L’innovation était au menu du troisième webinaire des Assises du Port du futur organisé le 19 novembre 2020 par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) après celui du 17 et du 18 novembre.
De nombreux projets innovants ont été présentés aux participants, avec des techniques nouvelles mises au service de la protection de l’environnement et de la transition énergétique. Le plus fluvial d’entre eux concerne l’assainissement de l’eau des bateaux-logements.
Des roseaux pour les bateaux-logements
Alors que la qualité des eaux de la Seine à Paris devient un enjeu crucial, puisque des épreuves de natation des Jeux Olympiques de Paris 2024 doivent se dérouler dans les eaux du fleuve, Aquatiris mise sur la dépollution par les plantes avec une solution… flottante ! « La plupart des 1 200 bateaux-logements d’Île-de-France rejettent leurs eaux usées directement en Seine, constate Benjamin Restif, responsable du développement matériel d’Aquatiris. Les efforts doivent porter en priorité sur les 300 à 400 bateaux situés en amont de Paris. La loi olympique oblige les bateaux stationnés dans Paris intramuros à se raccorder au tout à l’égout, mais beaucoup d’habitants de bateaux-logements s’y refusent : situés en dessous du niveau du réseau, ils craignent un retour des eaux usées à bord de leur bateau ».
La solution proposée par Aquatiris se base sur la filtration de la pollution par les plantes, à bord d’une petite barge amarrée bord à bord avec le bateau-logement. Remplie de granulats, la barge est équipée de tuyaux, pompes et vannes, puis plantée de roseaux qui seront arrosés avec les eaux usées issues du bateau. L’eau, filtrée par les plantes, est ensuite rejetée en Seine. Deux plateformes, desservant trois bateaux, ont été inaugurées à Port-Marly le 25 septembre 2020.
« Nous avons la solution techniques, utilisant des roseaux Phragmites Australis qui poussent naturellement sur les berges de la Seine, souligne Benjamin Restif. Nous pouvons la mettre en œuvre avec le soutien et le financement des collectivités publiques et de l’agence de l’eau. Les barges ainsi végétalisées peuvent encore avoir d’autres usages : stockage du bois, des vélos, ou encore accueil d’un composteur. Le coût est de 15 000 à 25 000 euros, selon la taille du bateau et le volume d’eau à traiter. Nous étudions aussi une solution mobile, qui pourrait être utilisée pour vidanger les cuves des bateaux ».
Mesurer la qualité de l’air au plus près des navires
D’autres projets présentés lors du webinaire concernent davantage les ports maritimes. C’est le cas de celui conduit par Envea, qui s’intéresse à la mesure de la qualité de l’air. Un sujet important pour les villes portuaires, qui voient d’un mauvais œil la pollution apportée par les navires à quai ou en navigation. « Les seules solutions existantes de mesure de la qualité de l’air sont situées sur les quais ; or il est important de vérifier la qualité de l’air aussi dans les chenaux d’accès maritimes », estime Jérôme Louat, responsable d’Envea pour l’Asie, où ses solutions de surveillance de la qualité de l’air ont été récemment testées dans des ports maritimes. Grâce à une très faible consommation d’énergie, les balises autonomes équipées de panneaux solaires peuvent être placées, par exemple, sur des bouées près de laquelle passeront les navires entrant ou sortant du port. Envea espère mettre en œuvre sa solution dans des ports français.
Fondateur de Nauticspot, Jérémy Ladoux a conçu une solution connectée de surveillance des ports de plaisance. Avec une application sur les 350 m des quais à super-yachts du port de Cannes, constituée de détecteurs infrarouge et de caméras de surveillance couplées à un logiciel d’analyse comportementale pour éviter les intrusions dans ce port situé en pleine ville. Une solution qui peut s’appliquer, selon lui, à un grand nombre de ports de types différents.
Le port peut produire sa propre énergie
La question de l’énergie dans les ports a aussi été au cœur des débats. « Le verdissement des ports est essentiellement une question énergétique, qu’il faut traiter à différentes échelles, affirme Paul Touret, directeur de l’Institut supérieur de l’économie maritime (Isemar) : la mise à disposition de l’énergie, avec le courant de quai par exemple, mais aussi la production d’énergie qui peut avoir lieu sur le port, avec des panneaux voltaïques sur les entrepôts, la production d’hydrogène vert, ou encore l’exploitation des énergies marines renouvelables ».
Pour ce qui est du volet concernant la mise à disposition d’énergie, Haropa y travaille. Par exemple pour les bateaux de croisière fluviale à Paris, où deux bornes sont en expérimentation ; l’ensemble des paquebots fluviaux en escale sera raccordé en 2023. Sur l’ensemble de l’axe Seine, 12 bornes électriques ont été installées par une coopération entre Haropa et VNF, et 70 bornes supplémentaires seront déployées grâce à d’importants financements européens.
Quant à l’alimentation des bateaux naviguant dans le bief de Paris, où le passage à la propulsion électrique pourrait intervenir plus tôt qu’ailleurs, les besoins en puissance sont en cours d’évaluation par Haropa et Enedis sur la trentaine d’escales publiques. Une première phase d’installation interviendra dès 2021, pour tester les solutions retenues, avant un déploiement sur les escales les plus fréquentées en 2023. « La poursuite du déploiement s’adaptera aux évolutions à venir, car le contexte de la transition énergétique est très changeant. Nous regardons aussi la faisabilité de la distribution d’hydrogène sur les ports, ce qui sera difficile vu la dangerosité du produit », précise Benoît Seidlitz, qui souligne que, selon le type de bateau, jusqu’à 55 % des émissions polluantes d’un bateau peut avoir lieu à quai.
Des solutions de production d’électricité et d’hydrogènes peuvent aussi intervenir sur le lieu même de leur utilisation. Comme avec le projet présenté par Edeis, qui a travaillé à mettre en application une découverte issue de la recherche de l’université de Louvain. Il s’agit d’utiliser l’eau contenue dans l’air pour produire directement de l’hydrogène à partir de l’électricité issue d’un panneau solaire. Un élément d’1 m par 1,6 m peut ainsi produire, de façon autonome, 7 kg d’hydrogène par an. La première application concrète vise à alimenter une flotte de véhicules de livraison électriques sur le port de Saint-Malo. Mais les ambitions d’Edeis vont plus loin, puisque ces dispositifs pourront fournir à l’avenir de l’énergie aux engins de manutention portuaire ou aux bateaux.