De l’intérêt de l’hydrogène vert
Avec ces utilisations programmées de l’hydrogène vert de la station du quai des énergies, les 80 kg par jour disponibles vont être très vite consommés et seront rapidement insuffisants pour répondre à la demande future. Aussi, CNR travaille déjà à une augmentation de la production d’hydrogène vert pour atteindre une capacité de 8 à 10 t par jour avec un électrolyseur de forte puissance, alimenté directement à partir de l’usine de Pierre-Bénite. Fin 2022 ou début 2023, l’hydrogène vert produit à Pierre-Bénite rejoindra le quai des énergies par canalisation.
A long terme, « la stratégie de la CNR est d’étudier la possibilité de répliquer à l’échelle du Rhône ce qui est en cours de réalisation à Lyon et Pierre-Bénite : poursuivre le développement des énergies renouvelables tout en mettant en œuvre des solutions à leur intermittence, notamment en les stockant sous différentes formes », précise Frédéric Storck. Les énergies renouvelables transformées en hydrogène peuvent être stockées et cela facilite en retour leur développement. L’hydrogène ne pose pas, à la différence de l’électricité, de problème de stockage. Il permet de rapprocher les réseaux électriques et de gaz, voire de chaleur, dans la perspective d’atteindre un optimum technico-économique multi-filières.
« L’une des caractéristiques de l’hydrogène est qu’il est multi-usages, poursuit Frédéric Storck. Il peut être utilisé par des industriels dans la vallée de la chimie et au-delà, pour la mobilité terrestre, fluviale ou ferroviaire. Mélangé au gaz naturel, ce sont en fait tous les usages du gaz qui sont accessibles à ce gaz vert ». Autre avantage de l’hydrogène : il peut être transporté dans des bouteilles, dans des canalisations, injecté dans le réseau de gaz. « Dans ce dernier cas, on parle de « power to gas », procédé qui consiste à transformer en hydrogène l’électricité d’origine renouvelable ne pouvant être acceptée par le réseau électrique, faute de demande suffisante, et à l’injecter dans le réseau de transport du gaz. CNR est partenaire du démonstrateur Jupiter 1000 à Fos-sur-Mer pour fournir l’électricité renouvelable et optimiser le pilotage des équipements de production d’hydrogène. Pierre-Bénite pourrait d’ailleurs accueillir une solution de power to gas à terme en vue de développer les capacités de stockage d’électricité de CNR ».
Une logique vertueuse
Deux autres projets innovants conduits par CNR concernent le solaire flottant et le solaire linéaire. « La technologie du solaire flottant existe depuis plusieurs années à l’étranger sur de vastes plans d’eau, rappelle Frédéric Storck. Sur le lac de la Madone à Mornant, qui est une retenue d’irrigation pour l’agriculture, il s’agit d’un plan d’eau de taille restreinte mais soumis à des contraintes d’exploitation fortes. La solution mise en place est innovante, complexe. C’est un démonstrateur de ce qu’il est possible de faire sur ce type de plan d’eau ».
Le plan d’eau est géré par le Syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône (SMHAR), dont CNR est un partenaire historique, qui lui a proposé dans une stratégie d’optimisation de ses actifs de mettre en place un parc solaire flottant. Pour CNR, ce démonstrateur s’inscrit dans une stratégie de recherche de solutions pour développer l’énergie solaire sur du foncier ayant déjà un usage, en anticipant la raréfaction du foncier facilement accessible.
La plate-forme flottante est constituée de 630 panneaux photovoltaïques. Sa capacité de production atteindra près de 230 kilowatts crête. « La production annuelle du parc solaire correspond à la consommation annuelle de la station de pompage du SMHAR qui remonte l’eau du Rhône jusque dans la retenue de la Madone. On est donc dans la logique vertueuse de l’autoconsommation, où production et consommation se font à proximité immédiate, ce qui est bénéfique pour le réseau électrique ». Le projet a été conçu de manière à améliorer les conditions environnementales, grâce à l’implantation de frayères à poissons sous les flotteurs des panneaux solaires ; le marnage important du plan d’eau empêchant la végétation de pousser, ce qui limite les abris naturels. La plate-forme pourrait par ailleurs diminuer la température de l’eau localement, améliorant encore les conditions de vie piscicole en été.
Ce démonstrateur, dont la mise en service aura lieu mi-juin et dont le bénéfice environnemental sera examiné pendant plusieurs années avec des partenaires scientifiques, aura par ailleurs permis à CNR de se familiariser avec ce type de parc. Sur des plans d’eau plus simples à équiper tels que d’anciennes gravières, CNR s’apprête à développer des parcs de plusieurs dizaines de MWc.
Concernant le solaire linéaire, CNR cherche à développer une solution de centrale rectiligne et non plus rectangulaire afin d’équiper des digues, des bords de voies ferrées, d’autoroutes… « L’un des verrous technologiques à lever est l’évacuation de l’énergie vers le réseau de distribution, relève Frédéric Storck. C’est un projet de R&D en partenariat avec l’INES notamment pour un projet de 300 m de long à Salaise-Sablons. Mais nous envisageons des centrales de 2 km de longueur puis 10 km et plus ».
Un projet de 30 hydroliennes fluviales à Génissiat
Après les 4 hydroliennes installées par VNF en novembre 2018 sur le Rhône à l’amont de Lyon (voir p. 27), CNR travaille à un projet d’implantation de 30 hydroliennes en aval de son usine hydroélectrique de Génissiat d’ici 2020. La puissance cumulée de ces 30 machines devrait atteindre 2 MW, ce qui en fera temporairement la plus grande ferme hydrolienne fluviale au monde. « Pour installer des hydroliennes, il faut des cours d’eau dans lesquels la vitesse du courant est encore élevée, explique Frédéric Storck. L’aval de Génissiat répond à ce critère car le lit du Rhône y est étroit ».
Avec l’aménagement hydroélectrique des rivières en France, il existe désormais peu de sites qui répondent encore à ce critère, c’est la raison pour laquelle l’avenir de cette filière des hydroliennes fluviales sera surtout à l’étranger.