Parm et Pami, des exemples concrets
La deuxième présentation a été consacrée aux plans d’aide au report modal (Parm) et à la modernisation et à l’innovation (Pami) de Voies navigables de France (VNF). Thomas Delvalle de l’agence territoriale de développement de VNF à Dunkerque a expliqué que le Parm 2018-2022 permet d’accompagner les entreprises souhaitant intégrer la voie d’eau dans leurs chaînes logistiques à l’aide de soutiens financiers à chaque étape du montage d’un projet fluvial. Le Parm compte 3 volets. Le premier dit A est une subvention pour la réalisation d’études logistiques et s’élève à 50 % maximum des coûts admissibles et est plafonnée à 25 000 € par projet. Le volet dit B concerne une expérimentation de transport par voie fluviale. L’aide peut atteindre 100 % des surcoûts engendrés en phase de test par le recours au transport fluvial par rapport au coût de la logistique routière en vigueur (ou envisagée). Cette aide est plafonnée à 50 000 € par projet. Le volet C propose un financement d’équipements de manutention. Il permet de soutenir les investissements dans un outillage ou une installation de manutention fluviale. Plafonnée à 30 % du montant des investissements (dans la limite de 500 000 €), l’aide est proportionnelle aux tonnages reportés sur le mode fluvial, au type de marchandise et à l’itinéraire emprunté (origine/destination).
Un exemple de projet soutenu par le volet B du Parm est celui de la société Recyco à Isbergues dans le Pas-de-Calais pour évaluer la faisabilité du transport fluvial de ferro-alliages. La problématique est qu’avec une densité forte et une granulométrie très hétérogène, la manutention des ferro-alliages s’avère atypique et présente d’importantes contraintes. Le test devait permettre de définir une méthodologie de chargement-déchargement adaptée et compétitive. Lors d’une première phase du test, un premier bateau de 1 200 tonnes a été chargé chez Recyco à Isbergues à destination du site belge de Aperam à Châtelet situé à 200 km. Le test a montré qu’un grappin était plus adapté qu’une pelle. Le temps de manutention devrait pouvoir être ramené de 2 jours à un seul. Ce premier test a permis la validation de la faisabilité technique et de conclure à la compétitivité du mode fluvial par rapport à une logistique routière pour le flux vers Châtelet. Le transport fluvial va être adopté pour ce trajet avec un flux retour possible. Un autre essai est prévu dans le cadre de cette expérimentation à destination de Genk (à 300 km). L’aide de VNF par le Parm volet B avec une couverture à 100 % du surcoût entre la solution fluviale et l’option routière « se révèle pertinente et aboutit à du report modal effectif », selon Thomas Delvalle.
Le PAMI 2018-2022 s'adresse aux exploitants et propriétaires de bateaux de transport de marchandises (artisans ou armateurs). Il compte quatre volets d’aides. Le volet A vise à améliorer la performance de la flotte, le B à mieux intégrer le maillon fluvial aux chaînes logistiques, le C à accompagner le renouvellement des acteurs et de la filière, le D à favoriser l’émergence des solutions innovantes. Le Parm est une réponse aux grands enjeux de la flotte fluviale et comprend des mesures conçues afin d’atteindre les objectifs suivants : réduire la consommation en carburant, les émissions et rejets polluants, encourager le recours à des énergies renouvelables et optimiser la gestion des énergies à bord, capter de nouveaux trafics, consolider la desserte fluviale des ports maritimes, améliorer la performance logistique de la flotte fluviale et accompagner le renouvellement des acteurs de la filière.
Exemple d’un accompagnement par le Pami : un jeune artisan souhaite acquérir un bateau de type canal du Nord et l’allonger de 14 mètres. L’investissement total se monte à 625 000 euros. L’aide de VNF s’est élevée globalement à 140 500 euros, soit 94 000 euros (20 % du prix d’acquisition du bateau) auxquels s’ajoutent 46 500 euros (30 % du montant des travaux d’allongement). Pour le jeune artisan, le bateau allongé permet une plus grande capacité de transport et un chiffre d’affaires supplémentaire d’environ 30 000 euros.
Aide au transport combiné
« L’aide au coup de pince a pour objectif de renforcer l’attractivité du transport combiné qui a des coûts spécifiques, d’encourager le recours au ferroviaire, au fluvial ou au transport maritime de courte distance sur le maillon principal de la chaine logistique », a expliqué Vincent Ferstler de la mission intermodalité fret à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM). Il s’agit aussi d’orienter vers un transport de marchandises plus respectueux de l’environnement afin de réduire les émissions polluantes, les accidents et lutter contre la congestion routière.
Le montant total attribué à l’aide à l'exploitation de services réguliers de transport combiné de marchandises, le plus souvent nommé aide au coup de pince, s’élève à 27 M€ pour la période 2018-2022, en augmentation par rapport à la période précédente. Le gouvernement attend encore la validation de la Commission européenne pour ce système d’aide d’Etat pour 2018 à 2022. Vincent Ferstler a indiqué qu’entre 2013 et 2017, une trentaine de bénéficiaires a perçu l’aide dont une vingtaine dans le ferroviaire pour un total de 150 services dont un tiers à l’international et près de 900 000 unités de transport intermodal (UTI) aidés dont 70 % pour le ferroviaire. La distance moyenne atteint 780 km pour les services ferroviaires.
