NPI : Comment a évolué le marché fluvial en 2019 ?
Dany Eyben : L’évolution générale du marché a été positive jusqu’en septembre 2019. Il y a eu ensuite un tassement, partiellement compensé par les grèves dans les ports français, qui ont entraîné des transferts vers les ports belges.
Nos propres volumes sont restés fortement orientés à la hausse. Le terminal de Wielsbeke, que nous exploitons en co-gestion avec Shipit et d’où nous offrons cinq à six liaisons hebdomadaires sur Anvers, a atteint les 22 500 EVP. C’est quatre fois plus qu’en 2015, la première année pleine après le redémarrage de cette installation. C’est dû notamment au démarrage de trafics de boîtes Reefer, pour lesquelles nous offrons un service complet. Nos opérations fluviales à Wevelgem, près de Courtrai, connaissent elles aussi une croissance poursuivie, même si elles sont axées sur des trafics plus locaux. Et deux trains à conteneurs font chaque semaine la navette entre Anvers et notre site principal au LAR à Rekkem, dernier « port intérieur » belge sur l’axe vers la France.
NPI : Comment se présente 2020 ?
Dany Eyben : Les conséquences de la crise du coronavirus se font sentir, en prolongeant l’effet du Nouvel An chinois sur le nombre d’escales de grands porte-conteneurs dans des ports comme Anvers et Zeebrugge. Nous affichions complet jusqu’à la mi-février 2020, mais nous avons à présent constamment de la capacité libre. La baisse des volumes atteint actuellement jusqu’à 25%. La question est de savoir combien de temps la crise va durer.
Nous restons optimistes pour Wielsbeke, où le terminal va être modernisé et agrandi. Pour cette année, nous tablons sur une nouvelle progression à 25 000 EVP.
L’équation économique reste difficile à trouver
NPI : Les chiffres du trafic fluvial pour 2019 confirment qu’un transfert modal massif vers la voie d’eau se fait toujours attendre. Pour quelles raisons ?
Dany Eyben : Tout le monde est pour le développement de la voie d’eau, mais la réalité est qu’on ne voit toujours pas venir un transfert modal de grande ampleur. L’équation économique reste plus difficile à réaliser dans le cas d’un transport multimodal. Le prix du transport routier est toujours bas et les coûts de manutention dans le transport multimodal élevés. En dépit de la volonté de verdissement du transport, le facteur coût reste prépondérant dans les choix logistiques.
Mais cela s’explique aussi par le fait que la prise de conscience tarde à se manifester chez les chargeurs. Ceux-ci ne saisissent pas toujours les avantages – très souvent bien réels – qu’ils peuvent retirer d’un transfert modal, même si un mouvement se dessine en ce sens. Pour lancer notre activité Reefer à Wielsbeke, il nous a fallu convaincre toutes les autres parties concernées, des chargeurs aux armements deepsea. Cela a demandé un long travail de préparation.
NPI : Qu’en est-il de congestion dans les ports maritimes ?
Dany Eyben : La situation s’est améliorée, mais la congestion dans les grands ports à conteneurs a eu des répercussions très négatives. Aucun chargeur ne peut comprendre qu’on perde parfois deux à trois jours sur un transport à courte distance. Quand les files bloquent un camion sur les routes, ce sont un ou deux conteneurs qui sont concernés. Quand un bateau ou un train reste en rade, ce sont des dizaines de boîtes qui sont touchées. C’est le genre de problème que Delcatrans parvient en partie à surmonter en agissant sur les trois tableaux et en offrant un système synchromodal.
NPI : Que peuvent faire les pouvoirs publics ?
Dany Eyben : Pour le transport fluvial, nous ne percevons aucune aide. Pour le transport ferroviaire, l’aide très minimale est calculée en fonction de la distance parcourue. Le coût de manutention restant le même, cela désavantage les liaisons sur les courtes distances comme celles que nous opérons. Il faudrait faire l’inverse.