Pour loger les 17 000 athlètes attendus aux Jeux olympiques de Paris 2024, un village olympique va être construit en bord de Seine, sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Île Saint-Denis. Au total, il s’agit de réaliser 278 000 m² d’aménagements urbains sur un site de 47 hectares aux portes de Paris. Pour construire ce village olympique en trois ans, dans une zone déjà concernée par plusieurs chantiers publics majeurs, l’utilisation du transport fluvial s’est imposée. Elle a fait l’objet d’une convention entre l’État et les trois établissements publics concernés : Haropa, Voies navigables de France (VNF) et la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). Signé le 21 janvier 2020 à Issy-les-Moulineaux, le document prévoit une « priorité donnée au transport fluvial pour l’approvisionnement en matériaux de construction et l’évacuation des déblais des chantiers du village olympique et paralympique », afin que les Jeux olympiques soient « un accélérateur de la transition écologique, en limitant au maximum le nombre de camions et en optimisant leur itinéraire ».
Nicolas Ferrand, directeur général de la Solideo, a rappelé au cours de cette signature : « La Seine joue, dans les JO de Paris 2024, un rôle singulier, déterminant : c’est l’axe central des Jeux et elle sera aussi au cœur du village olympique. Se servir de la Seine pour la construction du village est donc apparu évident. Pour des raisons opérationnelles, car le transport fluvial apporte la certitude que les délais seront tenus, dans une zone où la concentration des grands travaux rend la logistique difficile. Et pour une raison écologique : les Jeux doivent anticiper sur l’application de l’Accord de Paris. Il nous faut donc diminuer de 40 % notre empreinte carbone, et le transport fluvial des déblais et matériaux de construction contribue déjà pour 5 points à cet objectif ».
500 000 tonnes de déblais
Pour atteindre ses objectifs de réduction d’empreinte carbone, la Solideo mise aussi sur des méthodes de construction alternatives au tout-béton, et l’utilisation de matériaux bas-carbone. Pour cela, il y a notamment le bois. Ce qui pousse d’ailleurs VNF à accélérer la mise en place d’une filière pour le transport de bois de construction sur la Seine, alors que ce sont traditionnellement les granulats qui sont les matériaux de construction le plus transporté en fluvial (voir p. 18). Les déblais de terrassement seront, autant que possible, réutilisés localement au cours du chantier. Mais 500 000 tonnes de déblais devront néanmoins être évacuées en 48 mois, pour lesquels le transport fluvial devrait aussi être mis à contribution. Le premier bateau circulera dès début 2021, année de démarrage du chantier du village olympique qui devra être livré fin 2023 par la Solideo au Comité d’organisation des Jeux olympiques.
VNF et Haropa apportent leur expertise du transport fluvial. Pour Haropa, il s’agit aussi de mettre à disposition des quais publics, en particulier sur les ports de Saint-Ouen-sur-Seine et de Saint-Denis-l’Étoile, ainsi que de faciliter l’accès aux autres ports franciliens pour les flux liés à la construction du village olympique. La présidente de Haropa-Ports de Paris, Catherine Rivoallon, rappelle les autres engagements du port en faveur des Jeux olympiques, en particulier les investissements importants effectués pour améliorer la qualité de l’eau de la Seine afin que des épreuves de natation s’y déroulent. « Les Jeux olympiques mettent la Seine à l’honneur, et nous saisissons cette occasion pour mettre en avant le transport fluvial et sanctuariser son utilisation pour les grands travaux publics », a-t-elle déclaré, soulignant la comparaison avec le partenariat mis en place avec la Société du Grand Paris pour évacuer par voie fluviale les déblais des tunnels du Grand Paris Express.
Un choix stratégique
VNF aussi voit dans les Jeux olympiques de Paris l’occasion de la consécration du transport fluvial. « Il est important pour VNF qu’un acteur de premier plan comme la Solideo fasse le choix stratégique de la voie d’eau », a déclaré le directeur général de l’établissement public, Thierry Guimbaud, qui a aussi mis en avant la fiabilité et la sobriété énergétique du transport fluvial, ainsi que les réserves de capacité de la Seine en tant qu’infrastructure de transport. VNF, tout comme Haropa, intervient dans les Jeux olympiques à plusieurs titres. L’établissement public est l’un des 29 maîtres d’ouvrage contractualisant avec la Solideo, puisque d’importants travaux sont prévus pour rétablir la navigation sur le petit bras de l’île Saint-Denis, le grand bras étant fermé aux bateaux pendant les Jeux. VNF est aussi un acteur de la qualité de l’eau et doit prévoir, en particulier, des évacuations pour les eaux usées des bateaux-logement du port des Champs-Élysées, comme Haropa le fait pour les autres quais parisiens.
Marquant l’accompagnement et le soutien de l’État à l’engagement des autres partenaires, le préfet d’Île-de-France Michel Cadot veut voir dans les Jeux olympiques un « accélérateur considérable pour une politique durable. Il s’agit de remettre la Seine, et plus globalement la voie fluviale au cœur du développement durable de notre pays ». Michel Cadot a aussi rappelé l’importance des grands chantiers pour le développement du fluvial, et réciproquement. Comme Catherine Rivoallon, il a fait le parallèle avec la convention signée en 2018 avec la Société du Grand Paris pour le transport fluvial de déblais, qui a concerné 1 million de tonnes à ce jour, alors que les travaux sont loin d’être finis.
« Le développement du fluvial, n’est possible que s’il y a une cohérence entre les usages. Les conflits d’usage existent dans Paris, et vont encore croître si on ne coordonne pas les horaires et l’accès aux quais pour faire cohabiter transport de marchandises, transport de passagers, activités sportives, évènements sportifs, etc. », précise Michel Cadot. Et le préfet de rappeler que le Comité des usages fluviaux, mis en place en 2018, travaille à un schéma d’aménagement fluvial qui comprendra notamment un plan d’occupation des berges qui sera établi en cohérence avec les stratégies portuaires.
Photographie (© Etienne Berrier) : Catherine Rivoallon, présidente de Haropa-Ports de Paris, Michel Cadot, préfet d’Île-de-France, Nicolas Ferrand, directeur général de la Solideo, Thierry Guimbaud, directeur général de VNF.