Grand-Est : « On se bat tous les jours »

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Témoignages de deux artisans-bateliers, propriétaires de bateaux de 38 mètres, avec lesquels, en théorie, ils peuvent aller partout mais le manque d’entretien du réseau complique les voyages alors qu’il y a du potentiel de trafics.

«Notre métier reste toujours méconnu du grand public. On dit bateau, et pour un grand nombre de gens, cela veut dire fuel lourd et pollution. Alors que beaucoup de bateaux fluviaux sont équipés de moteurs respectueux de l’environnement. En France, on a beau parlé écologie, transition énergétique, le fluvial trouve toujours face à lui le lobbying routier qui, lui, rapporte à l’État. Le fluvial sert de variable d’ajustement entre le fret ferroviaire et la route. C’est différent aux Pays-Bas, par exemple, où il y a une vraie volonté pour développer la voie d’eau », explique Pierre Dubourg, co-président avec Pascal Rottiers du collège fret artisans d’Entreprises fluviales de France (E2F).

Pour cet artisan-batelier qui exerce ce métier depuis 1981, le transport fluvial a démontré « son rôle vital » pendant la période du confinement. « On croit en notre profession. On se bat tous les jours pour trouver des solutions pour naviguer, pour répondre aux demandes des clients. On se bat pour l’avenir, pour les jeunes qui entrent dans le métier, et pour lesquels on espère une évolution dans le bon sens. Il y a des jeunes qui investissent dans des 38 mètres pour aller partout ».

Pierre Dubourg a eu plusieurs bateaux, actuellement, il navigue avec un 38 m et, en théorie, peut emprunter de nombreux itinéraires, y compris sur le grand gabarit. « Avec les années, on ne peut que constater que le réseau se dégrade sur le grand comme sur le petit gabarit. Il n’y a pas de politique en faveur de la voie d’eau ». Il donne en exemple le canal Champagne-Bourgogne, qui est l’un des seuls axes Nord-Sud encore navigable mais avec des difficultés et qu’il faut préserver absolument, d’autant plus qu’il y a du potentiel de trafics, comme des colis lourds entre 180 et 200 tonnes. Le petit gabarit pour du transport de fret conserve toute sa pertinence, avec lui on peut aller de la Saône au Rhin, par exemple. « Mais il faut comprendre que tous les axes sont importants, tous sont des itinéraires alternatifs intéressants ».

Les difficultés sur le réseau sont liées à un manque d’entretien, aux conditions hydrologiques, à la présence d’algues. À cause de celles-ci, par exemple, sur le canal Champagne-Bourgogne, le temps de navigation passe de 65 à 70 h en temps normal à 95 ou 100 h, les moteurs chauffent, émettent davantage de polluants, un non-sens alors que la transition écologique et énergétique est sur toutes les lèvres.

Des temps de trajets toujours incertains

« VNF a seulement hérité d’un réseau déjà mal entretenu. Sur le terrain, les agents font leur possible. VNF reçoit son budget de l’État et fait avec les moyens qu’on lui attribue. C’est l’État qui n’investit pas alors que c’est son rôle. Nous qui payons des péages, nous ne faisons pas le poids face aux autres activités », précise Olivier Delcourt, artisan-batelier, lui aussi propriétaire d’un bateau de 38 m. Comme difficultés sur le réseau, en plus de celles indiquées par Pierre Dubourg, il ajoute les écluses en mauvais état, l’automatisation qui ralentit les passages et augmente les temps de dépannage en cas de panne. « C’est une galère quotidienne. Les temps de trajet ne sont jamais certains. Alors que c’est un beau réseau, avec lequel on peut desservir tant de lieux où il y a des trafics. C’est le cas en Champagne-Ardenne, par exemple, où je navigue régulièrement ». Il y a aussi un manque de postes d’amarrage qui sont parfois « squattés » par des bateaux-logement, par exemple, à Château-Thierry ou à Vernon.

Pierre Dubourg conclut : « Avec E2F, c’est sur tous ces aspects qu’on se bat. On avance aussi avec APLF. On arrive un peu à se faire entendre, à lutter contre la tendance à expulser le fret. Il faut avoir conscience que là où le fret ne passe plus, tôt ou tard, le tourisme, la plaisance ne passeront plus non plus ».

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