Fuel lourd et fumées toxiques
L’usage du fuel lourd à haute teneur en soufre comme carburant, même quand ils sont à quai, explique dans une large mesure le très mauvais score des navires de croisière. « Les navires de croisière de luxe sont des villes flottantes propulsées par certains des carburants les plus sales possibles. Les villes interdisent, à juste titre, leur accès aux véhicules diesel polluants, mais elles donnent le feu vert à des compagnies qui rejettent des fumées toxiques qui provoquent un tort incommensurable aux personnes à bord et à terre. C’est inacceptable », affirme haut et fort Faig Abbasov, le responsable « maritime » de T&E.
Même après l’entrée en vigueur de la nouvelle norme mondiale de 0,5 % d’émissions pour les navires, le transport maritime continuera à émettre beaucoup plus de soufre que toutes les voitures réunies, ajoute T&E. Le soufre n’est pas seul en cause. Les navires de croisière seraient en outre responsables d’émissions d’oxyde d’azote (NOx) correspondant à 15 % du volume de ce gaz émis par le parc automobile européen. Dans des pays moins peuplés comme la Norvège, le Danemark, la Grèce, la Croatie ou Malte, « une poignée de navires génèrent plus de NOx que la majorité des voitures ».
Pour une norme zéro émissions
T&E plaide pour l’instauration d’une norme zéro émissions dans les ports pour les navires de croisière, qui pourrait être étendue à d’autres types de navire. L’organisation est évidemment également partisane d’une extension à tout le littoral européen des zones SECA où prévalent des normes strictes en matière de pollution atmosphérique. Enfin, elle réclame une réglementation en matière d’émissions de NOx par les navires.
« Il existe suffisamment de technologies matures pour nettoyer la navigation de croisière, assure Faig Abbasov. Le secteur des croisières n’est apparemment pas disposé à franchir le pas volontairement, donc les gouvernements doivent rendre obligatoires les normes zéro émissions ».
La France n’est pas épargnée
Dans le classement établi par T&E des pays les plus exposés aux émissions de soufre par les navires de croisières, la France se classe en quatrième place, derrière l’Espagne, l’Italie et la Grèce et devant la Norvège.
Toutefois, aucun port français n’apparaît dans le Top 5 des villes d’escales les plus touchées. Barcelone (105 escales équivalant aux émissions de 560 000 voitures), Palma de Majorque, Venise, Civitavecchia et Southampton y occupent les positions – fort peu enviables – de tête.
Le fait que la Méditerranée n’est pas encore une SECA contribue à la forte représentation des ports de ce bassin, même si Marseille, qui se classe huitième, se trouve naturellement dans la même situation que les ports espagnols et italiens cités. Mais être dans une SECA ne suffit pas : au Danemark, les navires de croisière ont émis en 2017 dix-huit fois plus d’oxyde de soufre que les 2,5 millions de voitures que conduisent les Danois. Cela illustre l’efficacité des normes imposées aux carburants routiers, constate T&E.
Cette ONG cite bien Marseille quand il est question de l’oxyde d’azote. Les 57 navires de croisière qui ont fait escale dans la cité phocéenne en 2017, y auraient émis « presqu’autant de NOx qu’un quart des 340 000 voitures circulant dans la ville ». Les émissions de SOx y auraient été « de deux à cinq fois supérieures » à celles des voitures. Dans le tableau de la pollution par SOx, Le Havre arrive en 21e position, Monte-Carlo est 40 e, Cannes 41e, La Seyne-sur-Mer 49 e.