positionner clairement pour avancer, notamment car nous allons solliciter un financement auprès de l’Union européenne et cela prend du temps. Nous alertons aussi depuis longtemps. Plus globalement, il manque une vision stratégique de l’Etat pour planifier et organiser les modes de transport, pour déterminer la pertinence de chacun d’entre eux. Notre demande s’inscrit dans plusieurs tendances de fond : la convention citoyenne pour le climat a mis en avant les modes alternatifs, la France a des ambitions autour de l’hydrogène ».

Le surcoût de la manutention fluviale, une autre exception française, sauf à Dunkerque

La demande pour mettre fin au surcoût de la manutention fluviale dans les grands ports maritimes français constitue un serpent de mer depuis des années. Seul le GPM de Dunkerque a sauté le pas en 2016 sous l’impulsion du ministre des Transports de l’époque. Depuis, ce port a enregistré une augmentation sans précédent des volumes transportés par le fluvial mais aussi par le ferroviaire. Entre 2014 et 2019, la progression est de +60 % en volume pour les conteneurs fluviaux sur le bassin du Nord, un nombre à comparer au +8 % sur la Seine et aux -11 % sur Rhône-Saône-Méditerranée.

Si les demandes répétées n’aboutissent pas alors que des échanges ont lieu depuis des années entre les parties prenantes sur l’axe Rhône-Saône-Méditerranée, cela signifie sans doute qu’à Marseille, les pouvoirs publics doivent s’impliquer comme ils l’ont fait en 2015 dans le Nord de la France.

Concrètement, pris séparément en tête à tête, chaque acteur de la chaîne logistique reconnaît qu’il faut trouver une solution au surcoût de la manutention fluviale. Mais quand tous sont rassemblés, aucune entente n’est trouvée… Pourquoi ? Il n’est pas possible pour une autorité portuaire d’imposer une solution à toutes les parties prenantes. L’Etat ne joue pas son rôle pour imposer une solution à une situation qui ne respecte pas les règles d’une saine concurrence entre les modes. Il se réfugie derrière l’affirmation selon laquelle il appartient aux acteurs économiques privés de s’entendre mais encore faut-il que chacun de ceux-ci aient les capacités pour négocier de manière juste et équilibrée entre eux. Comment les acteurs du fluvial français peuvent-ils négocier sur un pied d’égalité face à des armateurs et manutentionnaires qui sont, eux, des groupes internationaux ?

Il faut, enfin, rappeler que ce surcoût appliqué la manutention fluviale dans les ports français n’existe pas ailleurs en Europe. Les ports d’Europe du Nord et du Sud n’ont jamais mis en place un tel système. Une autre exception française.

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