Le dispositif concerne des services de nature ferroviaire, fluvial ou du transport maritime à courte distance. Ces services doivent être alternatifs à la route, réguliers, « commercialement ouvert », c’est-à-dire accepter tous les clients de manière équitable et sans discrimination, utiliser des UTI. Le trajet doit être supérieur à 80 km. Ce dernier point a fait largement réagir la salle : cette limitation pénalise le fluvial et sa suppression constitue une demande de longue date de la profession. Le service s’entend d’un terminal d’origine à un terminal de destination avec l’un des deux points situés en France, le transit est exclu. Cela signifie qu’un service de la Belgique à l’Espagne ne peut être pris en compte mais une origine dans un pays européen jusqu’en France rentre dans les critères, dans ce cas, le transbordement en France est pris en charge. Le fait générateur est le transbordement de l’UTI entre la route et le mode massifié, sur un terminal en France continentale, avec pré ou post-acheminement routier.
Un seul des acteurs du service, le responsable financier de la solution, peut solliciter le versement de l’aide pour le transbordement d’une ou plusieurs UTI. A charge pour les acteurs de se mettre d’accord sur une éventuelle répercussion de l’aide entre eux. Le montant de l’aide a été de 17,20 euros par UTI transbordé en 2017. La demande doit se faire par dossier dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt annuel avant la date limite. Celle-ci était début juin 2019 pour les services réalisés en 2018.
Vincent Ferstler a évoqué rapidement un audit conduit par le CGEDD en 2017 sur l’aide au coup de pince qui a, selon lui, confirmé l’utilité du système et favorisé sa poursuite décidée par le gouvernement pour une nouvelle période de 2018 à 2022. Le rapport a aussi préconisé une évolution de l’aide intégrant une composante « offre » qui pourrait être l’introduction d’une part appliquée aux circulations effectives en complément d’une part en fonction des UTI transbordés. A la question venue de la salle sur le long décalage dans le temps entre la réalisation du service et le versement de l’aide, Vincent Ferstler a reconnu que c’était un point également un point soulevé dans l’audit mais l’Etat n’a pas de solution dans l’immédiat.
Aide pour les installations terminales embranchées (ITE)
La Commission européenne a autorisé, le 3 janvier 2018, un régime d’aides français en faveur de la création et de la modernisation d’installations terminales embranchées (ITE). Ce régime est doté d’un budget global de 60 millions d’euros et prendra la forme de subventions non remboursables. Il porte le nom de régime d’exemption SA.48483. Les bénéficiaires de cette aide sont les entreprises privées pour leur partie d’ITE. L’aide ne peut pas être supérieure à la moitié des coûts d’investissement éligible avec un plafond de 2,5 M€ pour la création ou la réactivation d’une ITE et de 2 M€ pour une extension ou rénovation.
« Ce sont les collectivités territoriales qui financent cette aide, a expliqué Sandrine Gomes, représentant la région Hauts-de-France, l’Etat n’ayant pas prévu de ligne budgétaire. Pour les Hauts-de-France, c’est la région qui gère. Nous avons identifié entre 60 et 80 entreprises qui peuvent en bénéficier. Il ne faut pas tarder à se faire connaître, l’enveloppe allouée peut être vite dépensée ».
Les demandes pour cette aide doivent respecter plusieurs conditions. L’ITE de l’entreprise doit être connectée directement au réseau ferré national (RFN). Interrogée, la DGITM a précisé qu’il peut aussi s’agir d’une connexion à un réseau ferré portuaire ou local. « Il se pose la question de l’état de la première partie de l’ITE, a indiqué Sandrine Gomes, qui rejoint la problématique des lignes capillaires fret et des voies d’approche. Nous sommes en discussion avec SNCF Réseau car l’état de la première partie de l’ITE est fondamental par rapport à la partie privée de l’ITE ». L’entreprise doit fournir une étude sur les prévisions de trafic à 5 ans, le report modal de la route vers le ferroviaire doit être « suffisant et significatif ». La réalisation des travaux et la réalité du report modal font l’objet d’un contrôle annuel pendant 5 ans. L’aide peut financer les voies, les plates-formes de chargement, les zones de chargement goudronnées, les installations d’éclairage, les systèmes de grue, les équipements fixes de chargement, les ponts-bascules, les installations pour la manœuvre du matériel roulant et les engins de traction. Elle ne concerne que le transport ferroviaire de marchandises.
« Nous avons reçu des demandes pour cette aide, a conclu Sandrine Gomes. Actuellement, trois dossiers sont en cours d’instruction. Pour le financement, nous utilisons les fonds Feder sur la partie « conduire la transition énergétique » ». En effet, selon la Commission, une telle mesure doit favoriser le transfert du fret de la route vers le rail, en accord avec les objectifs de la politique commune des transports visant à encourager les modes de transport moins polluants.