Écologie industrielle : synergies, une démarche de long terme

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Au port autonome de Strasbourg, l’écologie industrielle a conduit à un catalogue de 20 synergies dont 11 sont déjà devenues réalité. Pour Emilie Gravier, c’est une démarche de long terme dont les bénéfices sont nombreux pour les entreprises et le port. Une démarche autour de l’écologie industrielle a été lancée en 2013 par deux acteurs publics, le port autonome de Strasbourg et l’Eurométropole, après des échanges avec Idée Alsace, réseau régional d’acteurs engagés pour un développement responsable des entreprises et des territoires. « Les deux acteurs publics ont décidé de faire du port autonome de Strasbourg un territoire d’expérimentation pour une démarche d’écologie industrielle et territoriale. Nous avons travaillé avec le cabinet du Suisse Suren Erkman, l’un des experts internationaux les plus reconnus dans le domaine de l’écologie industrielle, rappelle Emilie Gravier, directrice du développement du port autonome de Strasbourg (PAS). 15 entreprises ont été identifiées comme étant prêtes à nous suivre dans cette démarche ». Un audit des flux entrants et sortants de matières, eaux, énergies, déchets de ces 15 entreprises a été réalisé et a abouti à l’établissement d’un catalogue d’une vingtaine de synergies possibles. « Nous avons identifié ces synergies, il est revenu aux entreprises de choisir celles sur lesquelles elles souhaitaient s’engager au sein de groupes de travail pour aboutir à une mise en œuvre effective. Le point important a été la mise en place d’un accord de confidentialité entre le port, les entreprises et Idée Alsace qui est le pilote de la démarche. Important car cela a créé la confiance autour du traitement des données ». En 2014, l’Ademe et la région se joignent à la démarche et apportent un financement tout comme le groupement des usagers du port (GUP). Un audit des flux est réalisé dans les 10 nouvelles entreprises qui s’ajoutent aux 15 premières, ce qui accroît le potentiel des synergies. « C’est un travail de longue haleine, une démarche de long terme qui se déploie avec le temps, pas un projet avec une date de fin programmée, souligne Emilie Gravier. Actuellement, nous avons 11 synergies actives. Les deux premières ont porté sur la valorisation des déchets de papiers/cartons et sur la création d’un groupement pour l’achat d’électricité. Nous allons désormais sur des thématiques davantage liées à l’humain et aux services aux salariés. Pour nous, c’est de l’écologie industrielle car cela favorise la création d’une communauté, d’un éco-système responsable ».

Les coûts de la démarche

Concernant les coûts de la démarche, c’est 1 ETP par an, soit un animateur qui va chercher les données dans les entreprises, est l’interlocuteur pour les synergies entre 3 entreprises et plus, s’occupe des réunions des groupes de travail, etc. En 2013, le financement de cet ETP a été 100 % public mais dès 2014, il y a eu 5 % de fonds privés. « En 2015, nous avons estimé que la pertinence de la démarche avait été démontrée, qu’elle bénéficiait aux entreprises et nous avons mis en place une cotisation ». Le financement privé est monté à 20 % en 2015 et 2016. Puis en 2017, le montant de la cotisation a été fixée à 1 000 € quelle que soit la taille de l’entreprise, la démarche est alors financée à 40 % par des fonds privés. « Cette évolution, c’est un gage de la pérennité de la démarche par un financement pérenne. L’Ademe et la région financent pendant une durée déterminée et courte. Le port est une vitrine et un démonstrateur. Les entreprises doivent prendre le relais. Cela signifie aussi qu’elles participent à la gouvernance, au pilotage et s’approprient toujours davantage la démarche ». Aujourd’hui, celle-ci est parvenue à une période charnière, explique Emilie Gravier : « Notre convention s’achève à la fin de cette année 2019. Nous réfléchissons à un nouveau modèle mais il y aura toujours un partage du financement entre le public et le privé ».

Au cours des années, les bénéfices de la démarche apparaissent nombreux. Pour le port, c’est davantage d’attractivité. « Développer des synergies, un éco-système peut attirer de nouvelles entreprises, indique Emilie Gravier, et ancre davantage dans le territoire celles déjà présentes ». La démarche participe à l’objectif de réduction de l’empreinte environnementale (carbone,etc.) du PAS dont les installations sont très proches de la ville et de ses habitants. « Cela va dans le sens de l’acceptabilité des activités industrielles, d’une responsabilisation des entreprises. Pour elles, c’est aussi une motivation de travailler sur les sujets environnementaux ».

