«La filière avance sur les trois technologies possibles : l’électricité avec des batteries, les solutions hybrides, l’hydrogène avec les piles à combustible, explique Xavier de Montgros, président de l’Association française du bateau électrique (AFBE). Un bateau est considéré comme électrique quand au moins 50 % de son temps de navigation est effectué sans émission de CO2, s’il est hybride ».
Xavier de Montgros indique qu’il existe « une cinquantaine de bateaux de transport de passagers en service sur les voies navigables françaises utilisant une propulsion essentiellement électrique parfois hybride ». Le choix de l’hybride se fait quand il y a besoin d’une vitesse supérieure à la vitesse de déplacement, par exemple, sur les lacs ou en mer. Sur les voies de navigation intérieure, la vitesse autorisée est généralement inférieure à 12 km/h et l’électricité fonctionne de manière optimale. Au-dessus de 12 km/h, l’hybride ou l’hydrogène sont une solution.
Avec les avancées technologiques, les solutions électriques pour les bateaux permettent un chargement la nuit en étant branchés à quai et un temps de navigation de 6 à 10 h pendant la journée. « La limite de l’électrique actuellement, c’est 6h-14 h de navigation. Pour aller au-delà, il faut attendre les prochaines générations de batteries ». Construire directement un bateau neuf avec une propulsion électrique apparaît plus simple qu’une adaptation, compte tenu de la place que prennent les batteries et les implantations de composants nécessaires.
« Pour les bateaux réalisant du transport de marchandises, il y a des études en cours. Il est possible d’imaginer des bateaux pour le fret avec une propulsion électrique notamment pour des unités adaptées au gabarit Freycinet », précise Xavier de Montgros. La recharge électrique se ferait également la nuit et la navigation pendant la journée, ce qui suppose un trajet adapté et des installations à terre dont des prises de 400 volt triphasé de 63 ampères. « La difficulté ici est que les artisans bateliers disposent de peu de capitaux et de moyens d’investissements réduits. Passer à l’électricité nécessite la mise en place d’aides importantes », souligne Xavier de Montgros.
Pour des unités naviguant sur le grand gabarit, de type convoi pousseur + barge, et qui ont besoin de fonctionner 24 h/24, « la propulsion électrique, c’est plus compliqué mais faisable avec deux solutions possibles », continue Xavier de Montgros. La première d’entre elles est « un parc de batteries placé dans un conteneur positionné sur le pousseur ». Il pourrait y avoir de 2 à 6 conteneurs à bord, ce qui permet un temps de navigation de 8 h à 12 h. Le convoi effectue des arrêts pour charger/décharger ce qui est aussi l’occasion d’échanger les conteneurs avec les parcs de batteries à l’intérieur. Cette solution nécessite d’optimiser le trajet et les arrêts, par exemple, tous les 100 km. « Ici, ce sont de grandes sociétés d’armement qui peuvent adopter cette solution, met en avant Xavier de Montgros. C’est un projet lancé aux Pays-Bas avec Port Liner. L’idée est de le décliner en France ».
Faire évoluer les habitudes et les usages des équipages
L’hydrogène est la deuxième solution possible pour des bateaux de fret avec une propulsion électrique, même si pour le moment, cela reste coûteux. L’hydrogène est aussi actuellement majoritairement produit de manière carbonée. Mais avec l’hydrogène, le bateau peut naviguer pendant 2 à 3 jours en toute autonomie. « C’est une solution de long terme », estime Xavier de Montgros. Comme exemples concrets de bateaux à l’hydrogène, il y a le Jules Verne à Nantes et le le Yelo H2 à la Rochelle. Le premier est un navibus fonctionnant grâce à deux piles à combustible de 5kW chacune, toutes deux équipées de batteries électrochimiques alimentées par de l’hydrogène. Le Yelo H2, navibus également, a été doté d’une pile à combustible de 10 kW, alimentée par 4 réservoirs où 7 kg hydrogène sont stockés à 350 bars.
Concernant la propulsion électrique, il faut aussi comprendre que cela permet d’exécuter les manœuvres plus facilement et plus efficacement qu’avec le diesel. « Le couple est disponible de suite, les hélices tournent moins vite et battent moins l’eau. Il ne faut pas oublier non plus les avantages comme le silence et bien évidemment la suppression de toutes émissions ».
Xavier de Montgros se déclare certain que les solutions hybrides électrique-diesel sont celles qui peuvent faire évoluer rapidement les habitudes et les usages des équipages. L’idée est d’utiliser la propulsion électrique dans les zones citadines et le diesel hors des villes.
Concernant les investissements nécessaires, un bateau pour le transport de passagers à propulsion électrique présente un surcoût de 30 à 50 % avec le prix d’achat des batteries par rapport à une autre motorisation. « Si le bateau navigue 200 jours par an, en 3 à 6 ans, le surcoût est remboursé par les économies sur le carburant et la maintenance, évalue Xavier de Montgros. Celle-ci est égale à zéro sur le moteur, l’usure étant très réduite. Il faut toutefois surveiller les batteries mais cela peut se faire à distance. Cela permet de dire que sur le moyen à long terme, l’électricité est moins chère que le diesel ». Les batteries ont une durée de vie de 8 à 12 ans à bord avec une perte de seulement 20 % de leur capacité au bout de ce délai. D’un point de vue environnemental, les batteries ont ensuite une deuxième vie d’une durée de 10 à 20 ans, leur recyclage ne survenant qu’après. Les batteries Plomb sont actuellement recyclées à 95 %.
Parmi les aides financières possibles, il y a le plan d’aide à la modernisation et à l’innovation de VNF, relève Xavier de Montgros. Il y a aussi le suramortissement pour des bateaux propres -électrique et GNL- qui a été intégré dans la loi de finance 2019 à hauteur de 130 %. Les décrets sont en cours de validation. Mais le système ne concerne pas les bateaux hybrides, « ce qui est dommage et un vrai sujet à mettre en avant ».
« La genèse du projet Ecopilote vient de la thèse que j’ai faite à l’UTC de Compiègne en partenariat avec le Cerema, explique Florian Linde, responsable d’étude hydrodynamique navale au Cerema eau, mer et fleuves. Je devais modéliser numériquement la résistance d’avancement d’un bateau fluvial en milieu confiné ». La deuxième partie de cette thèse a été consacrée à concevoir une chaine de prédiction de la consommation de carburant d’un bateau en tenant compte des effets de confinement. « Un modèle d’optimisation de la vitesse en fonction de plusieurs critères dont le confinement afin de réduire la consommation de carburant a ensuite été développé ». Pour obtenir et maintenir une vitesse constante dans une voie d’eau confinée, le bateau doit accélérer davantage que dans une voie d’eau plus large.
« L’idée est de réguler la vitesse avec l’objectif de réduire la consommation globale de carburant et pour cela agir sur la vitesse en fonction des types de voie navigable et des conditions de navigation rencontrée lors d’un trajet », continue Florian Linde. En 2018, des financements de la DGITM ont été obtenus afin de réaliser des mesures en situation réelle lors de la navigation du bateau Bosphore. Avec les mesures effectuées en conditions réelles, il s’agit de valider et d’améliorer le modèle de consommation de carburant modélisé numériquement ainsi que le processus d’optimisation de la vitesse.
« Aujourd’hui, nous sommes toujours en phase de recherche et développement, indique Florian Linde. Nous avons commencé l’étude en 2017. Nous passerons peut-être en phase de validation du concept en 2019 ou 2020 ». Concrètement, la solution pourrait se traduire par un système embarqué à bord du bateau et qui recommande une vitesse de navigation optimale pour une moindre consommation de carburant.