Afin d’approfondir le sujet, un groupe pilote de 13 bateaux a été constitué, comprenant, cette fois, deux automoteurs afin de parfaire l’échantillon représentatif des bateaux naviguant dans le bief de Paris. Ces 13 bateaux vont être équipés de capteurs pour connaître leur consommation d’énergie ainsi que leurs besoins de puissance en fonction des différentes phases de navigation. Surtout, cette nouvelle phase de l’étude, prévue pour durer six mois, devra déterminer le coût de la mutation vers une propulsion électrique, ainsi que les modes de financements disponibles pour y parvenir.
Abandonner le diesel
« Un guichet unique va être mis en place, pour renseigner les propriétaires de bateaux sur la marche suivre pour mener à bien cette transition énergétique. Nous allons aussi travailler, à plus long terme, sur un autre sujet, sur lequel aucune réflexion n’a été menée depuis longtemps : la conception de nouveaux bateaux, plus polyvalents et moins consommateurs d’énergie. Mais l’urgence, c’est surtout le refit des bateaux existant pour les faire passer du diesel à l’électrique », annonce Olivier Jamey, président de la Communauté portuaire de Paris.
L’urgence est, en effet, à l’abandon du diesel pour les bateaux naviguant dans Paris, avec la mise en place d’une zone à faible émission (ZFE) et l’interdiction, pour les véhicules routiers, du diesel en 2024 et de l’ensemble des moteurs thermiques en 2030. Le fluvial, même s’il n’est pas concerné par ces interdictions, ne peut pas manquer le rendez-vous s’il veut conserver son rang de mode de transport propre. Avec une pression encore plus grande pour les bateaux à passagers, puisque les clients sont alors aux premières loges pour respirer la pollution des fumées d’échappement. « Sans mutation vers des moteurs électriques, nous n’aurons plus de client », résume Olivier Jamey, qui espère enclencher avec la flotte parisienne un mouvement vers l’électrification des bateaux fluviaux qui fera école sur d’autres bassins de navigation. Se pose aussi la question de la disponibilité des moteurs thermiques pour le fluvial, alors que la « marinisation » de moteurs aux dernières normes se fait toujours attendre.
Pour faire face à l’urgence de la transition énergétique, c’est le refit des bateaux existant, c’est-à-dire le passage d’une motorisation diesel à des moteurs électriques, qui constitue la piste privilégiée pour la Communauté portuaire de Paris. « La construction de nouveaux bateaux, surtout s’ils sont innovants, est très longue ; l’urgence doit être surmontée avec les bateaux existants. En fluvial, les bateaux sont construits à l’unité, de façon artisanale. L’absence d’économie d’échelle rend la transition énergétique vers l’électricité beaucoup plus difficile que dans le secteur automobile. C’est pour cela que la première partie de notre étude a porté sur les conditions techniques et financières du passage à l’électrique pour la flotte actuelle. Et, pour faire bouger les lignes, nous devons agir collectivement », affirme Olivier Jamey.
La mobilisation collective de l’ensemble des armateurs et bateliers parisiens est, en effet, nécessaire pour obtenir une évolution réglementaire, l’accélération du programme de branchement électrique des bateaux sur les quais, ou encore l’allongement des concessions portuaires. Pour engager tous les armateurs dans cette transition énergétique à marche forcée, la Communauté portuaire de Paris vise la neutralité financière : investissement et fonctionnement confondus, le passage à l’électrique ne doit pas coûter plus cher sur la longue durée.
Objectif : neutralité financière
L’étude compare donc le prix du diesel et de l’électrique sur une durée de 20 ans. Avec des hypothèses plutôt en faveur du diesel, puisque, de ce côté, ne sont pas pris en compte le coût d’un éventuel changement de moteur thermique, ni la hausse prévisible des coûts d’entretien et de carburant. D’autant que la moitié de la flotte parisienne utilise déjà du GTL, carburant 10 % plus cher que le gasoil. Côté électrique, l’estimation prend en compte les travaux d’installation des moteurs et des batteries, ainsi que les bornes de recharge.
Les résultats peuvent être très différents selon la nature du bateau et l’utilisation qui en est faite. Un bateau-restaurant et un bateau privatif, par exemple, partagent la caractéristique d’avoir une grande part de leur consommation d’énergie servant non à la propulsion, mais aux « servitudes », c’est-à-dire l’électricité consommée à bord. Mais les temps d’escale pouvant être mis à profit pour recharger les batteries ne sont pas forcément identiques. De même entre un bateau-promenade et un pousseur de manœuvre, qui utilisent tous deux 90 % de leur énergie pour la propulsion : les temps de travail et de recharge sont très différents, le bateau-promenade étant très sollicité toute la journée, avec des temps d’escale très réduits.
Au total, sur une durée d’exploitation de 20 ans pour un bateau-promenade, le surcoût par rapport au diesel sera de l’ordre de 30 % pour un bateau hybride, mais de seulement 15 % pour un bateau tout-électrique.« L’étude a permis d’objectiver le surcoût, et nous pouvons désormais chiffrer, bateau par bateau, ce que coûtera le passage à l’électrique, explique Olivier Jamey. Il s’agit désormais d’écrêter ce surcoût, car nous visons la neutralité financière de la mutation énergétique. C’est pour cela que nous allons mettre en place un guichet unique, à travers lequel nous nous occuperons du financement et de l’obtention des aides publiques nécessaires ».