Pour les acteurs économiques, les synergies permettent de faire des économies ou a minima cela ne coûte pas plus cher que les process précédents. Le PAS a évalué à 220 000 € les gains possibles par les entreprises mais ce montant est très inégal de l’une à l’autre. Enfin, la démarche favorise la création d’un collectif entre les entreprises, une rationalisation des flux, une optimisation des matières. « Tout le monde se parle de manière opérationnelle et concrète. Les entreprises ont aussi un accès aux acteurs publics d’une façon plus innovante », relève Emilie Gravier.

A noter aussi que la démarche permet d’éviter l’émission de 3 500 t équivalent de CO2 par an.

Une canalisation sous le Rhin

Une démarche d’écologie industrielle n’est pas prévue dans le cadre de la coopération existante entre les ports du Rhin supérieur. « Nous avons échangé avec Kehl, raconte Emilie Gravier, lors d’une réunion avec des industriels en 2016 mais nous n’avons pas suscité de vocation. Ils nous ont indiqué faire déjà beaucoup d’efforts de rationalisation et une démarche collective leur apparaissait compliquée. Il n’existe pas d’acteurs comme Idée Alsace qui pourrait jouer un rôle d’entraînement ».

Toutefois, un projet de récupération de la chaleur excédentaire de l’aciérie BSW à Kehl est porté par l’Eurométropole de Strasbourg et pourrait servir au chauffage de 4000 logements. Le 13 mai 2019, une « déclaration d’intention conjointe » a été signée à Kehl pour créer une société transfrontalière prenant la forme d’une société publique locale (SPL), détenue majoritairement par l’Eurométropole de Strasbourg, avec le Land du Bade Wurtemberg, la ville de Kehl et la région Grand Est. Le projet prévoit un tuyau de 8,5 km sous le Rhin pour transporter une eau à 160 °C de l’aciérie côté allemand à une centrale thermique côté français pour alimenter un réseau de chaleur. En retour, une eau à 90 °C serait réexpédiée à Kehl à l’usage de la ville. Les travaux de pose du tuyau pourraient démarrer en 2020 pour un démarrage du système en 2021.

11 synergies déjà mis en œuvre

11 synergies sont mises en œuvre au port autonome de Strasbourg et se répartissent en 4 catégories : mutualisation, valorisation de matières, d’énergie, d’énergie fatale.

Les deux premières synergies ont été la valorisation des déchets de papiers/cartons, rendue possible par la présence à proximité d’une papeterie, et la création d’un groupement pour l’achat d’électricité. Ont suivi :

• Mutualisation d’une station de lavage pour des véhicules utilitaires et lourds et permet à l’entreprise d’amortir plus rapidement son investissement en ouvrant à 4 autres l’accès à ses installations.

• Valorisation énergétique des déchets bois. La Soprema avait un projet de chaudière à gazéification dont l’alimentation reposait sur des plaquettes forestières. Les échanges avec le port ont fait évoluer le projet vers une chaudière alimentée par les nombreux déchets de bois présents sur la zone.

• Mutualisation de la réparation des palettes avec un atelier mobile qui fait la tournée des entreprises.

• Valorisation des résidus organiques pour les industries agro-alimentaires. Un méthaniseur est situé dans le port pour une entreprise, un autre est à l’extérieur pour d’autres.

• Mutualisation des achats de consommables et de services : concerne les fournitures de bureau, les équipements de protection individuelle (EPI), le nettoyage des locaux. Ici, le port a incité à opter pour des offres « responsables et vertes ».

• Valorisation des micro-algues à partir d’eaux chargées en nutriments d’une malterie et production de spiruline. Cette synergie n’est plus d’actualité.

• Mutualisation de session de formation avec la création d’un outil numérique pour partager les places encore disponibles entre plusieurs entreprises.

• Valorisation des déchets métalliques : une entreprise a pris l’initiative d’un appel d’offres groupé pour trouver un exutoire local avec un prix attractif.

• À venir : mutualisation des équipements sportifs.

Enfin, le PAS conduit une étude avec un partenaire énergéticien sur la récupération de chaleur fatale.

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