Un séjour « cobaye » en février 2020
Les deux dirigeants assurent avoir toujours une poignée de demandes pour des séjours hors saison. « En septembre 2019, nous avons un client qui est venu de lui même et souhaitait organiser un séjour en février 2020, pour profiter du calme, du soleil d’hiver et de la découverte du canal du Midi à ce moment-là. Nous avons organisé un séjour pour lui entre Castelnaudary et Capestang. Au préalable, nous avons contacté Voies navigables de France qui nous a donné son accord pour le passage des écluses à condition que le client réserve la veille. Le retour du client a été très positif ».
L’expérience client a été au rendez-vous en ce qui concerne le calme de la navigation sur le canal du Midi en février : il a croisé un seul autre bateau pendant les 7 jours de sa location. « Il a apprécié de devoir être débrouillard et autonome et a découvert les paysages de manière très intime » compte tenu de l’absence de monde en hiver.
Toutefois, le passage aux écluses n’a pas été facile, même en prévenant la veille, il y a eu de l’attente parfois longue. A terre, avec l’habitude de fermeture hors saison des boutiques, commerces et attractions, le ravitaillement n’a pas toujours été simple et les activités réduites. Il a pu trouver les services de base : eau, électricité, poubelles sauf une fois, il y a eu un manque d’eau car après une attente trop longue pour passer une écluse, l’escale prévue au port n’a pas pu se faire, la nuitée s’est déroulée en pleine nature.
« Au final, un séjour hors saison est possible même si c’est un défi avec les points évoqués. Il faut aussi prendre en compte que ce type de séjour s’adresse à des touristes qui sont autonomes. Le client était ravi de son séjour ».
Du côté de l’organisation pour la société, cela a été « un peu compliqué » de se mobiliser pour un seul client, un seul départ, en hiver, en pleine période d’entretien et de révision des bateaux. Il est apparu que la basse saison est un moment où après le pic d’activité, chacun a besoin de se détendre et de se reposer, il y a les congés à prendre, les salariés ne travaillent pas le week-end à ce moment-là.
Pour les deux dirigeants, ouvrir le canal du Midi toute l’année et proposer des séjours y compris hors saison apparaît possible suite à cette expérimentation réelle. Parmi les choses à revoir, l’habitude de la société de sortir tous les bateaux en même temps pour l’entretien. Il faudrait plutôt prévoir un séjour sur 5 jours au lieu de 7 jours pour éviter des heures supplémentaires et de faire travailler le personnel le week-end hors saison. « La collaboration de VNF est indispensable pour que la navigation soit possible. Et, si c’est un service à la demande pour le passage aux écluses, il doit être assuré ».
« Il faut une coopération totale de VNF »
Les deux dirigeants le disent : « Même hors saison, il faut que cela soit rentable ». Le séjour a été facturé à un prix réduit par rapport à une semaine pendant la saison d’été, « hors saison oblige », ce qui interroge sur la rentabilité, les frais fixes demeurant les mêmes. Hors saison, il faut aussi noter que le personnel travaille 5 jours sur 7 et non pas 7 jours sur 7 comme pendant la saison, ce qui a entraîné des heures supplémentaires, le séjour ayant été organisé sur une période de 7 jours, soit week-end compris.
« Si on envisage des séjours pour Noël et le Nouvel An, il serait peut-être possible d’envisager des prix plus élevés mais il y a deux problématiques. D’abord que la navigation soit possible y compris les 25 décembre et 1 janvier, c’est à VNF de s’organiser. Ensuite : avoir des salariés disponibles alors qu’ils sont déjà mobilisés pendant 7 mois 7 jours sur 7, sans oublier que les salaires versés vont réduire la marge sur la prestation rentabilité ».
En conclusion pour les deux dirigeants : « L’expérience client a été positive. L’organisation du personnel est un frein ». Ils restent convaincus que faire des séjours hors saison donnerait plus de visibilité au canal et le rendrait plus attractif comme destination. « Pour nous, il s’agit de prolonger, c’est-à-dire des semaines supplémentaires en ouvrant pour les vacances de la Toussaint et commencer plus tôt en mars. Pour aller plus loin, l’idée serait de dédier quelques bateaux du lundi au vendredi pour éviter les frais de personnel le week-end ».
« Une très bonne question mais… »
Mais pour parvenir à mettre cela en place, il faut aussi que les autres acteurs du tourisme jouent le jeu : « Sur le parcours, des commerces, restaurants, activités, musées, domaines viticoles, etc. doivent être ouverts et accessibles. Et il faut une coopération totale de VNF. Nous avons pensé à organiser un package hors saison avec des professionnels du tourisme qui souhaiteraient travailler à ce moment-là, en lien avec les CRT et les OT pour mettre en avant la destination hors saison ».
Parmi les réactions à cette présentation, Jean-Marc Samuel, président d’Agir pour le fluvial (APLF), a fait part : « Le rallongement de la saison est une très bonne question mais ne peut se faire sans une diversification des activités sur le canal. Cela nécessite aussi un changement de la vision sur le tourisme qui doit s’intégrer dans un développement économique pluriactivités dont le tourisme fluvial est un élément mais pas la cible unique de ressources pour les territoires. Sinon, les touristes traversent un pays désert, ce qui ne peut pas les attirer ».