38 adhérents à Piicto
C’est dans le contexte de transition énergétique que Marseille-Fos a jeté les bases, en 2014, de Piicto en donnant une nouvelle vocation à une zone de 1 200 ha en bord de mer. Sur cette zone, 17 industriels (énergéticiens, sidérurgie, chimie des matériaux) ont entamé un dialogue dans le souci d’échanger des utilités. Ainsi est née la plate-forme industrielle et d’innovation de Caban-Tonkin qui fédère aujourd’hui 38 adhérents. Sur cette zone, 12 ha sont dédiés à l’innovation pure avec Innovex, une plate-forme qui accueille des démonstrateurs et pilotes préindustriels axés sur l’hydrogène et la valorisation du CO2.
Areva SE, Jean Lefebvre Méditerranée, GRT Gaz, Kem One ou encore Engie nourrissent comme ambition de créer de la richesse et des emplois en exploitant de nouvelles sources d’énergies (solaire, gaz, hydrogène, algues) capables de se substituer aux énergies fossiles. Cette vitrine de l’industrie de demain où sont développées des « preuves de concept » a été élargie en avril 2018 aux zones de La Mède (10 ha) et de Berre (48 ha) avec le lancement de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) Provence Industry’Nov voué à faire émerger un pôle d’excellence autour des bio-industries sur 80 ha (25 ha sur Piicto). Sur les 21 réponses reçues à cet AMI, quinze entraient dans les critères. A ce stade, six projets sont en cours d’accompagnement et d’autres pourraient être soumis au comité de pilotage, une fois leur dossier plus complet, ont indiqué les services de la métropole Aix-Marseille Provence. Parmi les dossiers retenus, des démonstrateurs industriels et plusieurs projets relatifs à la problématique des déchets.
Pour que le CO2 ne parte plus en fumée
Capter le dioxyde de carbone, l’exploiter et le valoriser comme une matière première… Sur la ZIP de Fos, de très nombreux acteurs industriels et de la recherche s’y emploient à travers les programmes Vasco3 et Carbon4PUR.
Le programme de recherche appliquée Vasco consiste à piéger les fumées industrielles et à les transformer en bio-brut sous l’action des algues. « Marseille-Fos, troisième port mondial pour les hydrocarbures, a souhaité se positionner sur la filière biocarburants, chimie verte, cosmétique. Nous avons retenu la technique de la bio-remédiation à base de micro-algues dans quatre bassins positionnés chez Arcelor-Mittal Fos-sur-Mer, Solamat-Merex, Kem One et à Palavas sur le site de l’Ifremer qui pilote l’opération. Les algues, récoltées et centrifugées, sont transformées par le Liten de Grenoble en bio-bruts par liquéfaction hydrothermale », explique Michaël Parra, coordinateur du projet Vasco2, rattaché au département aménagement durable et développement des énergies du port de Marseille-Fos.
Une première étape de ce programme de 2 M€ s’achève pour laisser la place courant 2019 au démarrage de Vasco3, un démonstrateur de taille réelle dont la mise en production pourrait intervenir en 2023-2024. « Nous captons à la fois du CO2, des Nox et des particules. Nous souhaitons avec Vasco3 passer à un démonstrateur en taille réelle en opérant des lagunes de 3 000 m² avec des matériels de surveillance de l’eau et de l’air », complète Michaël Parra. Ce projet pourrait donner lieu à la fabrication de bioplastiques.
En parallèle, le programme européen baptisé Carbon4PUR planche, depuis 2017, sur l’utilisation des effluents gazeux et leur transformation en polyols. 14 partenaires dont la société Covestro, consommatrice de CO2, et le port de Marseille-Fos collaborent à ce projet. « Nous devons considérer les déchets comme une ressource. Une approche trans-sectorielle comme celle recherchée par le consortium Carbon4PUR constitue la bonne voie pour atteindre cet objectif (…) », déclare Markus Steilmann, directeur général de Covestro. En fonction des résultats des études, une canalisation pourrait relier Arcelor-Mittal à Covestro et aboutir à la construction d’une nouvelle unité industrielle Covestro sur la plateforme Piicto. Les études effectuées sur Fos visent aussi la réplicabilité de ces solutions d’économie circulaire vers d’autres écosystèmes à l’échelle européenne.
Produire des bioplastiques sans CO2 cette fois mais en « affamant » des algues vertes, c’est l’objectif d’Euranova. Cette biotech, a choisi les Tellines, à Port-Saint-Louis-du-Rhône, pour déployer son démonstrateur. Lauréat 2017 des programmes investissement d’avenir de l’Ademe, Euranova entend par ce procédé produire des plastiques biosourcés, biodégradables ou recyclables et répondant aux contraintes règlementaires de la loi de transition énergétique. La société prévoit l’emploi de 7 personnes pour exploiter le démonstrateur et annonce 60 emplois en phase industrielle.
Les raffineurs voisins regardent attentivement ces développements locaux et ceux au Nord de l’Europe. La raffinerie Esso de Fos se montre très intéressée par le projet « Porthos » au port de Rotterdam qui consiste à collecter puis à stocker, dans des puits épuisés, le CO2 émis par les industriels. « Si Marseille-Fos se lance dans un tel projet, nous nous connecterons. Nous devons trouver des moyens de captage de CO2. L’optimisation passe par des échanges d’utilités », assure Antoine du Guerny, pdg d’Esso France. S’agissant d’économie circulaire, le raffineur s’intéresse aussi à l’hydrogène fatal produit par Kem One sur la plate-forme Piicto sur la zone industrielle de Fos.